Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
S

Staël (Nicolas de) (suite)

Après avoir exécuté deux grandes toiles, calmes malgré la montée de la « brume » en lui, sur le thème de l’orchestre, avec de larges et fluides aplats qui retrouvent l’influence de Matisse (déjà sensible dans des nus et des collages), Nicolas de Staël met brutalement fin à sa vie et, sans l’achever, à une œuvre qui a mêlé, dans un millier de tableaux peints en une douzaine d’années, la joie et l’inquiétude, la certitude et la fièvre. Faisant écho à la parole du poète et éditeur Pierre Lecuire, qui lui fit illustrer plusieurs livres (« Il y a un fond de meurtre dans cette peinture »), il avait affirmé : « Fond de meurtre. Pour chaque grand peintre, cela veut dire aller jusqu’au bout de soi. » L’ami du peintre, René Char*, avec d’autres mots, n’avait pas dit autre chose : « Nous n’avons qu’une seule ressource avec la mort : faire de l’art avant elle. »

F. D.

 A. Tudal, Nicolas de Staël (Falaize et G. Fall, 1958). / R. V. Gindertael, Nicolas de Staël (Hazan, 1960). / Nicolas de Staël, avec des lettres du peintre et un catalogue raisonné (Éd. du Temps, 1968). / A. Chastel, Staël, l’artiste et l’œuvre (Maeght, 1972). / G. Dumur, Nicolas de Staël (Flammarion, 1975).

Stahly (François)

Sculpteur français d’origine italo-allemande (Constance 1911).


Jusqu’à vingt ans, il habite Winterthur et Zurich, apprenant le métier de typographe et suivant les cours de la Kunstgewerbeschule. En 1931, il vient à Paris, où il est l’élève de Charles Malfray, et, à l’académie Ranson, rencontre Maillol* et se lie d’amitié avec Étienne-Martin*. Engagé en 1940, naturalisé français, il vit ensuite en province, notamment à Oppède, auprès de l’architecte Bernard Zehrfuss. Il expose au Salon de mai à partir de 1946. En 1949, il s’installe à Meudon, où il construit sa maison et son atelier.

Pierre, bronze, aluminium, acier inoxydable, béton... Stahly a utilisé des matériaux très divers, mais celui avec lequel il a montré le plus d’affinité est le bois, surtout dans ses œuvres anciennes, dont l’inspiration reste proche de certaines formes biologiques. Stahly est l’un des représentants les plus significatifs du courant non figuratif en sculpture, qui s’est développé en France parallèlement aux recherches des peintres. Mais, tandis qu’Antoine Poncet (né en 1928) reste plus proche des « Concrétions humaines » d’Arp*, qu’Agustín Cárdenas (né en 1927) et Alicia Penalba (née en 1918) s’inspirent plutôt des germinations et des croissances végétales, lui, sans négliger complètement ce type d’évocation (Vénus, 1958-1966 ; Arbre mère, 1961-62), s’est plus souvent laissé guider par les formes de la racine, proche en cela de son ami Étienne-Martin (Serpent de feu, 1953 ; Fête, 1959-60 ; Combat d’oiseaux, 1960 ; bois, tous trois tirés en bronze). Autre référence importante : le lieu sacré (du type, par exemple, de Stonehenge) ; l’espace est scandé par des formes verticales, à la fois structurées et mystérieuses, évoquant des totems ou des sanctuaires sans icônes : la Forêt de Tacoma (1961-1966), l’Été de la forêt (1964-1966), Palo Alto (1965), la Pyramide (1965-66).

