mobilier

André Charles Boulle, commode
André Charles Boulle, commode

Ensemble des meubles destinés à l'usage personnel et à l'aménagement d'une habitation.

ARTS DÉCORATIFS

Le mot « mobilier » (du latin mobilis, « mobile ») désigne tout ce qui est meuble – c'est-à-dire tout ce que l'on peut déplacer – et qui est destiné à l'aménagement de l'habitation. Le mobilier reflète la réalité et les évolutions des différentes cultures et époques. Si son aspect fonctionnel est bien entendu primordial, il se voit également parfois investi d’une fonction symbolique (siège curule des hauts magistrats romains, cathèdre des évêques, ...). Son aspect esthétique, enfin, donne au meuble une valeur parfois bien supérieure à sa valeur d'usage.

Chaque période est caractérisée par une certaine typologie du mobilier, liée aux usages, et par l'utilisation de certains matériaux, de techniques de construction ou de fabrication, l'emploi d'un décor particulier. Ces éléments permettent de définir les styles du mobilier.

L'Égypte antique

L'Égypte pharaonique connaît un mobilier très élaboré. Celui-ci a été retrouvé en bon état de conservation dans les quelques tombes royales ou de hauts dignitaires, telle celle de Toutankhamon (1346 avant J.-C.), qui a livré de magnifiques objets et des fresques montrant menuisiers et sculpteurs au travail, ainsi que leur production : sièges, lits, coffres.

Richesse des décors

Ces meubles, parfois simplement faits de bois équarri, peuvent être ornés de peintures à motifs géométriques sur fond blanc ou sculptés et partiellement dorés, parfois incrustés d'ébène, d'ivoire, de pâte de verre.

Variété des formes

Tenons et mortaises chevillés, coupes d'onglet, queues-d'aronde assurent un bon assemblage. Les sièges sont de formes variées : tabourets pliants, tabourets à quatre pieds comportant de nombreuses entretoises, chaises et trônes, à dossier souvent incurvé et incliné. Le renvers est alors soutenu par deux ou trois montants équerrés, et le piétement est souvent sculpté en forme de pattes de lion ; l'assise est concave ou plane, sanglée de lanières de cuir ou de corde, comme le châssis des lits. Les sièges comportent une planchette de pied plus ou moins décorée et un appuie-tête amovible en bois ou en ivoire. Pas de grandes tables, semble-t-il, mais des guéridons circulaires.

Les coffrets destinés à contenir bijoux ou objets de toilette et les coffres pour les vêtements possèdent souvent des pieds pour les isoler du sol. Le couvercle, plat ou bombé, ainsi que les parois s'ornent d'un décor géométrique ou figuratif, avec personnages, animaux et végétaux stylisés.

Le monde grec et romain

Peu de meubles de l'Antiquité gréco-romaine nous sont parvenus. Cependant, des renseignements nous sont donnés, tant par les textes que par les bas-reliefs ou les peintures.

La Grèce

Les Grecs ont connu des trônes imposants, décorés de matériaux précieux, mais aussi de simples tabourets pliants, ou à quatre pieds tournés, et des klismos, élégantes chaises aux pieds très évasés « en sabre » et à planchette de dossier en hémicycle. Les repas se prennent allongé sur la klinê, un lit élevé, aux pieds ornés de volutes, près duquel était placée une petite table légère. Le coffre sera remplacé à l'époque hellénistique par l'armoire.

Rome

Le mobilier romain, d'une grande diversité de formes et de matériaux, surtout après les conquêtes de la Grèce et de l'Asie Mineure, se caractérise par un souci de confort et de luxe. Le lit élevé, à pieds tournés, nécessitant la présence d'un marchepied, possède matelas, coussins et tissu à passementerie d'or ; les appuie-tête peuvent être en forme de tête de cygne ou de mule avec incrustations d'argent. Le triclinium, lit pour le repas, constitue un fer à cheval autour de la table. Guéridons en bronze et à plateau en marbre ou en bois précieux, trépieds pliants ou non, en bronze ou parfois en argent, table en marbre, à supports en forme de griffon ailé, sont répartis dans l'habitation. Les sièges sont tout aussi variés, depuis les tabourets pliants en fer, en passant par les chaises imitant le klismos ou des chaises à dossier haut et arrondi, sans oublier les trônes en marbre. Ce mobilier, répandu dans tout l'Empire, sera une source inépuisable d'inspiration au cours des Temps modernes.

