Bismarck (Otto, prince von) (suite)
Ainsi, après vingt-huit ans de pouvoir, Bismarck quitte les devants de la scène allemande et européenne. Déçu, amer, il s’érige en juge pendant les huit années qui lui restent à vivre. Il ne manque pas de critiquer ses successeurs, qu’il considère comme des amateurs maladroits. Mais force lui est de constater que les rouages de l’État tournent sans lui. Il dicte ses Mémoires à son vieux collaborateur Lothar Bucher, ses Pensées et souvenirs (publiés en 1898), qui, naturellement, manquent d’objectivité. Les articles qu’il écrit ou qu’il inspire pour les Hamburger Nachrichten, journal de faible diffusion, montrent un beau talent de publiciste, extrêmement sévère pour son successeur Leo von Caprivi ou pour Adolf von Marschall, et même pour l’empereur. Les polémiques quotidiennes, les critiques qui paraissent dans quelques feuilles dévouées donnent au vieillard l’impression de revivre. Se faisant passer pour victime des intrigues de Caprivi, recevant de nombreux visiteurs, Bismarck contribue à nourrir une légende bismarckienne qui, déjà, s’épanouit. L’empereur, des princes, quatre cents parlementaires viennent célébrer, à Friedrichsruh, le quatre-vingtième anniversaire du vieil homme d’État, mais Bismarck continue à détester Guillaume II et la « clique » de la Cour. Il a beau jeu de démontrer les erreurs de ceux qui, en ne renouvelant pas le traité de réassurance, ont poussé la Russie dans les bras de la France ; il fait à ce sujet des révélations qui tournent au scandale. Hostile à l’expansion coloniale, Bismarck ne voit pas l’intérêt de la politique navale, bien que l’amiral A. von Tirpitz soit venu à Friedrichsruh lui exposer ses idées. Avec une belle obstination, le vieillard, fidèle aux perspectives continentales, reste sourd à la voix des apôtres de la Weltpolitik. Mais, de plus en plus, Bismarck souffrant s’enferme dans le silence. Il s’éteint le 30 juillet 1898.
R. P.
➙ Allemagne / Franco-allemande (guerre) / Guillaume Ier / Guillaume II / Kulturkampf / Prusse.
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