Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
B

Bénédictins (suite)

Les questions actuelles

Sans doute, dans la crise qui secoue actuellement le monde, les monastères ne sont pas épargnés ; ils doivent procéder eux aussi à leur « aggiornamento ». Et les adaptations se cherchent, comme toujours, à la fois suivant la lettre et suivant l’esprit.

Le détail des observances est passé au crible d’une remise en question qui n’épargne ni la répartition des heures de la prière (sept fois le jour et une fois la nuit, suivant la règle se référant à l’Écriture), ni la composition de ces offices, ni les autres aspects de la vie conventuelle, à commencer par les problèmes que posent les communautés nombreuses. Tout cela est trop secondaire et relatif pour qu’un large pluralisme ne soit pas très légitime dans les solutions adoptées.

Pour que le monachisme ne se dissolve pas dans une totale anarchie, comme par le passé la nécessité d’un regroupement se pose. Il existe une tendance « centralisatrice ». Toutefois les moines sont, comme tout le monde, tellement imprégnés de la sensibilité spirituelle et religieuse propre à tel ou tel pays que les affinités jouent désormais bien plus entre un trappiste et un bénédictin tous deux français qu’entre des moines appartenant à une même congrégation, mais en des provinces différentes, italienne, française ou hollandaise.

Cependant, dans la mesure même où moines et communautés sont perméables aux tendances de leur « milieu », ils risquent aussi d’introduire jusque dans le monachisme les divisions qui opposent entre eux par exemple les chrétiens français. Pour pallier cela, peut-être conviendrait-il de faire appel à cet « esprit » si difficile à définir et qui, en définitive, se révèle pourtant comme le vrai ciment de la diversité monastique.

C. J.-N.

➙ Cisterciens / Cluny / Mauristes / Monachisme.

 C. Butler, Benedicte Monachism (Londres, 1919 ; 2e éd., 1923 ; trad. fr. le Monachisme bénédictin. De Gigord, 1924). / P. Schmitz, Histoire de l’ordre de saint Benoît (Maredsous, 1942-1956 ; 7 vol.). / A. I. Schuster, Saint Benoît et son temps (Laffont, 1950). / L. Bouyer, le Sens de la vie monastique (Turnhout, 1951). / W. Dirks, Die Antwort der Mönche (Francfort, 1955 ; trad. fr. la Réponse des moines. Seuil, 1955). / P. Cousin, Précis d’histoire monastique (Bloud et Gay, 1959). / C. J. Nesmy, Saint Benoît et la vie monastique (Éd. du Seuil, coll. « Microcosme », 1959). / B. Besret, Libération de l’homme. Boquen (Desclée De Brouwer, 1970).
On peut également consulter la Revue bénédictine, les Collectanea cisterciensia, la Revue des sciences philosophiques et théologiques (1957), ainsi que la traduction de la règle de saint Benoît et du texte des Dialogues de saint Grégoire le Grand (la Vie et la règle de saint Benoît, Desclée De Brouwer, 1965).

Les étapes de la vie de saint Benoît

480

Naissance dans la province de Nursie. Début d’études à Rome. Essai d’ascèse « dans le monde » à Enfide.

Vers 500

Trois années ermite à Subiaco. Réforme manquée à Vicovaro, puis organisation à Subiaco de douze communautés, composées chacune de douze moines et d’un père spirituel.

Vers 529

En butte à des persécutions provoquées par la jalousie. Fondation du Mont-Cassin.

Après 541

Entrevue avec Totila, chef des Goths et futur conquérant de Rome. Fondation des monastères à Terracina et à Rome. Dernière entrevue avec sa sœur Scholastique. Vision cosmique.

21 mars 547 (?)

Mort de saint Benoît.


Le rôle des Bénédictins dans l’histoire de l’art

On ne peut parler d’un art proprement bénédictin. Au cours des siècles, l’idéal bénédictin s’est modifié, les congrégations se sont développées et ont essaimé dans des régions très variées, entraînant une grande disparité de la production artistique. Pourtant les Bénédictins ont joué un rôle essentiel dans l’histoire de l’art.

Et tout d’abord ils ont créé le type du monastère occidental. Leur part dans l’architecture monastique jusqu’à l’apparition des Cisterciens* et des ordres mendiants, c’est-à-dire jusqu’au xiie s., est primordiale. Dès l’époque carolingienne, le plan type de l’abbaye occidentale nous est connu, notamment par le précieux document conservé à Saint-Gall. L’église abbatiale est un édifice allongé de forme basilicale, dans la tradition paléochrétienne. L’un de ses longs côtés borde la cour du cloître, qui est entouré d’une galerie couverte sur ses quatre côtés. Sur le cloître donnent les principaux bâtiments conventuels : la salle du chapitre où les moines se réunissent, la salle de travail, le réfectoire, la cuisine. Le dortoir est d’ordinaire en étage, dans le prolongement du transept de l’église. D’autres constructions, les bâtiments des convers, l’hôtellerie, les bâtiments utilitaires (greniers, celliers, édifices agricoles) se répartissent dans un enclos suivant un quadrillage qui n’est pas sans rappeler la disposition des villas romaines, mais avec un centre défini : l’église et le cloître.

Les moines eux-mêmes ont dû participer activement à la construction, mais ils étaient certainement secondés par des laïcs. Quelques grands abbés, au Moyen Âge, furent l’âme de ces entreprises : Guillaume de Volpiano († 1031) à Dijon et en Normandie, saint Maïeul (v. 906-994) et saint Hugues (1024-1109) à Cluny, Oliba de Ripoll († 1046) en Catalogne, Godehard († 1038) et saint Bernward (960?-1022) à Hildesheim, Suger à Saint-Denis. Les abbés donnaient l’impulsion, des moines dirigeaient les chantiers, des laïcs s’y associaient.

Il y eut de grands monastères à l’époque carolingienne, dont il reste peu de chose. Souvent l’église abbatiale était élevée au-dessus des restes d’un saint vénéré, comme à Centula (auj. Saint-Riquier), comme à Saint-Denis ou à Saint-Remi de Reims. Des églises, comme la grande abbatiale de Fulda, étaient bâties sur le modèle des basiliques romaines.