gaullisme

Charles de Gaulle
Charles de Gaulle

Courant politique se réclamant de l'action et de la pensée du général de Gaulle.

La force politique du gaullisme

Le gaullisme a joué dans la vie politique française un tel rôle, il a concerné tant d'individus, de groupes et de familles que chacun a eu sa manière de le considérer. Le gaullisme des « compagnons » du Général, fait avant tout de fidélité, n'était pas celui du militant gaulliste, souvent plus jeune, ni celui des Français qui avaient pu, à un moment ou à un autre, être gaullistes, ou simplement « voter gaulliste », sans qu'on pût discerner avec certitude entre les raisons circonstancielles et l'adhésion à un homme, à une pensée, à un programme.

Les idéaux gaullistes

Le gaullisme est moins une doctrine politique originale que l'histoire d'un homme d'exception, qui a marqué la société française dans ses profondeurs. Cependant, à travers les contingences et les aléas de l'histoire, Charles de Gaulle, fondateur de la Ve République, est demeuré fidèle à certaines idées-forces : indépendance nationale et grandeur de la France ; création d’un exécutif fort s’opposant au régime des partis et impliquant une certaine personnalisation du pouvoir à travers le recours au référendum ; volonté de justice sociale par la participation et intervention de l’État dans l’économie ; hostilité au communisme au nom des valeurs de la liberté et défiance à l'égard de la politique des blocs ; politique de décolonisation et ouverture aux peuples du tiers-monde. Ces idées ont constitué autant de choix et de références pour une vision du monde transgénérationnelle.

Les partis gaullistes

Les principaux partis qui se sont rangés sous l'étiquette gaulliste ont été successivement  :
– le Rassemblement du peuple français (RPF), de 1947 à 1953 ;
– l'Union pour la Nouvelle République (UNR), de 1958 à 1968 ;
– l'Union pour la défense de la République (UDR, de 1968 à 1971, puis Union des démocrates pour la République, de 1971 à 1976) ;
– le Rassemblement pour la République (RPR), de 1976 à 2002.

L'évolution historique du gaullisme

Le gaullisme, qui s’est d’abord forgé dans les brasiers de l'histoire, s’est imposé en quatre phases, très inégales dans leur durée.

Le gaullisme de guerre (1940-1944)

Le gaullisme a émergé par un texte fondateur dont la nature dramatique a d'emblée situé son auteur dans le mystère et la légende. Le mystère, car peu de Français connaissaient, le 18 juin 1940, le nom du général de brigade, sous-secrétaire d'État à la Guerre et à la Défense nationale dans le gouvernement Reynaud qui venait, en pleine débâcle militaire, de laisser place au gouvernement du maréchal Pétain – lequel avait, dès le 17 juin, adressé un message aux Français pour leur demander de « cesser le combat ». Ce jour-là, de Gaulle quittait en avion Bordeaux pour Londres. Le gaullisme a donc été d'abord un acte de refus : le refus de la défaite. « Car, disait l'appel lancé le 18 juin de Londres, par le canal de la BBC, la France n'est pas seule ! » Loin de penser comme la plupart des chefs militaires et civils qui étaient aux commandes de l'armée et de l'État, de Gaulle dénonçait la demande d'armistice, non seulement au nom d'un patriotisme à toute épreuve, mais en raison d'une analyse de géopolitique à ses yeux évidente : la France avait un empire, la Grande-Bretagne poursuivait son effort de guerre, et cette guerre était « une guerre mondiale ». Dès lors, « l'honneur », mais aussi « le bon sens » et « l'intérêt supérieur de la patrie » commandaient de reprendre les armes.

Pour en savoir plus, voir l'article appel du 18 juin.

Le 23 juin, l'armistice était signé. Le lendemain, évoquant « la honte » et « la révolte » qu'une telle capitulation suscitait, le général de Gaulle appelait tous les soldats, marins et aviateurs français à le rejoindre : « Un jour, je vous le promets, nous ferons ensemble l'armée française de l'élite, l'armée mécanique terrestre, navale, aérienne, qui, en commun avec nos alliés, rendra la liberté au monde et la grandeur à la patrie. » Le gaullisme allait alors se confondre avec la France libre.

