Gerard Terborch ou Gerard Ter Borch
Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la peinture ».
Peintre néerlandais (Zwolle 1617 – Deventer 1681).
D’abord élève de son père et d’une précocité extrême (son premier dessin est de 1625), Terborch fut lent à trouver sa voie et subit de multiples influences. Dès 1632, il séjourne à Amsterdam, puis travaille, à partir de 1633, à Haarlem chez Pieter Molyn ; avant juillet 1635, il est à Londres, où il subira un court moment l’influence de Van Dyck. De cette période datent sûrement les trois ravissants petits tableaux de genre militaire, voisins de ceux de Blekker ou de Pieter Post, représentant chacun un Cavalier vu de dos (un exemple à Boston, M. F. A.), d’une finesse technique déjà caractéristique de l’artiste. On y notera aussi le goût pour les figures de dos, qui atteindra au chef-d’œuvre de psychologie qu’est la prétendue Admonestation paternelle du Rijksmuseum. Plus fortes sont les leçons d’Avercamp dans les Pêcheurs sur le rivage de Copenhague (S. M. f. K.) et surtout celles d’intimistes comme Codde et Duyster dans les Soldats jouant dans l’auberge (1636, musée de Rouen), qui portent en germe ce réalisme discret et imperceptiblement ironique dont est fait tout l’art de Terborch.
De 1636 à 1643, on ne sait presque rien de Terborch, sinon qu’il dut entreprendre de longs voyages, notamment en Italie, comme l’attestent son étonnant tableau nocturne Procession de flagellants (Rotterdam, B. V. B.), sans doute romain si on le compare à des sujets semblables de Pieter Van Laer, et un tableau de bataille très proche de ceux d’Aniello Falcone (coll. du duc de Pembroke à Wilton House). Selon une source authentique – un poème de Roldanus à Zwolle en 1654 –, Terborch aurait également séjourné en Espagne, où il aurait exécuté un portrait de Philippe IV, aujourd’hui seulement connu par une copie (Amsterdam, coll. part.).
De son nouveau séjour en Hollande, v. 1639-1640, témoignent des scènes militaires (Londres, V. A. M.) et surtout un assez grand nombre de portraits à caractère de miniature, dans lesquels il met au point sa formule du portrait en pied et de face sur un fond clair avec une sécheresse qui disparaîtra plus tard (musée de Richmond, Virginie, et San Francisco, M. H. de Young Memorial Museum). Il est vraisemblable qu’il a travaillé quelque temps dans les Pays-Bas du Sud (Anvers) et peut-être aussi en France. En 1644, Terborch est de nouveau en Hollande, comme le prouvent les portraits de la famille Van der Schalcke (Rijksmuseum), qui comptent parmi ses plus attachants chefs-d’œuvre, mais, dès la fin de 1645, il se rend à Münster pour exploiter son talent de portraitiste auprès des nombreux diplomates alors réunis pour négocier la fameuse paix de 1648.
De ces années date une série de petits portraits très fins, souvent en forme de médaillons, tels que ceux de l’Utrechtois Godard Van Reede (château de Zuylen, près d’Utrecht), du principal négociateur français, le Duc de Longueville (portrait équestre à l’Historical Society de New York), ou du Comte espagnol de Peñeranda (Rotterdam, B. V. B.), sans parler du très célèbre tableau sur cuivre (Londres, N. G.) qui représente avec la plus extrême minutie les soixante participants à la séance finale de la ratification des accords de 1648. D’un grand format quelque peu exceptionnel pour Terborch, mais d’une non moindre importance historique, est l’Arrivée du négociateur Adriaen Pauw à Münster en 1646 (musée de Münster) qui présente la particularité d’avoir été peint par deux artistes à des dates différentes : le fond de paysage, et la vue de Münster par G. Van der Horst avant 1629, et les figures par Terborch vers 1646. Prouvant que son talent était varié, Terborch peindra, dans les mêmes grandes dimensions, un Groupe de famille dans un paysage (v. 1645-1650) au sujet un peu étrange, tableau récemment acheté par le musée de Zwolle.
