Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
B

Barcelone

En esp. Barcelona, v. d’Espagne. Capitale de la Catalogne, Barcelone est, avec 1 862 000 habitants (Barcelonais), la deuxième ville d’Espagne. Située au cœur du plus important foyer industriel espagnol, elle est aussi l’une des villes dont le développement est le plus spectaculaire.



Les facteurs de la réussite urbaine


Une position remarquable

Sans doute, Barcelone se trouve-t-elle à l’écart de la dépression du Vallés-Panadés, qui relie le Levant espagnol au Midi français. Mais deux brèches ouvertes dans la Cordillère littorale de part et d’autre de la ville lui assurent des relations aisées avec ce couloir de circulation et en font le débouché naturel du haut pays catalan sur la mer. C’est, au sud, la trouée du Llobregat, qui donne accès à la route du Levant, à celle de Madrid et au bassin de Manresa. C’est, au nord, la percée du Besós, qui, par-delà le Vallés, communique par son affluent le Congost avec la plaine de Vich, vers laquelle convergent toutes les routes de la haute Catalogne orientale. Barcelone s’est établie entre les deltas de ces deux rivières, au pied du mont Tibidabo (532 m), sur un vaste glacis dominé par quelques collines, dont la plus vigoureuse, le Montjuich, atteint près de 200 m en bordure de la mer. Un courant marin étale à son pied les alluvions du Besós en une flèche sableuse qui s’étire vers le sud en ménageant un abri favorable à l’établissement d’un port.

Un site portuaire, au débouché de deux voies de pénétration vers la Catalogne intérieure, à proximité du croisement de ces voies avec l’axe reliant le Levant à l’Europe, tel était le facteur essentiel qu’il appartenait aux hommes de valoriser. Il ne le fut pourtant pas avant le Moyen Âge, quand les comtes de Barcelone imposèrent leur autorité à toute la Catalogne et réunirent l’Aragon à leur couronne. Les relations avec le reste de la Péninsule étant difficiles, l’expansion vers le sud étant bloquée par les Castillans, ils se tournèrent résolument vers la mer. Nouant des liens commerciaux avec tout le Bassin méditerranéen, ils firent de Barcelone l’une des premières places commerciales et industrielles de l’époque. De ce fait, les voies de communication s’établirent en un réseau étoilé faisant de la capitale comtale une étape obligatoire sur le chemin du Levant à l’Europe. Aujourd’hui encore, il est malaisé de passer du Vallés au Panadés en évitant Barcelone. La voie ferrée, qui emprunte la dépression, s’en détourne au profit de Barcelone en utilisant les vallées du Llobregat et du Besós.


Le dynamisme de la population

La valeur de la situation et les ambitions des comtes n’auraient pas suffi à faire la fortune de Barcelone s’il ne s’était trouvé une bourgeoisie entreprenante pour construire et armer des navires, pour organiser des circuits commerciaux à travers tout le Bassin méditerranéen et pour monter des ateliers dans toute la Catalogne. Ce sont les mêmes qualités qui, après une longue stagnation consécutive au rattachement au royaume de Castille, à des épidémies répétées et à des conflits sociaux, permirent à partir du xviiie s. un nouvel essor de la ville. Investissant ses capitaux dans l’industrie, modernisant au xixe s. ses entreprises sur le modèle anglais et français, la bourgeoisie barcelonaise prit la direction d’un puissant foyer industriel qui n’a cessé de se développer.

Mais la bourgeoisie d’affaires n’aurait pu mener à bien ses entreprises sans le dynamisme démographique de la Catalogne. Toute l’activité de la ville repose en effet sur l’abondance et la qualité de la main-d’œuvre. Dès la fin du xive s., Barcelone comptait environ 35 000 habitants : à deux reprises, il avait fallu repousser les murailles qui, au xive s., atteignirent le pied du Montjuich. Après une pause de deux siècles, la croissance reprit au xviiie s. : Barcelone passa de 32 000 habitants en 1718 à 130 000 en 1798, puis à 250 000 vers 1877 pour atteindre le demi-million à la fin du xixe s. La ville, débordant ses murailles dès la fin du xviiie s., s’étendit d’abord le long du port avec le quartier de Barceloneta, puis gagna vers l’intérieur suivant un plan géométrique proposé par l’ingénieur Cerdá en 1859 (Ensanche : la Nouvelle Ville). Au xxe s., son expansion s’est poursuivie : de 600 000 habitants en 1913, elle est passée à 800 000 en 1924 et à 1 million à la veille de la guerre civile. Depuis 1950, le rythme d’accroissement s’est accéléré, mais il profite davantage aux communes limitrophes qu’à la ville elle-même. Barcelone a en effet englobé les faubourgs de Sants, de Gracia, de San Andrés, de San Martín et de Pueblo Nuevo. Plus récemment, les constructions ont rempli les vides qui subsistaient entre ces bourgs, atteint le pied du Tibidabo, conquis les vallées qui l’entaillent et envahi les terrains marécageux de la rive droite du Besós. Actuellement, la ville s’étend à la fois vers le nord-est et le sud-ouest. L’espace bâti est ininterrompu depuis les agglomérations satellites de Santa Coloma de Gramanet, de San Adrián del Besós et de Badalona, au nord-est, jusqu’à celles d’Hospitalet, de Cornellá, d’Esplugas, au sud-ouest. Au total, l’agglomération compte plus de 2 500 000 habitants.

Une telle expansion n’est pas tant due à l’accroissement naturel des Barcelonais qu’à un fort courant d’immigration. Dès le Moyen Âge, et plus encore aux xviiie et xixe s., la ville a été un pôle d’attraction pour les milieux ruraux de la Catalogne, qui se sont vidés à son profit. À partir du début du xxe s., l’attirance a dépassé la Catalogne, et la ville a vu arriver, des contingents de plus en plus nombreux de Valenciens et d’Aragonais d’abord, d’Andalous plus récemment. Cet afflux massif de main-d’œuvre, s’il n’est pas sans poser de problèmes, a largement contribué à rajeunir la population et à redresser le taux de natalité : tombé à 14-15 p. 1 000 entre 1940 et 1960, il est remonté à 18,3 p. 1 000 en 1965, tandis que le taux de mortalité continuait à baisser jusqu’à 8,2 p. 1 000 à la même date. Encore convient-il d’opposer la ville proprement dite, dont la population montre un net vieillissement (près de 9 p. 100 de la population totale ont plus de soixante-cinq ans), à sa couronne de faubourgs, où les moins de vingt-cinq ans représentent plus de 40 p. 100 des effectifs. Aussi prévoit-on vers 1980, avec la poursuite prévisible de cette évolution récente, une population de 2 300 000 habitants pour Barcelone et de 3 400 000 habitants pour l’agglomération.