À ces sculptures, Stahly n’assigne que rarement un environnement naturel (Grande Fleur, à Aspen, Colorado, 1961). Il a, au contraire, le souci de les intégrer dans l’espace urbain, de les faire jouer en opposition avec les lignes orthogonales du verre et du béton. En 1958, il crée un atelier collectif à Meudon, centre d’échange et de collaboration fécond. Plutôt que de cultiver dans le secret d’un atelier les raffinements d’une sensibilité, il a choisi l’ouverture vers la collectivité, et donc la collaboration avec les architectes. Il a voulu, dans des zones névralgiques de la cité, apporter une humanisation, réserver leur place à des préoccupations qui ne soient pas uniquement financières ou fonctionnelles. Le portique (maison de la Radio, Paris, 1962-63), la colonne (Dallas, 1965-1967), le signal (autoroute du Sud, à la sortie de Paris, 1955-1960 ; centre commercial de Hayward, près de San Francisco, 1962-63) et surtout la fontaine (Seattle et Los Angeles, 1962 ; Saint-Gall, 1962-63 ; San Francisco, 1962-65 ; le Point du Jour, à Boulogne, 1964-65 ; parc floral de Vincennes, 1964-65) sont des structures monumentales qui permettent au sculpteur d’utiliser son vocabulaire propre dans le cadre des schémas traditionnels. Il peut en résulter, comme pour la cheminée du chauffage urbain du front de Seine, à Paris, un effacement très marqué des moyens d’expression personnelle ou, au contraire, leur affirmation accrue, comme c’est le cas pour les « labyrinthes », réalisations qui synthétisent toutes les préoccupations de Stahly dans les domaines de la forme, de l’espace, de l’édification d’un lieu privilégié. Celui de Paris (nouvelle faculté des sciences de la Halle aux Vins, 1965-66) est malheureusement trop encaissé dans le cadre architectural. Celui d’Albany (parc du Capitole de l’État de New York, 1969-1971) est l’œuvre la plus vaste que l’artiste ait réalisée (100 × 50 m) ; avec ses blocs équarris servant de points forts, ses portiques, ses sculptures-bancs, il s’y précise une orientation, déjà amorcée dans les années précédentes, vers des formes plus compactes, disposées selon une ordonnance stricte, mais aérée.

Il faut signaler également une série de tentures murales réalisées par Stahly, à partir de 1964, en collaboration avec sa femme Claude, transpositions dans les deux dimensions de certains éléments des portiques et de la Forêt de Tacoma.

M. E.

 François Stahly, catalogue de l’exposition du musée des Arts décoratifs, Paris (Union centrale des arts décoratifs, 1966). / P. Descargues et F. Stahly, François Stahly (la Connaissance, Bruxelles, 1974).

Staline (Joseph [Iossif] Vissarionovitch Djougatchvili, dit)

Homme d’État soviétique (Gori, Géorgie, 1879 - Moscou 1953).



Jusqu’en 1917

Son père, Vissarion, était cordonnier et très pauvre, et sa mère faisait des lessives chez des employeurs. Les difficultés financières amenèrent Vissarion Djougatchvili à quitter Gori et aller travailler dans une usine de chaussures à Tiflis (Tbilissi), la capitale de la Géorgie. Quant à son fils Joseph, après avoir fréquenté l’école orthodoxe de Gori, il fut admis en 1894 au séminaire orthodoxe de Tbilissi. Comme dans la France de l’Ancien Régime, entrer au séminaire était pour un jeune homme pauvre la seule façon de pouvoir continuer ses études. Joseph resta au séminaire d’octobre 1894 à mai 1899. Quand il en fut expulsé, il avait vingt ans. On sait peu de choses sur ses études. Il régnait une discipline sévère au séminaire, qui était un centre de fermentation politique. La Géorgie était alors une colonie russe, et il existait un mouvement national d’opposition à la domination de la Russie ; en outre, les idées révolutionnaires avaient pénétré le pays. En 1886, le principal du séminaire avait été tué par un étudiant exclu, et, en 1893, peu de temps avant l’entrée de Iossif Vissarionovitch, une grève des séminaristes avait contraint les autorités à fermer quelque temps l’établissement. Dans une telle atmosphère, Djougatchvili fit un apprentissage révolutionnaire plus que religieux. En 1895, il publia dans la revue nationaliste Iberya un poème patriotique sous la signature de Sosselo (le « petit jojo », car Sosselo était le diminutif géorgien de Sosso, « jojo »). Ses lectures devenaient « subversives » : c’est ainsi qu’il fut mis au cachot pour avoir lu les Travailleurs de la mer de Victor Hugo. En 1898, il adhéra à un cercle clandestin nationaliste, « Messame-Dassi », le « troisième groupe » (où dominaient les idées socialistes) et il fut chargé d’organiser des cercles d’études pour les ouvriers. La même année, dans un rapport, le directeur du séminaire écrivait : « Djougatchvili est généralement irrespectueux et grossier envers les autorités. » En mai 1899, le jeune homme était exclu du séminaire.