Le Moyen Âge

Durant l’époque des grandes invasions le mobilier en Occident se signale par son caractère rudimentaire. Dans le même temps, dans l'Empire byzantin, se poursuit une tradition de luxe et de décor raffiné.

Du haut Moyen Âge subsiste le trône dit de Dagobert, en bronze, d'inspiration romaine mais textes et miniatures nous renseignent mal sur cette époque. C'est surtout à partir du xiiie s. que se développe à nouveau le mobilier : armoires pour les vêtements sacerdotaux, lourds coffres consolidés et ornés de pentures, servant de rangement, de siège ou même de lit.

Les xive et xve s. voient apparaître un mobilier robuste à structure faite de châssis et de panneaux, d'où un aspect cubique. La sculpture sur ce mobilier de chêne, parfois de noyer, reprend les motifs d'architecture : fenestrages sur les panneaux, pinacles sur les montants, feuillages en frise ; animaux ou personnages (chevaliers) sont plus rarement traités ; parchemins plissés ou plis de serviettes sont communs aux meubles et aux lambris. Les sièges sont variés, depuis la selle rustique à trois pieds, en passant par l'escabeau, les divers bancs, dont le banc-coffre et le banc tournis, la chaire à haut dossier du maître de maison, jusqu'au trône en argent de Martin d'Aragon. On dresse la table avec quelques planches posées sur des tréteaux et on recouvre le tout d'une grande nappe. Le buffet et le dressoir permettent de ranger la vaisselle et d'en montrer une partie, tandis que le coffre sert à ranger les vêtements. Le lit est clos par des courtines et possède un baldaquin suspendu au plafond ou supporté par quatre colonnes.

La Renaissance

Au début du xve s., alors que le reste de l'Europe subit encore l'influence du gothique, l'Italie recherche dans l'Antiquité gréco-romaine des modèles de pensée et des thèmes d'inspiration pour l'art. L'architecture puis le mobilier se transforment en puisant abondamment dans le vocabulaire ornemental antique : denticules, oves, rinceaux, grotesques, thèmes mythologiques, sans oublier colonnes, pilastres, niches et frontons. Lorsque la Renaissance commence à s'étendre en Europe, au début du xvie s., beaucoup de motifs et de thèmes se répandent grâce à la gravure.

Les techniques de décor se diversifient. En Italie, on pratique la peinture sur panneaux de coffres, d'armoires ou de cabinets, ainsi que la marqueterie, spécialité florentine, produite ensuite à Augsbourg au xvie s., donnant lieu à d'étonnants trompe-l'œil de natures mortes et de paysages. La sculpture, en bas-relief sur les panneaux avec parfois des perspectives d'architectures et en demi-ronde bosse sur les montants, est pratiquée dans toute l'Europe, de même que le tournage, qui permet de réaliser colonnes, balustres et toupies. Enfin, la mouluration, très variée, marque les grandes divisions du meuble.

Au début du xve s., le meuble européen se perfectionne brusquement (lits, coffres élégants) et s'enrichit de nouveaux types. Apparaissent durant la période en Italie, le cassone, grand coffre en forme de sarcophage, souvent sculpté en ronde bosse, le cabinet et le sgabello, escabeau à dossier en éventail. En France siège à tenailles et table à piétement en éventail sont dérivés de modèles italiens ; la chaise à bras supplante peu à peu la chaire, de même que l'armoire à deux corps, puis d'un seul tenant, souvent richement ornée, qui remplace le coffre où l'on serrait les habits.

Le baroque et le rococo

Au milieu du xvie s., à la suite de la Contre-Réforme, apparaît le style baroque, synonyme de séduction, de mouvement, de redondance, de bizarrerie due aux entorses faites à l'art classique. Au xviie s., le mobilier baroque, qui se caractérise par l'excès de la décoration au détriment de la pureté de la forme, traduit le goût ostentatoire des riches familles dans les différents pays de l'Europe ; nobliaux et bourgeois se contentant d'un mobilier plus modeste.

La France est tributaire des créations de ses voisins pendant la première moitité du xviie s., en particulier pour les cabinets, d'une richesse étonnante, sorte de palais en miniature avec panneaux d'ébène sculptés, incrustations de pierres dures, d'ivoire, d'écaille. Le tournage en colonne torse, mais aussi en balustre ou en chapelet, est très utilisé pour les chaises et les tables.

