Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
P

Pothier (Robert Joseph)

Juriste français (Orléans 1699 - id. 1772).


Il succède à son père dans les fonctions de président du présidial d’Orléans, fonction qu’il exerce de 1720 à 1772, enseignant par ailleurs à l’Université de 1750 à sa mort.

Il publie toute une série de traités : le Traité des contrats de louage maritime (1765), un Traité du contrat d’assurance et du contrat de prêt à la grosse aventure (1767), des traités sur le contrat de vente*, le bail, le contrat de société*, les prêts de consommation, le dépôt et le mandat*, le nantissement, le contrat de mariage*, les donations* entre époux, etc., qui influenceront le Code civil. Il publie également des Pandectes de Justinien mises dans un nouvel ordre (1748-1752), étude complète du droit romain.

Les traités de Pothier ont l’immense mérite de faire la synthèse entre l’expérience du magistrat et celle de renseignant. Ils doivent peu à l’école dite « du droit naturel » (de Grotius et Puffendorf) et développent un véritable droit français. Ils seront largement utilisés par les rédacteurs du Code civil de 1804 : en ce sens, cet auteur peut, de nos jours encore, être considéré comme d’un apport important pour la science juridique.

J. L.

➙ Juridiques (sciences).

potlatch

Type d’échanges pratiqué par les tribus indiennes du Nord-Ouest américain.



Introduction

Le terme de potlatch existe dans plusieurs langues indiennes ; il vient plus précisément de la langue chinook, où il signifie « nourrir » et « consommer », et de la langue kwakiutl, où il signifie « lieu de la nourriture et du rassasiement ». Mais, dans les tribus indiennes et pour les ethnologues qui l’ont adopté, il désigne un type d’échanges, de prestations et de contre-prestations impliquant la rivalité et la destruction somptuaire des richesses.

Les tribus qui pratiquent le potlatch vivent sur la côte de l’Alaska et de la Colombie* britannique (Tlingits, Haïdas, Tsimshians et Kwakiutls). Ce sont des tribus riches, qui vivent surtout de la pêche, très peu de la chasse et qui ignorent l’agriculture ; leurs membres sont de grands navigateurs et d’excellents industriels, travaillant le cuivre en particulier. Dès l’hiver, les tribus se regroupent pour dépenser les importants surplus accumulés pendant l’été ; la vie sociale et économique est très intense ; les fêtes, les mariages, les ventes, les cérémonies funéraires se succèdent en un gigantesque et incessant potlatch.

La loi du potlatch est de consommer jusqu’à la destruction les biens amassés : « On brûle des boîtes entières d’huile, on brûle les maisons et des milliers de couvertures, on brise les cuivres les plus chers, on les jette à l’eau [...]. Dans certains potlatch on doit dépenser tout ce que l’on a et ne rien garder. C’est à qui sera le plus riche et aussi le plus follement dépensier [...] » (Marcel Mauss, Essai sur le don, 1925).


La triple obligation du potlatch

Mais cette fête de la consommation est rigoureusement mise en scène et obéit à des règles strictes et immuables : l’obligation de donner, de rendre et de recevoir.

L’obligation qu’il a de donner est pour un chef de famille ou de tribu le seul moyen de prouver sa richesse, donc de conserver ou d’acquérir la puissance. Selon une expression kwakiutl, « on prend du poids » en donnant un potlatch, « on met les autres à l’ombre de son nom ». Ce qui est en temps normal l’obligation de donner des fêtes et de partager les fruits de la pêche ou de la chasse devient au moment du potlatch cette obligation de dépense somptuaire et de destruction.

Face à l’obligation de donner, celle de rendre a la valeur d’un défi relevé, car refuser, c’est s’avouer vaincu dans la lutte pour le prestige. Celui qui refuse une invitation ou un don « perd son poids », fait la preuve de son infériorité. Seul un chef très riche peut refuser un don : c’est alors pour lui une obligation de donner à son tour un potlatch plus riche.

Recevoir, c’est s’engager à rendre, et c’est, en définitive, l’obligation de rendre qui fait tout le sens du potlatch, car la destruction des biens s’accompagne toujours, chez le donateur, de la certitude de retrouver plus que ce qu’il a donné, et l’acceptation des dons s’accompagne toujours, chez le donataire, de l’obligation de rendre avec usure ce qu’il a reçu. Cette condition est impérative, et l’impossibilité de rendre entraîne l’esclavage. Lors du potlatch d’un chef tsimshian, il est dit : « Vous serez les derniers parmi les chefs parce que vous n’êtes pas capables de jeter dans la mer les cuivres, comme le grand chef l’a fait. »

Ainsi, tous les biens sont échangés, ou, plus exactement, toutes les valeurs sont échangées. Car les Indiens distinguent deux classes d’objets : les objets de consommation, qui ne sont jamais échangés lors du potlatch, et les objets d’échange, qui sont les objets de valeur, et même les objets-valeurs ; ces derniers sont essentiellement les cuivres blasonnés et les couvertures ; ce sont eux qui circulent dans le potlatch pour être prêtés ou pour être détruits.


Sens du potlatch

C’est par le potlatch que les richesses circulent ; c’est par lui que se conquièrent le pouvoir et le prestige ; c’est aussi par lui que se transmettent la chance et l’esprit des ancêtres. Le potlatch est donc un phénomène extrêmement complexe, un « phénomène social total » selon l’expression de Mauss, à la fois économique, juridique, politique, religieux et mythologique.

Sur le plan économique, il représente un type d’échanges, dont Mauss pense que ce fut celui de l’humanité entière pendant une très longue période. Contrairement à ce que l’on a longtemps cru, l’économie primitive ne consiste pas dans le troc, mais dans ce système de « don à crédit » et de « don avec intérêt », qui est une forme de la vente. En effet, le troc est un échange immédiat de biens d’usage ; dans le potlatch au contraire, qui est un échange à long terme, ce ne sont pas des biens, mais des valeurs qui sont engagées, valeurs fixées par la référence à un terme troisième, entre le terme donné et le terme reçu, comparable à ce qu’est l’argent dans les sociétés modernes ; ici, le terme troisième, le terme référentiel qui fixe la valeur, est constitué par les couvertures et les cuivres blasonnés. Ainsi, les richesses amassées forment une sorte de plus-value, qui est intégralement détruite, ce qui exclut la croissance économique, mais constitue cependant le moteur de l’économie sous forme de la « reproduction simple ».