Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
B

Berlin (suite)

Les successeurs de Frédéric II ne manquèrent point d’apporter leur part à l’enrichissement de Potsdam : ainsi, toujours dans le parc de Sans-Souci, le château de Charlottenhof (1826-1829), témoignage de l’art de Karl Friedrich Schinkel, le plus grand architecte classique qu’ait eu l’Allemagne. À la vérité, les châteaux « frédériciens » ont longtemps eu, auprès des promeneurs, une moindre popularité que le parc aimable de Babelsberg, sur la rive orientale de la Havel, et son château de style gothique anglais (1834-1849), également élevé sur un projet de Schinkel — dont les pastiches gothiques étaient loin de valoir l’architecture à l’antique.

P. D. C.

 O. Schwebel, Geschichte der Stadt Berlin (Berlin, 1888 ; 2 vol.). / F. Leyden, Groß-Berlin, Geographie der Weltstadt (Breslau, 1933). / Notes et Études documentaires, Berlin (la Documentation française, 1961). / W. Kiaulehn, Berlin, Schicksal einer Weltstadt (Berlin, 1962). / H. Zopf et G. Heinrich, Berlin-Bibliographie (Berlin, 1965). / H. Herzfeld (sous la dir. de), Berlin und die Provinz Brandeburg im 19. und 20. Jahrhundert (Berlin, 1968).

Berlioz (Louis Hector)

Compositeur français (La Côte-Saint-André, Isère, 1803 - Paris 1869).



La vie de Berlioz

Berlioz voit le jour dans une vieille famille dauphinoise. Son père est médecin et consacre ses loisirs à la lecture ; il supporte avec une certaine philosophie les sautes d’humeur d’une épouse assez réfractaire aux joies de l’esprit. L’enfance d’Hector Berlioz s’écoule dans ce milieu familial plus favorable aux lettres qu’à la musique. Un jour, il découvre dans un meuble une flûte et la méthode de Devienne ; il se met à l’étude du solfège sans le secours d’aucun maître et improvise tantôt sur la flûte, tantôt sur la guitare. La lecture et les longues promenades dans la campagne, au sein de la nature, sont ses passe-temps favoris, mais il ne néglige pas pour autant ses études. Une fois en possession du baccalauréat (1821), son père décide qu’il sera médecin et l’envoie à Paris. Dès l’automne, Berlioz s’installe au Quartier latin, mais il suit sans enthousiasme les cours de la faculté ; on le rencontre plus fréquemment à l’Opéra ainsi qu’à la bibliothèque du Conservatoire, où il étudie les partitions des œuvres qu’il a entendues. Sa vocation se dessine malgré l’opposition de sa famille, qui suspend ses envois d’argent : il sera musicien.

Ayant pris conseil de Jean-François Lesueur (1760-1837), Berlioz, impressionné par les œuvres religieuses du vieux maître, décide d’écrire une Messe. Il la fait exécuter le 10 juillet 1825 en l’église Saint-Roch, et Lesueur lui déclare : « Vous ne serez ni médecin ni apothicaire, mais un grand compositeur, car vous avez du génie. »

Pour faire entendre cette œuvre, dont la partition est perdue, Berlioz s’est considérablement endetté ; la maigre pension que sa famille a, entre-temps, rétablie ne peut lui permettre de faire face à ce déficit ; de plus, il tente vainement le prix de Rome en 1826, et son père, au courant de ce nouvel échec, lui coupe de nouveau les vivres et lui donne l’ordre de rentrer au foyer familial. Quelques semaines suffisent à Berlioz pour apitoyer son père ; celui-ci se laisse fléchir, et notre jeune musicien reprend le chemin de la capitale.

Il entre au Conservatoire dans la classe de composition de Lesueur et suit également les cours de fugue et de contrepoint d’Anton Reicha (1770-1836) ; ce remarquable maître d’origine tchèque va l’initier rapidement aux principes de la musique modale et de la rythmique musicale, tandis que la connaissance des théories de Lesueur relatives à la musique hypocritique l’entraînera tout naturellement vers la musique à programme.

Cependant, les difficultés matérielles subsistent toujours, et Berlioz, pour tenter d’y faire face, s’engage aux Nouveautés comme choriste. En dépit d’un nouvel échec au concours de 1827 pour le prix de Rome, il continue courageusement à composer. Il se lie d’amitié avec les jeunes gloires du romantisme littéraire et pictural : Vigny, Hugo, Lamartine, Nerval, Delacroix. Tous ces « Jeune-France », qui participeront pour la plupart en 1830 à la bataille d’Hernani, assistent aux soirées shakespeariennes de l’Odéon en septembre 1827 ; la grande vedette de ces représentations, données par une troupe anglaise, est une actrice irlandaise, Harriet Smithson, dont Berlioz tombe éperdument amoureux. Il envisage aussitôt d’en faire sa femme ; mais comment parvenir jusqu’à elle, qui ignore sans doute jusqu’à son nom ?

Au printemps 1828, Berlioz entend les symphonies de Beethoven sous la direction de F. Habeneck (1781-1849) aux concerts du Conservatoire, et cette révélation l’incline vers le langage symphonique. Le premier concert de ses œuvres, le 26 mai 1828, est diversement accueilli : F. J. Fétis (1784-1871) concède qu’il a du génie, mais, ajoute-t-il, « souvent son originalité va jusqu’à la bizarrerie ». Ayant tenté pour la troisième fois le concours de Rome, Berlioz n’obtient qu’un second prix ; démuni de ressources, il rentre dans sa famille, et c’est au cours de ses promenades champêtres qu’il élabore les Huit Scènes de Faust, inspirées de la traduction de Gérard de Nerval, embryon lointain de la future Damnation de Faust.

Il rentre à Paris à l’automne 1828 et rêve plus que jamais d’Harriet Smithson ; c’est dans ces dispositions d’esprit qu’il entreprend la composition de la Symphonie fantastique. Il en a conçu lui-même le programme littéraire, et chacun des cinq mouvements est précédé d’un titre qui en définit éloquemment la matière : 1o Rêveries, passions ; 2o Un bal ; 3o Scène aux champs ; 4o Marche au supplice ; 5o Songe d’une nuit de sabbat. La première audition de cette sorte d’autobiographie musicale obtient, le 5 décembre 1830, un succès d’enthousiasme. Quelques semaines plus tard, Berlioz, qui avait enfin obtenu, le 21 août 1830, le grand prix de Rome, part pour l’Italie. Le séjour à la Villa Médicis ne lui plaît guère ; il se sent, là-bas, d’autant plus seul qu’il a laissé dans la capitale sa jeune fiancée de dix-neuf ans, Camille Moke, l’Ariel inspirateur de la Tempête. Il revient à Paris en novembre 1832, désespérément seul cette fois, car celle qu’il aimait est devenue Mme Pleyel.

Le souvenir d’Harriet Smithson le hante de nouveau ; il invite l’actrice à l’un de ses concerts, fait rapidement sa connaissance, obtient son consentement et l’épouse le 3 octobre 1833 ; Liszt est l’un de ses témoins.

Harriet Smithson est totalement ruinée ; elle n’a plus aucun engagement. Pour subvenir aux besoins du ménage, Berlioz donne une série d’articles au Correspondant, à la Revue européenne, au Courrier de l’Europe, à la Gazette musicale de Paris (1834) ainsi qu’au Journal des débats, dont il devient en 1835 le chroniqueur musical attitré.