Ossessione Ossessione ou les Amants diaboliques Ossessione

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire mondial des films ».

Drame de Luchino Visconti, avec Massimo Girotti (Gino), Clara Calamai (Giovanna), Juan De Landa (le mari), Elio Marcuzzo (l'Espagnol), Vittorio Duse (le détective), Dhia Cristiani (la fille).

  • Scénario : Mario Alicata, Antonio Pietrangeli, Gianni Puccini, Giuseppe De Santis, Luchino Visconti, d'après le roman de James Cain Le facteur sonne toujours deux fois
  • Photographie : Aldo Tonti, Domenico Scala
  • Décor : Gino Franzi
  • Musique : Giuseppe Rosati
  • Montage : Mario Serandrei
  • Production : Industria Cinematografica Italiana
  • Pays : Italie
  • Date de sortie : 1942
  • Son : noir et blanc
  • Durée : 2 h 20

Résumé

Gino, un jeune chômeur, trouve du travail dans une station-service de la basse plaine du Pô, près de Ferrare. Le patron est un brave homme marié à une sensuelle créature, Giovanna, dont Gino ne va pas tarder à faire sa maîtresse. Ils projettent de fuir ensemble, mais la femme préfère encore la promiscuité du ménage à l'existence aventureuse que lui offre Gino. Celui-ci repart sur les routes avec son ami l'Espagnol. Il retrouve Giovanna et son mari et, la passion aidant, ira cette fois jusqu'au meurtre, camouflé en accident, avec l'active complicité de l'épouse infidèle. Mais le remords le poursuit, la police veille, et aussi le destin, qui va s'abattre sur le couple alors même qu'il se croit enfin libre.

Commentaire

Un opéra réaliste

Ce premier film de Luchino Visconti a été salué d'emblée par la critique pour son inspiration « néo-réaliste », qui devait orienter de manière décisive l'évolution de l'école italienne après 1945. Le thème est pourtant emprunté – sans que les droits aient été acquis, d'où certaines difficultés d'exploitation – à un roman noir américain très proche du mélodrame naturaliste classique, pimenté d'un lourd érotisme. Cet ouvrage, Le facteur sonne toujours deux fois, avait déjà fait l'objet d'une adaptation française, par Pierre Chenal (le Dernier Tournant, 1939) ; il sera encore porté à l'écran à deux reprises, sous son titre et dans son pays d'origine, par Tay Garnett en 1946 et Bob Rafelson en 1981. C'est Jean Renoir qui le fit lire à Visconti, lequel avait été son assistant avant guerre. Le jeune auteur en conserva la trame générale, en l'ancrant fortement dans la réalité sociale italienne comme l'y incitaient son engagement marxiste, son admiration pour l'écrivain « vériste » Giovanni Verga et les liens qu'il entretenait avec les intellectuels du groupe « Cinema », hostiles à la production lénifiante de l'époque (et protégés par Vittorio Mussolini, le propre fils du Duce !). Il y ajoute sa vision personnelle d'un monde dominé par l'âpreté des passions, et les rudiments d'une esthétique dont le prétendu réalisme est profondément imprégné de théâtralité et de préciosités formelles.

Objet de censures et de mutilations diverses, Ossessione sera d'abord présenté en France dans une version réduite, sous le titre les Amants diaboliques ! Il sera ensuite repris sous sa forme originale. Visconti en est encore au stade de la recherche expérimentale : il affinera son style dans La Terre tremble (1948) et Senso (1954). L'influence de cette première œuvre n'en fut pas moins considérable sur le mouvement néoréaliste : un film tel que le Cri (Michelangelo Antonioni, 1957) s'en ressent encore.