Mais durant le style Louis XIV, avec la création, aux Gobelins, de la Manufacture royale des meubles de la Couronne, dirigée par le peintre Le Brun, et de l'atelier du célèbre ébéniste André Charles Boulle, la France, après avoir assimilé l'exemple italien, donne le ton au reste de l'Europe : vigueur et exubérance du dessin, emploi de techniques variées et de matériaux riches et colorés, marqueterie de bois exotiques ou d'écaille, de cuivre et d'étain, dans le style de Boulle, sculpture dorée à la feuille, mobilier en argent massif, plateaux de marbre ou en marqueterie de pierres dures, sans oublier les riches soieries de Lyon pour les tissus d'ameublement.

Alors qu'en France on parle de style rocaille, correspondant à la Régence et au Louis XV, à l'étranger on utilise le terme « rococo ». Ces styles évoquent tous deux un décor aux formes contournées, inspiré des coquillages et des rocailles des grottes artificielles, à quoi s'ajoutent des chinoiseries : courbes sinueuses, guirlandes florales, palmes, cartouches asymétriques, masques féminins, dragons ailés. Ce décor fantaisiste, plus graphique que volumique, est réalisé sur des meubles aux formes galbées et aux pieds en console : bronze doré ou sculpture, peinture ou marqueterie de bois précieux, sans oublier la laque, importée de Chine sous forme de panneaux et imitée par les vernisseurs européens.

De grands ébénistes tels que Pietro Piffetti à Turin, les frères Spindler et Hoppenhaupt à Berlin, Thomas Chippendale à Londres, Charles Cressent, les Van Risen Burgh, Antoine Robert Gaudreaux, Jean-François Œben à Paris créent des meubles fort appréciés de leur temps, comme ils le sont encore du nôtre.

Si, dans les cours royales et princières, le goût de l'apparat n'a pas disparu, ce qui explique un décor parfois luxuriant, il existe aussi un mobilier fait pour des pièces plus intimes ou des demeures plus modestes, dans lesquelles prédomine le souci de la simplicité et du confort. Les types de meubles se multiplient, adaptés à des usages particuliers ainsi qu'au goût des femmes, pour lesquelles le mobilier se fait léger, aimable, à la décoration délicate : petits bureaux de dame, liseuses ou tables à ouvrage, secrétaires en pente, toilettes ou poudreuses, chiffonniers, bergères et duchesses.

Le néoclassicisme

Aux alentours de 1760 se développe à travers l’Europe une réaction au rococo – qui lui-même s'opposait à la rigueur classique – s'appuyant sur un retour à l'antique. Ce néoclassicisme, appelé style Louis XVI en France, Adam en Angleterre, fédéral aux États-Unis, est précédé d'une période parfois nommée « transition » (1760-1770), qui permet de passer des formes sinueuses et galbées du rocaille aux formes cubiques et cylindriques du néoclassicisme. Les cannelures des pieds en gaine et des montants accentuent les verticales, alors que des moulures et des frises marquent les horizontales.

Les laques de Chine et du Japon ornent encore les meubles précieux ; les marqueteurs composent des jeux de fond, des natures mortes, des trophées avec bouquets de fleurs, des paysages avec architecture ; des plaques de porcelaine aux vives couleurs constituent parfois le dessus de petites tables ou les façades de cabinets ; les sculptures des meubles de menuiserie et les bronzes des meubles d'ébénisterie empruntent au même répertoire antique : rais-de-cœur (suite de feuilles en forme de cœur alternant avec des fers de lance), perles, entrelacs, flots, rinceaux, guirlandes de fleurs ou de draperie. Mis à part le bureau à cylindre, peu de meubles vraiment nouveaux, mais un goût marqué pour les mécanismes qui dégagent tablettes, tiroirs, pupitres ou gradins.

Giuseppe Maggiolini à Milan, David Roentgen près de Coblence, Thomas Sheraton et George Hepplewhite à Londres, Martin Carlin, Jean-Henri Riesener – ébéniste de la Couronne à partir de 1774 –, Jean François Leleu – formé comme les deux précédents dans l'atelier d'Œben – et Georges Jacob à Paris sont les plus brillants interprètes de ce style.

Le xixe s.

