Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
W

Wehrmacht (suite)

1935-36, la constitution de la nouvelle Wehrmacht

Hitler prenant directement en main les affaires militaires, les événements vont s’accélérer. Le 16 mars 1935, le Führer signe le décret constitutif de la Wehrmacht, rendant à l’Allemagne sa liberté totale en matière d’armement, annonçant le service obligatoire et la création d’une armée de 36 divisions en 12 corps d’armée. Ce décret est complété par une loi organique qui établit les modalités du service dans la Wehrmacht, « force armée et école d’éducation militaire du peuple allemand ». Le terme de Reichswehr disparaît, et son ministre devient le ministre de la Guerre du Reich. Sous les ordres du Führer, commandant suprême de la Wehrmacht, ce dernier (Blomberg) en exerce le commandement effectif par les chefs des trois armées qui lui sont subordonnés. À côté de l’armée de terre (Heer) et de la marine apparaît au même rang la Luftwaffe, nouvelle armée de l’air, dont Göring est nommé commandant en chef avec pour adjoint le général Erhard Milch. Elle rassemble autour des as de 1918 (Udet, Sperrle) les jeunes (Galland) déjà groupés dans les organisations de sport aérien du parti et coiffe non seulement les unités aériennes, mais celles de D. C. A. et les aéroportées. La personnalité encombrante de son chef, qui a en permanence l’accès direct du Führer, lui donne une place de choix dans la nouvelle Wehrmacht. Quant à la marine, elle s’apprête à renaître au grand jour grâce à l’accord naval du 18 juin 1935, par lequel Londres a l’imprudence d’autoriser le nouveau Reich à construire une flotte de guerre égale à 35 p. 100 du tonnage de la flotte britannique (420 000 t). Le 15 octobre 1935, en présence du vieux maréchal August von Mackensen (1849-1945) et de Seeckt, l’Académie de guerre, sanctuaire de la pensée militaire allemande, supprimée par le traité de Versailles, est rouverte. Au même moment et à l’instigation de Guderian* sont créées les trois premières divisions blindées, et, en novembre, l’incorporation des premiers conscrits augmente brutalement les effectifs. Les 300 000 hommes de la Reichswehr de 1933 deviennent 800 000 dans la Wehrmacht au début de 1936 et 1 500 000 à la fin de cette année, après que la durée du service a été portée à deux ans.


1936-1939, en marche vers la guerre

Alors qu’il aurait fallu plusieurs années à l’état-major allemand pour « digérer » un tel programme de réarmement, Hitler entend passer aussitôt à l’action. Le 7 mars 1936, c’est la réoccupation de la rive gauche du Rhin par la Wehrmacht, dont la fragilité aurait commandé le repli immédiat face à la moindre réaction militaire de la France et de la Grande-Bretagne. À la fin de l’année, c’est la constitution de la « Legion Condor », destinée à s’engager en Espagne parmi les troupes de Franco. Elle permettra aux Allemands de tester au combat leurs avions et leurs blindés, et de mettre au point, notamment pour l’aviation d’assaut (Stuka « Ju 87 »), une doctrine d’emploi dans la coopération avec les forces terrestres.

Absorbé par sa tâche proprement militaire, le commandement voit diminuer sans cesse son influence politique à l’intérieur du Reich. Au contraire, la mainmise de Hitler s’accentue sur les armées, que le parti, et notamment Himmler, veut cantonner dans un rôle de stricte exécution de la politique du Führer. Cette évolution se traduit par un changement de personnes et par la nouvelle organisation qui, décrétée le 4 février 1938, durera jusqu’en 1945. Pour écarter Blomberg et Fritsch, Hitler n’hésite pas à user de procédés de basse police ; à leur suite, il met à la retraite une douzaine de généraux (dont leur doyen Rundstedt) qui auraient pu être des opposants en puissance. Le ministère de la Guerre est supprimé et remplacé par un commandement supérieur de la Wehrmacht (Oberkommando der Wehrmacht ou OKW), dont le chef, le général Keitel, a rang de ministre et ne relève que de Hitler ; ses adjoints sont le général Jodl, chef de l’état-major de commandement de la Wehrmacht (Wehrmachtführungsstab), et le général W. Warlimont, tous deux hommes de seconde main, mais, comme leur chef, totalement dévoués au Führer, en qui ils voient le restaurateur de la grande Allemagne. À la tête de l’armée de terre, Fritsch est remplacé par Brauchitsch, dont l’état-major (OKH), plus indépendant d’esprit, est installé avec Beck à Zossen, au sud de Berlin, où, à la Bendlerstrasse, siège l’OKW.

À peine cette réorganisation est-elle mise en place que la Wehrmacht entre en Autriche (mars 1938) et reçoit l’ordre de préparer l’annexion des Sudètes. Le 16 juillet 1938, Beck, très lucide, met en garde par écrit son chef Brauchitsch contre l’aventure dans laquelle il laisse s’engager l’Allemagne et démissionne le 18 août après avoir reçu un ordre d’obéissance aveugle à Hitler. Le général Franz Halder (1884-1972), qui le remplace le 27 août, est déconcerté, comme tous ses camarades, par les accords de Munich. Cessant dès lors toute velléité d’opposition, séduit par le génie du Führer et en particulier par la conclusion, le 23 août 1939, de l’alliance germano-soviétique, qui lui est chère, le haut commandement se consacre à la mise au point de la guerre éclair. L’entrée à Vienne et à Prague n’en constitue encore que des répétitions avant la magistrale démonstration donnée par la Wehrmacht avec la conquête de la Pologne en septembre 1939. Deux mois après, le 23 novembre, sachant les réticences de ses généraux à appliquer le même schéma à la France, Hitler les convoque et, au cours d’une improvisation dont il a le secret, réussit à les fanatiser et à leur faire prendre malgré eux la responsabilité de la campagne de l’Ouest : « Nous sommes dans la situation désirée depuis soixante ans de ne pas devoir faire la guerre sur deux fronts [...] il faut en profiter [...] je ne reculerai devant rien et j’anéantirai tous ceux qui seront contre moi. »


Hitler commandant suprême


La guerre éclair (1940-1942)

Conscient de personnifier le principe du chef (Führerprinzip), règle de responsabilité exclusive autant qu’exigence d’obéissance absolue, Hitler tiendra sa promesse ; de 1940 à 1945, son emprise s’accentuera sur le commandement de la Wehrmacht, de plus en plus réduit à un simple rôle d’exécutant.