Charles de Gaulle

Charles de Gaulle
Charles de Gaulle

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire mondial des littératures ».

Général, homme politique et écrivain français (Lille 1890 – Colombey-les-Deux-Églises 1970).

« Une certaine idée de la France » est une certaine idée du style. L'homme de la « nature », de la « force » des choses, a usé de mots. Dans les registres les plus variés, d'une pièce en vers de jeunesse (Une mauvaise rencontre, 1906) aux essais tactiques – qui analysent les qualités du chef et du soldat (Vers l'armée de métier, 1934) ou les rapports du politique et du militaire (le Fil de l'épée, 1932 ; la France et son armée, 1938) –, aux Discours et Messages (1940-1969) et aux Mémoires de guerre de l'Appel (1954) à l'Espoir (1970).

Commentateur de l'action des autres, de Gaulle est, à l'égard de la sienne, à la fois homme de discours (pour hisser au niveau de l'Histoire les Français) et homme d'écriture (en mémorialiste, il éclaire le dossier sur lequel l'Histoire le jugera). À la fois « signifiant et signifié de l'Histoire », il a une éloquence à deux voix (J. Lacouture) : la « basse » de l'homme de guerre, la « voix de tête » du politique. L'éloquence donne à l'œuvre sa tonalité de littérature « parlée » (même si les discours sont écrits et appris « par cœur » et si l'orateur toujours assis donne pour l'histoire moderne la version télévisée du buste antique).

On a creusé la thématique du général, repéré ses mots clés, le système d'équivalence de Gaulle/France ; on a cherché ses sources historiques et littéraires (Barrès, Maurras, Péguy, Claudel, Nietzsche) ; on a vu dans son style un mélange de Tacite et de Céline, sensible dans son élocution noble avec des étranglements faubouriens. Lui-même discret dans ses citations (Chateaubriand, Hugo, Verlaine), il a fait de Malraux son ministre, a salué Mauriac, Samain. Malraux l'a dit « souvent littéraire dans l'ironie ». Il n'est ni Saint-Simon ni Guizot : à travers des points de mire (César dans la Guerre des Gaules, Clausewitz), il parle non d'une vie mais d'un destin.

Le temps des mémorialistes s'incarne dans l'« espace » de la France, sa véritable appartenance. Marginal par rapport à l'idéologie de l'armée et de sa classe, de Gaulle s'est enraciné dans une France « du fond des âges » qui ne serait pas encombrée des Français divisés et versatiles (mais s'ils ne l'étaient, à quoi bon des héros ?). Il pense son action sous l'aspect de l'histoire et non, comme Chateaubriand, sous celui de l'éternité, qui est aussi celui de l'art. Les bilans de l'histoire de la littérature viennent pour de Gaulle de politiques ratés (Tacite, Retz, Chateaubriand) ou de ceux (saint Augustin, Bossuet) qui placent ses « vanités » à la lumière du Jugement Dernier.

À lire de Gaulle, on lit plutôt un journal de marche, un livre de bord que des Mémoires. Il situe le moi dans l'histoire à travers les histoires du moi (Lettres, notes et carnets publiés en 1980) et l'imbrication des temps (Chateaubriand et les Mémoires d'outre-tombe). D'où le déséquilibre sensible dans le style néoclassique, à qui il manque le tremblement des doutes humains et de l'arbitraire du destin. Limpide, son éloquence pratique l'économie classique, le néologisme (« quarteron », « Volapük »), la formule (« je vous ai compris »).

Pour en savoir plus, voir l'article Charles de Gaulle.

Charles de Gaulle
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