Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Zaïre (suite)

Le phénomène marquant du dernier quart de siècle est le mouvement d’urbanisation qui, freiné par les autorités coloniales avant 1960, s’est développé sans entraves au cours des années ultérieures. Aux causes traditionnelles toujours puissantes (attrait des salaires et de l’anonymat urbain, mésententes et rivalités au sein de la communauté villageoise) s’est ajoutée la recherche de la sécurité des personnes. Les villes ont joué un rôle de refuge qui a provoqué un gonflement énorme de leurs effectifs. Le cas le plus typique est celui de la capitale, passée de 400 000 habitants en 1960 à 900 000 habitants en 1967 et à 1 500 000 habitants en 1974. Au rythme actuel de sa croissance, elle comptera 2 millions d’habitants en 1980. On est moins renseigné sur les autres agglomérations urbaines. On admet que le quart de la population congolaise est désormais urbanisé.


La situation agricole et ses grands problèmes

Le monde rural consacre encore une très large partie de ses activités à l’agriculture de type traditionnel (et localement à l’élevage). L’économie de subsistance cohabite cependant aujourd’hui avec une économie commerciale qui s’est développée pendant la période coloniale et touche la plus grande partie du pays.

Les cultures vivrières, qui sont surtout aux mains des femmes, sont pratiquées selon les techniques classiques de l’Afrique tropicale : défrichage et brûlis, travail léger du sol à l’aide d’outils simples, abandon des parcelles après quelques cycles culturaux et jachère plus ou moins longue. Quelques méthodes d’enrichissement de la terre sont à signaler : incendie de débris végétaux rapportés (système chitiméné), formation de buttes, billons, plates-bandes avec ou sans écobuage, apport de déchets domestiques ou de fumier animal (Kivu). L’organisation du terroir n’est pas le fait du hasard : la disposition concentrique des différentes sortes de parcelles répond à une nécessité, et l’utilisation des zones forestières à une recherche des meilleurs sols. Mais la dégradation progressive de la végétation arborée et l’extension des savanes prouvent qu’il y a un déséquilibre certain entre les besoins et les ressources. Sur chacun des champs, l’association de plusieurs plantes est fréquente ; mais il n’existe pas de schéma immuable, et les espèces varient selon les lieux, les moments et les personnes. Il en est de même pour les types de rotations, qui dépendent beaucoup des régions considérées. Les cultures commerciales imposées sont venues d’ailleurs s’introduire dans la succession traditionnelle des plantes, en la modifiant quelque peu.

Le manioc est la culture de base dans l’ouest et le sud-ouest du pays, mais il est présent presque partout. Introduit au xvie s. par les Portugais, il a beaucoup progressé en éliminant partiellement les céréales ; il offre en effet sur elles l’avantage d’être plus rustique et de ne pas poser de problèmes de conservation, puisqu’on ne le retire du sol qu’au fur et à mesure des besoins. Sous forme de farine ou de « pains », il constitue la nourriture de base de millions d’individus. Dans l’est et le nord-est du Zaïre, la population est cependant restée fidèle à la banane légume, ou banane plantain, à la peau épaisse et côtelée, qui est mangée cuite et sert également à fabriquer une bière très appréciée. Ailleurs, la banane est toujours présente, mais demeure seulement un appoint.

Le maïs est très répandu, sauf dans les zones à saison sèche assez longue et sévère, où il est relayé par les sorghos et les millets, moins exigeants en eau, mais qui imposent la construction de greniers. On fait également de la bière de sorgho. Le riz se plaît au contraire dans les régions les plus arrosées (« cuvette zaïroise ») puisqu’il est cultivé uniquement sous pluie et sur défriche forestière ; on le trouve donc le plus souvent dans le lit majeur des cours d’eau. Mais à ces espèces fondamentales, qui fournissent l’essentiel de la ration alimentaire, s’en ajoutent de nombreuses autres qui leur sont souvent associées dans les parcelles cultivées ou qui font l’objet d’une culture pure. C’est le cas de la patate douce, plantée seule ou avec le manioc, des ignames et des taros aux larges feuilles, de l’arachide, qui est souvent tête d’assolement, des pois d’Angole et des haricots, ceux-ci jouant un rôle de premier plan au Kivu. Huile et boisson (vin de palme) sont tirées du palmier à huile, rarement planté par les paysans, mais exploité partout ; la canne à sucre dresse ses hautes tiges dans les fonds humides. Les arbres fruitiers abondent, surtout autour des villages : manguiers, goyaviers, papayers, sagoutiers, corrossoliers, arbres à pain et naturellement bananiers à fruits.

La gamme assez large des produits vivriers obtenus, auxquels viennent se joindre ceux de la cueillette, du ramassage, de la chasse et de la pêche, assure un ravitaillement quotidien qui paraît suffisant en quantité. Si la ration alimentaire est plutôt déséquilibrée dans ses composants, elle n’est pas inférieure aux besoins, et l’on relève plus de signes de malnutrition (comme le kwashiorkor chez les enfants) que de signes de sous-alimentation. Il n’en reste pas moins qu’il suffit de peu de chose pour rendre critique la situation, et certaines régions du Zaïre ont connu, dans un passé récent, des disettes caractérisées (Kwango, régions orientales). Cependant, l’approvisionnement d’une masse croissante de citadins restés fidèles au manioc ou au millet ne laisse pas de causer des difficultés (production insuffisante, transports mal organisés), et c’est en milieu urbain que la sous-alimentation risque le plus de s’étendre.

La colonisation a été à l’origine du développement des cultures commerciales. La traite, pratiquée dans les établissements côtiers puis à l’intérieur du pays sous le contrôle étroit de grandes sociétés concessionnaires d’immenses domaines, a porté d’abord sur les produits du ramassage, tels le caoutchouc, les palmistes, le copal, la cire, l’ivoire. Mais il apparut bientôt nécessaire de passer au stade de la production, qui s’organisa essentiellement sous deux formes : par les colons et par les Zaïrois eux-mêmes. Des superficies très importantes furent concédées soit à des particuliers, soit à des sociétés pour l’établissement de plantations modernes, celles-ci s’installant sur des terres réputées « vacantes et sans maîtres ». À la veille de l’indépendance, il y avait ainsi près de 2 000 colons agriculteurs, nombreux surtout dans l’est et le sud-est du pays, produisant thé, café, cacao, caoutchouc, etc. Le palmier à huile était exploité dans des palmeraies industrielles ou bien dans les palmeraies naturelles grâce à des cueilleurs recrutés par contrat, qui coupaient les régimes pour les livrer aux huileries (superficie en production : 230 000 ha).