Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
S

Saint-Jacques-de-Compostelle (suite)

Lorsque la famille royale de Castille s’unit par mariage à celle de Bourgogne, protectrice des moines de Cluny, le pèlerinage de Compostelle, sous l’influence de ces derniers, répandus dans toute l’Europe, devient universel. S’ouvre alors le « chemin de Saint-Jacques », jalonné de basiliques de dévotion comme Chartres, Conques ou Le Puy. Autour de ces routes se développèrent plusieurs cycles de récits (légendes, chroniques, etc.), colportés par les pèlerins au cours de leur long voyage.

Ce pèlerinage international permet aux souverains espagnols de recruter de nombreux chevaliers pour la Reconquista. En 1170, un ordre militaire, celui de Saint-Jacques-de-l’Épée (ou de Santiago), est spécialement fondé pour la défense des pèlerins de Compostelle et la lutte contre l’infidèle. En 1175, le pape Alexandre III confirme les statuts de l’ordre.

Le sanctuaire de 899, détruit en 997 par al-Manṣūr, est remplacé par l’actuelle cathédrale romane, commencée en 1078 et consacrée en 1211.

Une université est fondée à Saint-Jacques-de-Compostelle en 1504. Le pèlerinage de Saint-Jacques, si important au Moyen Âge, perd ensuite de son attrait et n’a plus aujourd’hui qu’un rayonnement national.

P. P. et P. R.


L’art

L’église élevée par Alphonse III le Grand fut dévastée en 997 par al-Manṣūr. À l’est se dressait un monastère qui disparut pour faire place à la cathédrale actuelle, commencée en 1078 par le chevet. Le gros œuvre était terminé avant 1130, après qu’un incendie survenu en 1117 eut entraîné d’importantes réfections. Mais les travaux d’embellissement se poursuivirent jusqu’à la fin du xviiie s. L’intérieur, malgré le décor du chœur et les orgues baroques, garde son aspect roman. C’est le type même de la grande église de pèlerinage, sœur jumelle de Saint-Sernin de Toulouse*. Le chœur, terminé par une abside, est entouré d’un déambulatoire et de chapelles rayonnantes. Il s’ouvre sur un grand transept à collatéraux, avec des portes à chaque extrémité, que prolonge à l’ouest une vaste nef à bas-côtés surmontés de tribunes. Tout l’édifice est voûté. La façade sud du transept conserve un double portail roman, la Puerta de las Platerías, qui, avec les chapiteaux historiés de l’intérieur, constitue un ensemble essentiel pour l’histoire de la sculpture romane autour de 1100 dans le nord de l’Espagne et dans ses rapports avec l’art du sud-ouest de la France. Le porche occidental, ou Pórtico de la Gloria, abrite des portails sculptés, datés de 1188 et élevés par maître Mateo. Leurs statues-colonnes attestent l’influence précoce du premier art gothique. Ce portique est aujourd’hui fermé par la haute façade chirrugueresque dite « de l’Obradoiro », élevée de 1738 à 1747 par Fernando de Casas y Novoa. La façade nord du transept, la Puerta de la Parroquia, a été reconstruite un peu plus tard, et le chevet est masqué à l’extérieur par des constructions de la fin du xviie s.

Le palais archiépiscopal, bâti pour Diego Gelmírez au xiie s., s’étend au nord de la nef, tandis qu’au sud s’élèvent les bâtiments du cloître plateresque, construit par Juan de Álava et Rodrigo Gil de Hontañón de 1521 à 1580. Le musée archéologique et le musée de tapisseries flamandes et espagnoles (xvie-xviie s.) y ont pris place. À l’est du cloître, contre le bras sud de l’église, la Concha, coquille Renaissance en encorbellement, porte la tour du Trésor, en vis-à-vis de la tour de l’Horloge, commencée en 1316 et terminée en 1680 par Domingo de Andrade. À l’ouest de la cathédrale s’étend la plaza de España, dont l’ordonnance grandiose entoure la façade de Saint-Jacques, à laquelle on accède par un escalier à double rampe du xviie s. Au sud, le portail de l’hospice du xiie s. est pris dans la façade du Colegio de San Jerónimo, de la fin du xviie s. En face se dresse l’Hospital Real (devenu hôtel), avec son portail sculpté de 1501 à 1511 par Enrique Egas et sa chapelle à façade plateresque. À l’ouest est le palais néo-classique de Rajoy, commencée en 1766.

Les chapelles de la cathédrale forment un musée de peintures, de retables, de reliquaires, de sculptures accumulés au cours des siècles. La vieille ville, qui s’étale autour de Saint-Jacques, avec ses places et ses rues pittoresques, ses quarante-cinq églises et chapelles, ses monastères et son université, contient aussi de nombreux trésors, parmi lesquels il faut citer l’église du xive s. de Santo Domingo, à côté du musée municipal, et l’église de San Martín, dont la façade est une œuvre de Mateo López (1590) et qui conserve de nombreuses œuvres du xviie s. Saint-Jacques-de-Compostelle est ainsi une ville-musée bâtie autour des reliques présumées de saint Jacques, dont le culte est célébré aujourd’hui encore au milieu de fêtes colorées et animées.

A. P.

 K. J. Conant, The Early Architectural History of the Cathedral of Santiago de Compostela (Cambridge, Mass., 1926). / G. Gaillard, les Débuts de la sculpture romane espagnole (Hartmann, 1938). / L. Vázquez de Parga, J. M. Lacarra et J. Uría, Las peregrinaciones a Santiago de Compostela (Madrid, 1948-1949, 3 vol.). / M. Chamoso Lamas, La arquitectura barroca en Galicia (Madrid, 1955) ; Santiago de Compostela (Barcelone, 1961). / Y. Bottineau, les Chemins de Saint-Jacques (Arthaud, 1964).

Saint-John Perse

Diplomate et poète français (Pointe-à-Pitre 1887 - Giens 1975).


Alexis Saint-Léger Léger est né à la Guadeloupe, mais en 1898, sa famille vient en France et s’installe à Pau. Après des études de droit à Bordeaux et à Paris, Alexis Léger mènera une brillante carrière de diplomate, qui le conduira à de hautes responsabilités au Quai d’Orsay, tandis que sous le pseudonyme de Saint-John Perse il accomplira son œuvre de poète.

Dès 1907, il a écrit Éloges, court poème à la gloire de la nature, qui sera publié en 1911. Il est encouragé par Francis Jammes, et, plus tard, Claudel, Alain-Fournier, Valery Larbaud seront ses amis et ses admirateurs.

Après la parution d’Anabase (1924), Alexis Léger se consacre à sa carrière diplomatique jusqu’à la veille de la Seconde Guerre mondiale, où il occupe le poste de secrétaire général des Affaires étrangères.

Déchu de la nationalité française le 1er novembre 1940 — il est accusé de « bellicisme » —, Alexis Léger se réfugie aux États-Unis. Désormais, Saint-John Perse sera le poète de l’exil (Exil, 1942), le « pérégrin », sans acrimonie et sans amertume.

Cet exil est celui d’un homme qui, après avoir vanté la beauté du monde dans Éloges et la gloire dans Anabase, prend pied dans la réalité de la condition humaine, s’inquiète et s’interroge sur ce monde inépuisable : « Beaucoup de choses sur la terre à voir et à entendre, choses vivantes parmi nous. »