Le retour en Hollande en 1648 marque aussi une nette reprise des scènes de genre, où Terborch va trouver rapidement, dans les années 1650, les éléments essentiels de son style. L’évolution se manifeste dans l’orientation des sujets, moins populaires, empruntés davantage à un monde bourgeois et paisible ; quand les sujets restent galants, leur manière est de plus en plus allusive et distinguée. Elle s’exprime aussi dans la diminution du nombre des personnages pour ne pas disperser l’intérêt, l’abandon des scènes de plein air, l’utilisation subtile d’un clair-obscur qui cache les détails trop précis et approfondit l’espace sans renoncer à l’intimité de la vie domestique. Ainsi Terborch parvient-il à un équilibre inégalé entre les exigences de l’observation psychologique et celles de la poésie des objets et de l’espace, évitant les excès illusionnistes d’un Dou et ouvrant la voie à tous les intimistes du milieu du siècle. Son grand mérite réside dans sa délicatesse psychologique et la tendresse exquise de son humanité, qui s’allient si bien avec le velouté de sa lumière, la ferme douceur de son coloris aux gris très raffinés et le tact de son clair-obscur. Sans doute l’artiste ne dépassa-t-il jamais ses premiers chefs-d’œuvre, exécutés v. 1650, tels que les Soins maternels du Mauritshuis, la Fileuse du musée Van der Vorm à Rotterdam, la Jeune Fille au miroir au Rijksmuseum, le Jeune Garçon épouillant son chien de l’Alte Pin. de Munich, peint sur un fond gris vide et uni, la touchante Leçon de lecture du Louvre et cette prétendue Admonestation paternelle du Rijksmuseum (v. 1654), qui est, en réalité, une merveilleuse petite comédie galante entre un jeune chanteur et sa belle en présence d’un tiers un peu gênant. Terborch se maria en 1654 à Deventer, où désormais il résida. Son activité de portraitiste mondain, notamment auprès des familles nobles d’Amsterdam comme les Pancras, les Vicq (1670, Rijksmuseum et Hambourg, Kunsthalle), les Graeff (v. 1674, beaux portraits de Jacob de Graeff au Rijksmuseum et de Cornelis au Mauritshuis), ainsi que l’exécution, à partir de 1650, de tableaux de genre attestent une parfaite connaissance de la mode et de l’évolution de plus en plus aristocratique de la société néerlandaise. Ses formules évoluent à peine, sinon dans le détail du costume, dans une certaine complication des accessoires, dans la délicatesse accrue des valeurs et des « passages » de la lumière à l’ombre, au point même de frôler parfois la virtuosité technique. Comme exemples – ils sont innombrables – de cette période tardive, citons le Galant Militaire du Louvre (v. 1662-1663), le Jeu de cartes du County Museum of Art de Los Angeles, les Duo de la N. G. de Londres et du Louvre (1669 ?), tout en réservant une place à part à la Joueuse de violoncelle (v. 1675, Berlin), dont la mise en page soutient la comparaison avec celles de Vermeer. Cependant, v. 1660-1670, les portraits tendent à devenir la principale spécialité du maître, qui, tel une sorte de Whistler avant la lettre, rejoue indéfiniment des plus fines variations de gris. Mentionnons, outre les portraits des Graeff déjà cités, le portrait d’Inconnu du Ferdinandeum d’Innsbruck, le Portrait d’homme en noir du Louvre, l’Autoportrait du Mauritshuis, les Couples (pendants) des musées de Prague, de Cologne (W. R. M.), de la coll. Lehman au Metropolitan Museum.
Nombre de frères et sœurs de Terborch ont dessiné et peint, le plus doué étant Mozes (1645-1677), dont le Rijksmuseum conserve, mis à part des dessins, 2 Autoportraits et une Tête de vieille femme fortement modelés dans une belle lumière. Gesina (1631-1690) est l’auteur de nombreuses aquarelles et de plusieurs tableaux, notamment des portraits assez proches de Gérard, alors que Herman (1638-av. 1677), au contraire, ne se montre guère sensible à l’influence de son frère dans ses assez nombreux tableaux.