Elie Wiesel

Écrivain américain d'expression française (Sighet, Roumanie, 1928-New York 2016).

Le porte-parole des victimes et des survivants

Elie Wiesel est considéré à travers le monde comme le porte-parole des victimes et survivants du génocide des juifs par les nazis durant la Seconde Guerre mondiale. Chaque élément de son œuvre abondante – romans, récits, pièces de théâtre, essais… – constitue une étape dans le processus de deuil d'un homme meurtri, qui a choisi la littérature pour exorciser ses démons et porter témoignage.

Enfant, le jeune Eliezer reçoit un enseignement religieux très dense. En 1944, la population juive de sa ville natale est déportée par les nazis dans les camps de concentration, lui-même et ses proches compris ; son père meurt quelques jours avant la libération des camps, et il reste seul survivant de sa famille.

Installé à Paris après la Libération, il suit des cours de philosophie à la Sorbonne et écrit pour des journaux français et israéliens. Il se rend aux États-Unis en 1956 et est naturalisé américain en 1963. Il enseigne au City College de New York et est nommé professeur de sciences humaines en 1976 à l'université de Boston. Il reçoit le prix Nobel de la paix en 1986.

La grandeur, l'élection et la malédiction du peuple juif

La plupart de ses romans, essais et documents – rédigés en français – sont des témoignages et une forme de procès contre Dieu, qui a, selon lui, laissé se perpétrer l'événement le plus effroyable et le plus insensé de toute l'histoire de l'humanité.

Son premier roman, la Nuit (publié d'abord en yiddish en 1956 sous le titre Et le monde se taisait, puis en français en 1958, préfacé par François Mauriac), retrace l'histoire d'un jeune garçon dans un camp de la mort. Dans le Jour (1961), un journaliste new-yorkais est heurté par une voiture et médite, durant sa guérison, sur sa culpabilité d'avoir survécu à la déportation. Les Portes de la forêt (1964) examinent les relations de l'homme avec Dieu durant le génocide perpétré par les nazis. Le sort des juifs en Union soviétique est la base d'un témoignage, les Juifs du silence (1966), et d'une pièce de théâtre, Zalmen ou la Folie de Dieu (1968). La guerre des Six-Jours a inspiré le Mendiant de Jérusalem (1967, prix Médicis 1968).

Wiesel remonte au cœur du hassidisme avec Célébration hassidique (1972), Portraits et Légendes (1975), Célébration biblique (id.), Contre la mélancolie, célébration hassidique (1981). Il dit son attachement à Israël – attachement plus métaphysique que proprement politique – dans Un Juif d'aujourd'hui (1977). Mais son esprit reste hanté par les violences des pogroms et des camps, qu'ils soient tsaristes, nazis ou staliniens (le Serment de Kolvíllág, 1973 ; le Procès de Shamgorod, 1979 ; le Testament d'un poète juif assassiné, 1980 ; Paroles d'étranger, 1982) : une psalmodie qui mêle larmes et cris d'espoir, interrogations passionnées des rescapés et des bourreaux, une méditation continue sur l'exécration et le pardon (le Cinquième Fils, 1983 ; Signes d'exode, 1985 ; le Crépuscule au loin, 1987 ; l'Oublié, 1989).

Poursuivant sa réflexion sur la grandeur, l'élection et la malédiction du peuple juif, il alterne les essais (Célébration talmudique, 1991 ; A Passover Haggadah, 1993 ; Célébration prophétique, 1998 ; le Golem, id. ; D'où viens-tu ?, 2001 ; Le chant qui habite le chant, 2002 ; Et où vas-tu ?, 2004) et les romans (les Juges, 1999 ; le Temps des déracinés, 2003 ; Un désir fou de danser, 2006 ; le Cas Sonderberg, 2008).

Ses Mémoires sont parus en deux volumes : Tous les fleuves vont à la mer (1994) … et la mer n'est pas remplie (1996). Entre les deux, il a publié des Mémoires à deux voix (1995) avec François Mitterrand, et, la même année, Se taire est impossible, avec Jorge Semprun.