Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
B

bétonnage (suite)

• Dans le cas de constructions structurales à plusieurs niveaux, le système poteaux-poutres peut être remplacé par un système poteaux-dalles ou refends porteurs-dalles ; dans tous les cas, on a une structure active et un remplissage inerte, qui peut être subdivisé par le quadrillage des fenêtres (immeuble du 51, rue Raynouard, à Paris, 1929-1932, A. et G. Perret), recevoir une façade-rideau (en acier : Maine-Montparnasse I et II à Paris, 1962-1967, Jean Dubuisson [né en 1914]) ou des éléments de façade préfabriqués en béton (tour Horizons à Rennes, 1969-1970, Georges Maillols [né en 1913]). Mais la structure elle-même peut se réaliser soit par le procédé (désormais qualifié de traditionnel) du coulage, soit par la mise en place d’éléments préfabriqués (préfabrication lourde). Des variétés existent également ici suivant que les murs réalisés sont tous porteurs (cité des Oiseaux à Bagneux, 1932, Eugène Beaudoin et Marcel Lods ; SHAPE à Fontainebleau, 1951, Marcel Lods [né en 1891] et Maurice Cammas [né en 1901] ; cité des Courtilières à Pantin, 1957-1961, Emile Aillaud [né en 1902]) ou que certains éléments (gaines, sanitaires, escaliers) ont un rôle porteur plus accentué (îlot V 61 au Havre, 1957, Pierre Lerembert, André Lenoble et Lebourgeois ; ensemble à Årsta, quartier de Stockholm, 1962-1965, Ohlsson et Skarne). On conçoit que, suivant qu’il s’agit de béton traditionnel ou de préfabrication, l’intervention de l’architecte puisse prendre place à des moments différents et se présenter suivant des modalités différentes.

• Dans le cas de constructions à niveau simple, s’il s’agit d’édifices de petites dimensions, aucun problème difficile ne se pose ; par contre, s’il s’agit de couvrir une grande surface, on se trouve, la plupart du temps, en face de la nécessité d’obtenir le plus grand dégagement au sol (hall d’exposition, salle de sport, etc.). Techniquement, le béton armé affirme sa maîtrise dans le surplomb, et c’est dans ce cas, aussi, que l’expression architecturale sera la plus sensible. Dès 1913, Max Berg (1870-1947), au Jahrhunderthalle de Breslau, avait trouvé une solution avec ces poteaux inclinés vers l’intérieur que nous retrouvons au Grand Palais des sports de Rome (1961), par Pier Luigi Nervi* ; mais, dans ce dernier cas, on a pu alléger la construction, très lourde, du précurseur, et l’immense arène circulaire est couverte par un plafond de 100 m de diamètre dont les nervures rayonnantes sont faites d’éléments préfabriqués qui, assemblés, réalisent une véritable architecture. Le Centre national des industries et des techniques (Courbevoie, 1951-1958) est au contraire un monolithe. Coquille faite de deux voiles minces, il est dû à l’union intime de l’architecte et de l’ingénieur (Robert Camelot [né en 1903], Jean de Mailly [1911-1975] et Bernard Zehrfuss [né en 1911], architectes, Nicolas Esquillan [né en 1902] et Gilbert Lacombe [né en 1921], ingénieurs), tant il est difficile de faire la part des uns ou des autres dans la réalisation de cette couverture de 22 000 m2 sur trois points d’appui, ou dans la prise de la lumière par les cannelures des « pieds », qui s’épanouissent pour former d’eux-mêmes la voûte, répétant cette abolition de la distinction entre la charge et le support affirmée à la Galerie des machines de 1889 (v. fer [architecture de]).

• Le programme du « grand espace couvert » définit aussi les édifices religieux : on peut même avancer que, depuis vingt ans, l’église est redevenue un lieu privilégié d’expériences architecturales. Après Saint-Jean-l’Évangéliste de Montmartre construite (1894-1904) par Anatole de Baudot (1834-1915), Auguste Perret réalisa au Raincy (1922) ce que l’on a nommé la Sainte-Chapelle du béton ; si le plan et le volume intérieur sont traditionnels, les colonnes sans bases ni chapiteaux, en béton brut, les berceaux en voile mince des voûtes, les claustra correspondent à l’emploi architectural du matériau selon ses possibilités. L’église de Royan (1952-1958), par Guillaume Gillet (né en 1912), architecte, Bernard Lafaille (1900-1955) et René Sarger (né en 1917), ingénieurs, montre l’adaptation du béton à une technique nouvelle, celle de la couverture suspendue sur câbles ; la surface gauche ainsi engendrée est supportée par de hauts contreforts en voile de béton formés en V : l’ensemble ne doit plus rien aux techniques ni aux formules traditionnelles. La cathédrale d’Alger (1958-1961), par Paul Herbe (1903-1963) et Jean Le Couteur (né en 1916), architectes, et René Sarger, ingénieur, est formée de murs indépendants et autoporteurs (voiles minces) ; l’originale coupole, en fait déterminée par une hyperboloïde de révolution, permet le rapprochement avec la cathédrale du Christ-Roi à Liverpool (1963-1967), par Frédéric Gibberd (né en 1908) et ses associés, rotonde en béton couronnée d’une lanterne. La cathédrale de Tōkyō (1965), par Kenzo Tange (né en 1913), a des murs de béton inclinés vers l’intérieur.

Deux réalisations marquent, par leur opposition, les limites possibles de l’expression. Ce sont deux églises de pèlerinage : celle de Ronchamp (1950-1955), par Le Corbusier, fondée sur une composition plastique des volumes et un jeu d’éclairages où la technique de la construction n’entre pas en jeu ; celle de Neviges en Allemagne (1957-1965), par Gottfried Böhm (né en 1920), où la composition par juxtaposition de volumes rectilignes, plus souvent utilisée à l’extérieur, a été transférée à l’intérieur grâce à d’audacieux surplombs ; on a, en raison de cette transposition, comme un estampage en creux des masses qui seraient vues du dehors. Ici l’expression grand espace couvert doit être remplacée par celle de volume intérieur. Il en va de même à la succursale de Buenos Aires de la London and South America Bank (1962-1966, Gerald Wakeham et associés), où le vaste hall, qui par endroits est dégagé jusqu’à la couverture, comporte des balcons soutenus par des poutres en cantilever, ou même suspendus.