L'évolution du néoclassicisme se fait dans le sens de la rigueur et d'un goût archéologique très marqué : le répertoire gréco-romain et égyptien est mis à contribution. Le style Directoire (1790-1804) réalise une transition entre les styles Louis XVI et Empire, en conservant des formes légères, surtout pour les sièges inspirés du klismos, et en simplifiant la typologie des meubles.

De l'Empire à la Restauration

Le style Empire est caractérisé par de grandes surfaces nues, généralement plaquées d'acajou ronceux ou flammé, des proportions imposantes, renforcées par la présence d'un socle. La sculpture, excepté pour le piétement de certaines tables ou pour certains sièges, est rare (lions monopodes, sphinx, cygnes, cariatides en gaine). Le décor des meubles est essentiellement constitué de bronzes dorés, finement ciselés, disposés ponctuellement sur l'axe et les angles du meuble : étoiles, palmettes, branches de laurier, thyrses, fleurs de lotus, griffons, sphinx, amours, renommées. Des soieries blanc et or, bleu clair ou rouge cramoisi sont utilisées pour les rideaux des lits bateaux, tandis que les glaces, celles de la psyché ou de l'armoire, reflètent le décor de la chambre.

Architectes et décorateurs, Charles Percier et Pierre François Fontaine sont les créateurs du style Empire ainsi que Georges Jacob et ses fils, Georges l'Aîné et François Honoré. Ce dernier s'associera avec son père sous la raison sociale Jacob-Desmalter ; leur production, déjà de type industriel, sera souvent réalisée d'après des dessins de Percier et de Fontaine. À la même époque, en Angleterre, se constitue sous le nom de Regency un style confortable, qui privilégie l'emploi de l'acajou, tandis qu'aux États-Unis Duncan Phyfe popularise les modèles inspirés tant de l'Antiquité gréco-romaine que du Regency.

Après 1815, les styles Restauration en France, Biedermeier en Allemagne et en Autriche proposent une version moins héroïque du style précédent, mais plus intime et plus confortable, avec ses formes assouplies.

L'éclectisme

« Notre siècle n'a point de formes », constate Musset en 1836. De fait, le goût du xixe s. est très éclectique. Après le gréco-romain et l'égyptien, on ressuscite le médiéval sous l'influence des romantiques : d'où le mobilier gothique troubadour, plein de fantaisie, apparu en France vers 1830. Cette inspiration, déjà présente en Angleterre au xviiie s., y est reprise sous le règne de Victoria par l'architecte Philip Speakman Webb.

En France, sous Napoléon III, la mode est aux pastiches de tous les styles : le buffet est « Renaissance », le bas d'armoire « Boulle », les petits meubles « Louis XV » ou « Louis XVI », sans oublier les imitations de Chippendale ou les meubles « chinois », laqués noir avec incrustations de nacre et filets dorés. L'ingéniosité des fabricants est considérable, et s'exprime en particulier dans la variété des sièges ; ils ont en commun le souci du confort que procure la garniture à ressorts, recouverte de tissus capitonnés. Entre autres nouveautés : le pouf, le confident et l'indiscret, la boudeuse et la borne. Cet éclectisme sévira dans toute l'Europe jusqu'à la fin du xixe s.

Naissance de la production industrielle

En s'inspirant de la technique de fabrication des cannes et en partant de l'esthétique du mobilier Biedermeier, Michael Thonet, Allemand établi à Vienne, crée vers 1840 un mobilier révolutionnaire, appelé à un grand essor. Il réalise essentiellement des sièges à partir d'un petit nombre de composants : baguettes de hêtre, tournées puis courbées à la vapeur et mises en forme dans des moules, et, enfin, assemblées avec des vis et des écrous. Grâce à leur élégance, leur robustesse et leur prix modéré, ces sièges ont trouvé leur place aussi bien dans les palais de Vienne que chez les bourgeois ou dans les cafés : chaises à dossier aux multiples variantes, fauteuils à bascule, fauteuils de bureau, petites tables, portemanteaux, lits. Exportés dans toute l'Europe et aux États-Unis, des millions de meubles sortiront des usines Thonet jusqu'à la Seconde Guerre mondiale. Les architectes Wagner, Hoffmann et Loos, avant 1914, puis Gropius, Mies van der Rohe et Le Corbusier, vers 1930, fournissent des modèles.