Pendant les années de guerre, le général de Gaulle s'imposa deux impératifs, avec lesquels il ne transigea jamais : l'unité de la Résistance française et la défense de la souveraineté nationale qu'il entendait incarner vis-à-vis de ses alliés britannique puis américain et soviétique. Condamné à mort par contumace par le gouvernement de Vichy, il dénonça, surtout après l'entrevue de Montoire entre Pétain et Hitler, en octobre 1940, « l'entreprise de trahison » à laquelle se livrait « le Père la Défaite ». Par ses allocutions à la radio de Londres, il stimula l'esprit de désobéissance à un « État français » livré à la collaboration avec l'ennemi. Il réussit, malgré la puissance du parti communiste et de ses organisations, malgré les Américains jouant contre lui la carte Giraud après leur débarquement en Afrique du Nord, malgré la disparité idéologique des mouvements de Résistance intérieure et les risques de divergences entre celle-ci et la France libre de l'extérieur, à garder la tête de la France combattante. À cet effet, aidé par Jean Moulin et Georges Bidault, il mit en place des organes de coordination, dont le Conseil national de la Résistance (mai 1943) fut la pièce principale, puis des instances paragouvernementales, dont le Comité français de libération nationale (CFLN) [juin 1943], l'Assemblée consultative (novembre 1943 à Alger) et le Gouvernement provisoire de la République française (GPRF) [2 juin 1944] constituèrent la base.

Pour en savoir plus, voir l'article la Résistance.

Face à Churchill, et surtout face à Roosevelt qui se méfiait de lui, de Gaulle défendit âprement le principe de l'indépendance française aux côtés des Alliés. Aussi, dès le débarquement en Normandie, se comporta-t-il en nouveau chef d'État, forçant les Alliés à reconnaître sa légitimité. S'il ne fut pas présent à la conférence de Yalta, en février 1945, du moins réussit-il à faire admettre la France au rang des cosignataires de l'armistice du 8 mai 1945, au rang des 4 occupants de l'Allemagne vaincue, et, au mois de juin de la même année, au rang des 5 membres permanents du Conseil de sécurité à l'ONU. Il fallait que le monde fût convaincu que la France s'était libérée, certes avec l'aide des Alliés, mais aussi par ses propres moyens : elle était dans le camp des vainqueurs.

Le gaullisme de gouvernement (août 1944-janvier 1946)

Le général de Gaulle, pendant la guerre, avait aussi médité sur le futur régime politique et social qui devait être édifié sur les ruines du gouvernement de Vichy. Ce régime serait celui de la République, mais non pas de la république parlementaire d'avant la guerre, dont la faiblesse avait éclaté au grand jour. Le gaullisme devait contribuer à mettre en œuvre une « démocratie nouvelle » (discours du 11 novembre 1942 à l'Albert Hall) ; il devait être le fer de lance d'une « France nouvelle » et d'une « révolution ».

Porté à la tête du (GPRF, de Gaulle eut trois tâches à remplir : la poursuite de la guerre jusqu'à la victoire aux côtés des Alliés ; les efforts de reconstruction et les réformes de structure immédiates ; enfin, la préparation d'un projet constitutionnel qui serait élaboré par une assemblée constituante et ratifié par le suffrage populaire. Le chef de la France libérée assuma au mieux ses deux premières missions. En particulier, l'œuvre législative du GPRF, de l'Assemblée consultative élargie le 7 novembre 1944, puis de la première Assemblée constituante élue le 21 octobre 1945 est une des plus imposantes que la France ait jamais connues, dans un délai des plus courts : entre autres, droit de vote des femmes, nationalisations (charbonnages, usines Renault, Air France, Banque nationale et grandes banques de crédit...), rétablissement de la liberté de la presse et de la gratuité dans l'enseignement secondaire, création du Commissariat général au Plan, sans compter la mise en route de quelques grandes réformes – comme le plan de sécurité sociale – qui furent votées après le départ du Général. Celui-ci avait annoncé dès ses premiers discours de guerre que la « France nouvelle » ne serait pas seulement un nouveau régime politique, mais qu'elle mettrait en œuvre une nouvelle politique sociale, capable de renforcer la cohésion nationale : de Gaulle était soucieux de surmonter les divisions dues aux luttes des classes et de restaurer les notions de dignité et de responsabilité – d'où les conceptions « gaulliennes » de la relation « capital-travail » et de la « participation ».

