Zurich (suite)
Lors de la décadence de l’Empire romain, les Alamans envahirent la cité. Les alentours du lac furent soumis par les Ostrogoths et plus tard par les Francs. À la fin du viiie s., une église, que remplacera aux xie-xiiie s. le Grossmünster, fut construite (vraisemblablement par Charlemagne) et un chapitre de chanoines fut institué. En 853, Louis II le Germanique (petit-fils de Charlemagne) fonda une abbaye de femmes, Fraumünster, en l’honneur de Felix et Regula. Sa fille Hildegarde en fut la première abbesse.
Investie de droits et privilèges très étendus, l’abbesse de Fraumünster fut pendant plusieurs siècles la souveraine incontestée de Zurich. Le Lindenhof était dominé par le château servant de résidence royale (Pfalz), autour duquel on construisit des églises, des couvents et les habitations destinées aux dignitaires de la cour, marchands et artisans. La petite cité médiévale, qui comptait 6 000 habitants, jouit d’une heureuse prospérité pendant 350 ans. Le nom de Rüdiger Manesse, avec son cercle de « Minnesänger », d’artistes et de mécènes, témoigne d’une première floraison littéraire et artistique au xiiie s.
En 1218, Zurich fut proclamée ville libre. Un siècle plus tard, les artisans, ayant à leur tête Rudolf Brun (v. 1300-1360), renversèrent le gouvernement aristocratique (1336). Treize corporations artisanales fondées à cette époque prirent en main le gouvernement de la cité avec la corporation des « seigneurs », comprenant les aristocrates et les marchands. Elles exercèrent le pouvoir durant plus de 300 ans et subsistent encore aujourd’hui, comme associations culturelles et sociales, sans aucune influence politique.
En 1351, Zurich adhéra à la Confédération helvétique, fondée en 1291, dont elle forma le cinquième canton. Après maintes querelles territoriales contre Schwyz et les autres Confédérés (guerre de Zurich, 1436-1446), l’alliance des cantons fut définitivement consolidée vers 1450. L’acquisition du comté de Kyburg en 1452 et de la ville de Winterthur en 1467, une participation déterminante aux guerres de la Confédération contre l’État bourguignon valent à Zurich — au sommet de sa puissance — une influence prépondérante au sein de la Confédération, spécialement sous le gouvernement de son bourgmestre Hans Waldmann (1435-1489).
Le 29 janvier 1523, le théologien Ulrich Zwingli* fait adhérer Zurich à la Réforme. La cité fut dès lors un centre de sa nouvelle doctrine en Suisse ; elle eut par la suite à souffrir de luttes confessionnelles. Quand ces querelles eurent pris fin, Zurich connut un renouveau de prospérité économique et culturel, marqué par les noms de J. J. Bodmer et de J. J. Breitinger — qui redonnèrent un lustre à la littérature allemande —, de Salomon Gessner, peintre et poète bucolique, de Johann Martin Usteri, écrivain et peintre, de Johann Kaspar Lavater, un des créateurs de la physiognomie et grand ami de Goethe, de Heinrich Pestalozzi, pédagogue de réputation mondiale, de Heinrich Füssli, peintre, etc. En 1756, Zurich comptait 11 600 habitants.
Pendant la première moitié du xixe s., Zurich subit des transformations profondes. Au développement rapide de l’industrie dans le canton et la ville (industrie textile, construction de machines) s’associa l’émancipation démocratique des paysans et des bourgeois contre les traditionnels groupements patriciens élitaires. Depuis 1848, année où fut établie la nouvelle constitution fédérale, Zurich n’a cessé de jouer un rôle de premier plan dans les destinées de la Confédération, grâce à sa puissance économique et à l’influence de personnalités comme Alfred Escher (1819-1882), initiateur de la création du Polytechnicum et de la construction de lignes de chemin de fer, parmi lesquelles celle du Saint-Gothard. Au début du xixe s., la ville entreprit de raser ses fortifications et engloba treize faubourgs, avec lesquels elle ne forma plus qu’une seule commune à partir de 1893.
La seconde moitié du xixe s. fut une période de prospérité économique ; elle fut aussi marquée par le rayonnement considérable de la vie culturelle zurichoise, ses représentants les plus illustres étant Gottfried Keller et Conrad Ferdinand Meyer, classiques de la littérature allemande. Des personnalités éminentes telles que l’écrivain Georg Büchner et l’historien Theodor Mommsen enseignèrent à l’université et au Polytechnicum. Nombres d’artistes, d’écrivains, de savants et d’hommes d’État ont vécu et travaillé à Zurich, Richard Wagner entre autres.
Au xxe s., la ville fut en proie aux luttes de partis. Après la Première Guerre mondiale, les socialistes conquirent la majorité dans les deux conseils de la ville (1925-1928) et la conservèrent jusqu’en 1949. Depuis lors, les forces politiques en présence tendent à s’équilibrer. (Une particularité intéressante de cette époque fut la création d’un nouveau parti indépendant par l’entreprenant Zurichois Gottlieb Duttweiler, créateur des supermarchés « Migros ».) En 1934, huit autres faubourgs ont été rattachés à la commune de Zurich.
H. O.
➙ Suisse.
P. Kläni, Zürich. Geschichte der Stadt und des Bezirks (Zollikon, 1948).