Parallèlement, aux États-Unis, des inventeurs préoccupés de résoudre des problèmes pratiques déposent des brevets au cours de la seconde moitié du xixe s. Plus soucieux d'ergonomie que d'esthétique, ils conçoivent des meubles souvent en métal, ce qui favorise leur fabrication par l'industrie : fauteuil à bascule en acier, fauteuil convertible en lit, fauteuil de dentiste, chaise de dactylo, et même un curieux piano-lit pliant-commode, créé en 1866.

Les débuts du xxe s.

Vers 1890, l'abondance des styles «néo» apparaît à certains créateurs comme une copie stérile du passé. Pourtant, ce n'est pas en rejetant le passé mais en s'en inspirant que les arts appliqués vont se renouveler : en témoigne, en Grande-Bretagne, le répertoire décoratif d'un William Morris, issu des arabesques médiévales.

L'Art nouveau

« C'est à la Nature toujours qu'il faut demander conseil », proclame l'architecte Hector Guimard en 1899, définissant ainsi la nouvelle esthétique du mouvement Art nouveau, due à l'influence du japonisme et du symbolisme. Les créateurs sont séduits par les qualités linéaires de la plante et par son expression d'une force organique. C'est ainsi que dans le mobilier le piétement est généralement fait de courbes tendues et évasées vers l'extérieur, que le plan est souvent galbé, que la mouluration est souple et qu'enfin le décor sculpté ou celui des bronzes appliqués, bien intégrés à la structure, sont de type végétal : iris, ombellifères, nénuphars, parfois plus stylisé, et inspiré alors des tiges plutôt que des fleurs. Noyer, chêne et surtout poirier, acajou ou tamarin sont les bois préférés. Malgré le désir affiché de réaliser un art pour tous et de permettre une certaine industrialisation de la fabrication, les pièces uniques ou de petite série sont surtout le travail d'habiles artisans (ébénistes, sculpteurs, marqueteurs), donc coûteuses et réservées à une élite fortunée.

L'aspect plastique et dynamique des meubles et des ensembles s'intégrant dans un décor est surtout l'œuvre des Français : Hector Guimard, Eugène Gaillard et Alexandre Charpentier, Émile Gallé et Louis Majorelle – fondateurs de l'école de Nancy –, ainsi que du Catalan Antoni Gaudí ; les Belges, notamment Victor Horta et Henry Van de Velde, utilisent la courbe avec une tendance à l'abstraction ; le style anglais, particulièrement à Glasgow avec Charles Rennie Mackintosh, tend à la simplification, presque rectiligne, avec un décor rare et en à-plat peu éloigné du style autrichien : avec les créations de l'architecte Josef Hoffmann dominent la droite et un décor où se trouve décliné le carré, annonciateur de l'étape suivante.

L'Art déco

En 1925, l'Exposition des arts décoratifs de Paris donne son nom au dernier des grands styles où l'artisanat joue encore un rôle prépondérant. Il se veut en réaction contre l'exubérance de l'Art nouveau, d'où un goût pour les lignes géométriques, parfois adoucies par des angles arrondis ou par un léger galbe ; peu ou pas de moulures, pas de parties débordantes, cela pour mettre en évidence le volume. Le décor subsiste, limité à une frise ou à un motif central – fleurs et fruits fortement stylisés, réalisés en sculpture méplate, en incrustations d'ivoire, en bronze doré, parfois en laque –, ou créé par les motifs du matériau lui-même – loupe d'amboine ou de noyer, ébène de Macassar, palmier, citronnier, amarante ou acajou. Certains meubles sont gainés de galuchat (peau de requin), parfois teinté. Enfin, le fer forgé est utilisé pour des consoles ou des piétements de table. Alors que les tenants de l'Art nouveau avaient voulu créer pour le plus grand nombre et porter l'art dans la rue – littéralement, avec notamment les entrées des stations de métro dues à Guimard, mobilier urbain de fonte –, l'Art déco réserve à une élite les créations raffinées de Jacques Émile Ruhlmann, Jules Leleu, Louis Süe, associé à André Mare, Paul Follot, Albert Rateau, André Groult et Paul Iribe. Quant à Pierre Chareau, il est le trait d'union entre avant-garde et tradition.

