sainte Thérèse d'Ávila

(Teresa de Cepeda y Ahumada)

Sainte Thérèse d'Ávila
Sainte Thérèse d'Ávila

Religieuse et mystique espagnole, réformatrice de l'ordre des Carmélites et docteur de l'Église (Ávila 1515-Alba de Tormes 1582).

En ce Siècle d'or espagnol tant dominé par les hommes, sainte Thérèse d'Ávila fut la grande voix féminine de l'expérience mystique, dont témoignent ses extases vécues et ses « relations » écrites. Celles-ci demeurent des chefs-d'œuvre de la littérature castillane.

L'entrée au Carmel

Née le 28 mars 1515, Thérèse est la petite-fille d'un marchand juif de Tolède converti au christianisme. Dès son enfance, elle est marquée par l'opprobre frappant les familles qui n'ont pas la « pureté de sang » – et qui ne peuvent avoir accès au service du roi ou de l'Église. Jeune fille pieuse, qui ne renonce pas pour autant aux intrigues amoureuses, elle étudie, de 16 à 18 ans, auprès des augustines d'Ávila. Elle acquiert un solide savoir, non seulement religieux mais littéraire, et découvre l'idéal monastique, qu'exalte en elle la lecture des lettres de saint Jérôme.

En 1536, bravant la volonté paternelle, Thérèse décide d'entrer au Carmel, ordre mendiant dont la règle remonte à 1226 et dont la branche féminine a été fondée en 1452. Le couvent, dit « maison de l'Incarnation », où elle prononce ses vœux perpétuels le 3 novembre 1537 ne se caractérise pas par son rigorisme. Il dispose en revanche d'un réseau de confesseurs, de directeurs de conscience et de clercs de passage à Ávila, qui contribuent à approfondir la foi des carmélites.

La refonte de l'ordre

Thérèse est animée par un élan mystique qui la pousse à renouer avec l'esprit de la règle primitive du Carmel, imposant la pauvreté absolue et l'isolement du monde. Ne pouvant réformer de l'intérieur la maison de l'Incarnation, elle persuade une trentaine de religieuses de la suivre pour fonder un nouvel établissement, le petit couvent Saint-Joseph (ainsi nommé parce que saint Joseph l'aurait un jour guérie), aux portes d'Ávila, et y fait du Carmel un ordre strictement cloîtré. Sa réforme sera approuvée par Pie IV en 1562, l'année même où elle prend définitivement le nom de Thérèse de Jésus. En 1567, celle-ci encourage un jeune moine, le futur saint Jean de la Croix, à procéder à la même réforme dans les monastères masculins de l'ordre du Carmel.

Les vocations se multiplient, donnant naissance au total à une quinzaine de fondations (les beaterios). Ce succès ne va pas sans difficultés. À Ávila même, le couvent de l'Incarnation craint d'être dépossédé d'une partie des legs et aumônes. Partout, les carmes qui se montrent rétifs au changement réagissent avec hostilité, et d'innombrables querelles, remontant jusqu'au roi et au pape, surgissent pour savoir qui détient la juridiction spirituelle et le droit de visite sur les nouveaux couvents. Femme d'action, Thérèse se bat, parcourt toute l'Espagne à pied et rédige une abondante correspondance, non seulement pour répandre ses instructions, mais pour rallier à sa réforme des religieux de plus en plus nombreux. En 1575, elle est même en butte à l'Inquisition, moins peut-être en raison de ses idées que des inimitiés qu'elle a suscitées. En 1581, toutes ses fondations sont regroupées dans une province distincte, qui s'émancipera totalement de l'ordre du Carmel en 1593.

Décédée le 4 octobre 1582, à l'âge de 67 ans, Thérèse sera béatifiée en 1614 par Paul V, puis canonisée par Grégoire XV en 1622 (en même temps qu'Ignace de Loyola, François Xavier et Philippe Neri). C'est en 1970 qu'elle sera proclamée docteur de l'Église par Paul VI.

Le rayonnement d'un grand écrivain

Sur le modèle des Confessions de saint Augustin, Thérèse témoigne dans six Relations de l'action transformatrice de la grâce en elle. Elle y livre ses extases, ses visions du Christ et ses illuminations, d'abord pour les élucider elle-même, mais sans doute aussi pour se prémunir contre la suspicion de la hiérarchie catholique envers une religieuse qui parle constamment des « délices » de l'âme. Partant de ce matériau spirituel, elle élabore les ouvrages qui assureront sa gloire d'écrivain mystique. « Jamais la plus brûlante charnelle passion n'a enfanté de tels accents » dira Ernest Renan (Essai psychologique sur Jésus-Christ).

Le Chemin de perfection (écrit entre 1562 et 1564) propose une méthode pour parvenir à la contemplation. Le Livre des fondations (commencé en 1573, publié en 1610) relate l'histoire de la réforme du Carmel, émaillée de portraits édifiants. Le Livre des demeures, ou le Château intérieur (écrit en 1577, publié en 1588) – le « château intérieur » étant l'âme –, expose la quintessence de la doctrine de sainte Thérèse. À ces ouvrages s'ajoute une autobiographie rédigée dès 1562 et intitulée par convention le Livre de la vie ; saisie par l'Inquisition en 1575, elle sera cependant traduite en latin, en français et en italien à partir de 1599.

ICONOGRAPHIE

Un célèbre groupe de Bernin est consacré à l'Extase de sainte Thérèse.