Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Pays-Bas (royaume des) (suite)

Parallèlement, un esprit nouveau s’affirme en architecture, sous l’impulsion de Hendrik Petrus Berlage (1856-1934). Dans la Bourse d’Amsterdam, il rompt avec les formules académiques et fait appel au concours de sculpteurs. Cette initiative aura des suites durables tant que la brique restera le matériau principal. Aussi la sculpture connaît-elle un essor qui, depuis lors, ne s’est plus ralenti. Lambertus Zijl (1866-1947), Joseph Mendes da Costa (1863-1939) et Hildo Krop (1884-1970) ont collaboré à l’œuvre de Berlage. Nommé sculpteur de la ville d’Amsterdam, Hildo Krop a décoré, de ce chef, de nombreux édifices publics. John Raedecker (1885-1956) a travaillé dans le même style, d’un modernisme tempéré, en y ajoutant toutefois une note plus sensible (monument aux victimes de la Seconde Guerre mondiale, Amsterdam). Le réalisme simplifié de Mari Andriessen (né en 1897) se rattache à cette conception.

L’influence de Berlage, qui construisit beaucoup, fut remarquable. Ses contemporains et ses continuateurs ont défendu chacun à sa manière les mêmes conceptions, en limitant l’élément décoratif aux seuls jeux de la brique. Sans renoncer à ce matériau traditionnel Willem Marinus Dudok (né en 1884) s’en tient plus rigoureusement au seul rythme des volumes (hôtel de ville d’Hilversum, 1928-1932). Un stade plus loin, le béton et l’acier imposeront de nouvelles formes de construction, surtout apparentes dans les grands édifices industriels (usine Van Nelle à Rotterdam, 1928-1930, par Johannes Andreas Brinkman [1902-1949] et Lodewijk Cornelis Van derVlugt [1894-1936]).

L’activité architecturale va de pair avec une nouvelle évolution de la peinture. L’expressionnisme, souvent haut en couleur, remplace les jeux de lumière chers aux peintres travaillant sur le motif. Sans aller jusqu’à la déformation, les lignes et les couleurs sont accentuées chez Jacoba Van Heemskerck (1876-1923), Herman Kruyder (1881-1935), Jan Sluyters (1881-1957), Matthieu Wiegman (1886-1971), Leo Gestel (1881-1941), Lodewijk Schelfhout (1881-1943), également graveur, Charley Toorop (1891-1955), Hendrik Chabot (1894-1949). Raoul Hynckes (1893-1973) et Pyke Koch (né en 1901) penchent vers le « réalisme magique », de même que Albert Carle Willink (né en 1900), le plus engagé des trois ; le dessinateur Maurits Cornelis Escher (1898-1972) relève de la même tendance. Si la notoriété de ces artistes n’a guère franchi les frontières, Kees Van Dongen (1877-1968), qui appartient à l’école de Paris, est une brillante exception.

En 1917 se déclenche le mouvement « De Stijl* », dirigé par Théo Van Doesburg ; ce groupe publie une revue dont Piet Mondrian* est le principal théoricien. Adhèrent également les architectes J. J. P. Oud, G. T. Rietveld et R. Van’t Hoff, ainsi que le sculpteur belge G. Vantongerloo. Tandis que Van Doesburg participe au dadaïsme, Mondrian, de plus en plus rigoureux, évolue vers des compositions d’aplats en couleurs primaires, soutenues par des verticales et horizontales noires. C’est, selon sa définition, le « néo-plasticisme », qui fit une grande impression sur les jeunes peintres de l’Occident. Une première réaction contre ce dogmatisme vint d’un peintre hollandais habitant New York. Parti de l’abstraction pure, Willem de Kooning* préfigure en quelque sorte, en passant à un expressionnisme abstrait, le mouvement qui se déclenchera après la Seconde Guerre mondiale. Il en est de même, dans le domaine de l’abstraction lyrique, pour un Bram Van Velde (né en 1895), installé, lui, en France. En 1948, Karel Appel, Corneille, Constant et quelques autres fondent le groupe expérimental « Reflex ». Après la rencontre des Danois Pedersen et Jorn, un nouveau groupe est formé, « Cobra* », de caractère nettement international ; dissous en 1951 il n’en a pas moins remué sérieusement le monde artistique. Dans la sculpture, l’expressionnisme baroque de Wessel Couzijn (né en 1912) a, le premier, rompu avec la tradition figurative, comme le font les rythmes fortement construits de Carel Nicolaas Visser (né en 1928).

Les remous sociaux qui ont secoué la jeunesse n’ont pas manqué d’agir sur les artistes. La politique révolutionnaire pratiquée par les musées des Pays-Bas, et surtout par le Stedelijk Museum d’Amsterdam, a créé un climat nouveau. Bousculant tous les usages établis, la direction s’est mise à prôner l’éphémère. La notion traditionnelle du musée et celle de l’art même sont mises en question. Le musée devient un lieu ouvert où tout est permis : d’où, soutenue par une pléiade de jeunes artistes, une intense activité qui paraît confuse aux uns, fructueuse à d’autres. La sculpture — pour autant qu’à travers les techniques et media nouveaux sa spécificité demeure — est encouragée par des biennales organisées au parc Sonsbeek, près d’Arnhem ; elle est honorée d’une manière permanente dans le site urbain, par exemple à Rotterdam.

L’architecture glisse de plus en plus vers un fonctionnalisme rigoureux qui n’exclut en rien l’élégance des formes. Après Jan Duiker (1890-1935), G. T. Rietveld, Johannes Hendrik Van den Broek (né en 1898), Jacob Berend Bakema (né en 1914), Aldo Van Eyck (né en 1918) ont attaché leur nom à d’importants édifices. Ici, comme ailleurs, le style de l’architecture perd peu à peu tout caractère national. L’urbanisme a eu d’excellents promoteurs, tel Cor Van Eesteren (né en 1897). À ce titre, la destruction du centre de Rotterdam a permis la réédification d’un quartier nouveau aux implantations harmonieuses.

Parmi les principaux musées consacrés aux arts aux Pays-Bas : à Amsterdam, le remarquable Rijksmuseum et le Stedelijk Museum, le musée Vincent Van Gogh (1973), conçu par Rietveld et réalisé par J. Van Tricht (né en 1928) ; à La Haye, le Mauritshuis et le Gemeentemuseum ; à Rotterdam, le musée Boymans-Van Beuningen, récemment agrandi d’une aile uniquement vouée à l’art d’aujourd’hui ; à Haarlem, le musée Frans Hals ; à Otterlo, enfin, le musée Kröller-Müller, qui comporte un important fonds Van Gogh et un vaste parc de sculpture.

R. A.