Démocratisation du mobilier

Tournant le dos aux fantaisies de l'Art nouveau et au luxe de l'Art déco, des créateurs se préoccupent de concevoir un mobilier à la portée de tous, réalisable industriellement. Ces préoccupations sociales se doublent de recherches esthétiques : le constructivisme russe inspire au Néerlandais Gerrit Thomas Rietveld le Fauteuil bleu et rouge (1917) et au peintre Aleksandr Rodtchenko un mobilier pour club ouvrier (1925). Entre-temps, en Allemagne, à l'école du Bauhaus, Marcel Breuer se montre le plus inventif, passant du bois au métal avec la création de sièges en porte-à-faux, suivi de près par Mies van der Rohe, dont le mobilier est d'une très grande pureté de lignes.

La France n'est pas en reste, et les créateurs, souvent architectes, de Le Corbusier, qui collabore fréquemment avec Charlotte Perriand, à René Herbst, Victor Prouvé, Robert Mallet-Stevens et André Lurçat, repensent le mobilier dans l'optique d'une fabrication industrielle, jetant les bases du design moderne. Le décor est superflu, la forme doit découler de la fonction et de l'emploi de matériaux nouveaux : verre, acier, contreplaqué moulé. « Nous aimons l'équilibre, la logique, la pureté », déclarent les fondateurs de l'Union des artistes modernes (1929). Mais, faute d'intérêt de la part des industriels, des marchands et du public, leurs créations restent souvent limitées à des prototypes – mais elles deviendront des classiques lorsqu'elles seront rééditées, une cinquantaine d'années plus tard.

Les Scandinaves, du Danois Kaare Klint au Finlandais Alvar Aalto, connaissent le succès dans les années 1930 ; tout en ne rejetant pas complètement la tradition – ils restent fidèles au bois –, ils prennent en compte l'industrialisation et les besoins sociaux. Fonctionnel et chaleureux, le style scandinave se répandra en Europe dans les années 1950.

D'Europe, l'innovation passe aux États-Unis à la veille de la guerre. Elle est encouragée par des conditions économiques favorables, l'absence de préjugés envers l'industrie, la création de concours pour un mobilier contemporain. En 1940, Charles Eames et Eero Saarinen créent des sièges aux formes libres, organiques, grâce au procédé de moulage industriel : contreplaqué et coques de polyester renforcé de fibres de verre. La firme Knoll International éditera les meilleures réalisations : mobilier « tulipe » à pied unique de Saarinen, sièges en résille d'acier de Harry Bertoia, plus tard des créations de Warren Platner et de Charles Pollock.

Le règne du design

En France, tandis que la tradition du meuble d'ébénisterie se maintient avec Leleu ou André Arbus, qui tous deux décorent des salles du palais de l'Élysée, dans les années 1960, de jeunes créateurs s'intéressent au design : Pierre Paulin, Olivier Mourgue ou Roger Tallon inventent des formes souples et dynamiques, grâce à l'emploi de mousses, de coques en polyester, du métal, à quoi s'ajoute l'emploi des couleurs vives. Le mobilier est repensé dans le cadre d'habitations aux dimensions réduites : armoires et bahuts disparaissent au profit de placards incorporés, d'étagères suspendues, de canapés-lits, de meubles de rangement modulaires offrant de multiples combinaisons.

En Italie, la collaboration des industriels et des designers s'est faite très tôt ; aussi le soin apporté aux solutions techniques comme aux qualités plastiques est-il l'expression d'une culture du design italien, célèbre non seulement pour les machines à écrire ou les automobiles de course, mais également pour le mobilier. Ettore Sottsass, Joe Colombo, Gaetano Pesce, Gae Aulenti ont assuré la renommée de l'Italie bien au-delà de ses frontières. À la fin des années 1970, le groupe Memphis apporte au design humour et fantaisie.

Notre époque s'ouvre à toutes les influences, et l'on voit les rééditions des classiques du design, le retour du bois naturel pour des meubles pratiques et bon marché souvent vendus en kit, des créations à la technologie froide et impeccable ainsi que les productions de l'artisanat, qui trouve un nouvel essor.

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André Charles Boulle, commode
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Artisans égyptiens
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Bonheur-du-jour
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Console
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Jacob-Desmalter, table de toilette
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Jean-François Œben, bureau à cylindre
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Martin Carlin, secrétaire
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Salon de style Art déco
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Trône de Dagobert
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