Le troisième objectif – la mise en place d'institutions nécessaires à une démocratie forte – fut en revanche un échec total. De Gaulle ne réussit pas à imposer ses vues en matière constitutionnelle aux trois grands partis qui gouvernaient avec lui : PCF, SFIO et Mouvement républicain populaire (MRP). Lui-même avait eu besoin de ces partis pendant la guerre afin d'affirmer sa légitimité aux yeux des Alliés. Une fois la France libérée, les divergences de vues entre leurs représentants et le chef de l'exécutif provisoire devinrent de plus en plus manifestes. De Gaulle remporta une première manche en neutralisant le PCF par la dissolution des milices patriotiques, moyennant le retour d'URSS de Maurice Thorez, le leader communiste condamné par contumace pour désertion en 1940. Il en gagna une seconde en imposant le référendum du 21 octobre 1945, qui limitait à 7 mois la durée de l'Assemblée constituante élue le même jour. Les électeurs approuvèrent, mais ils envoyèrent aussi à cette assemblée une majorité formée de députés communistes et socialistes, qui, contrairement aux conceptions gaulliennes, se faisaient les défenseurs d'un régime parlementaire à chambre unique. Dans l'impossibilité de composer avec les partis politiques majoritaires, de Gaulle décida de quitter brusquement le gouvernement, le 20 janvier 1946.

Pour en savoir plus, voir l'article assemblée.

Le gaullisme d'opposition (1946-1958)

En devenant majoritaire dans la nouvelle Assemblée constituante élue le 2 juin 1946, le MRP, soutenu par les radicaux et les modérés, faisait triompher le gaullisme. De Gaulle lui-même, qui s'était jusqu'alors imposé le silence, en sortit le 16 juin 1946, à Bayeux, où dans un discours retentissant, il exposa ce que devaient être les grands principes de la Constitution à venir. L'essentiel du projet tenait au renforcement des prérogatives du chef de l'État, induisant un rééquilibrage entre les pouvoirs exécutif et législatif. « Soyons assez lucides et assez forts pour nous donner et pour observer des règles de vie nationale qui tendent à nous rassembler quand, sans relâche, nous sommes portés à nous diviser contre nous-mêmes ! Toute notre histoire, c'est l'alternance des immenses douleurs d'un peuple dispersé et des fécondes grandeurs d'une nation libre groupée sous l'égide d'un État fort. »

De Gaulle n'avait jamais songé à fonder un parti politique. Mais, au lendemain de l'adoption de la Constitution de 1946, qu'il dénonça – « malgré quelques progrès réalisés » par rapport au projet précédent –, il fut convaincu de la nécessité de créer un mouvement qui fût un « rassemblement » et qui préparât son retour au pouvoir. Le 24 mars 1947, à Bruneval (Seine-Maritime), il déclara : « Le jour va venir où, rejetant les jeux stériles et réformant le cadre mal bâti où s'égare la nation et se disqualifie l'État, la masse immense des Français se rassemblera sur la France. » Le 7 avril, à Strasbourg, fustigeant le « jeu des partis » propre à la IVe République, il annonça la fondation du Rassemblement du peuple français (RPF), qui, « dans le cadre des lois, va promouvoir et faire triompher, par-dessus les différences des opinions, le grand effort de salut commun et la réforme profonde de l'État ».

D'emblée, le RPF remporta un succès considérable, qui se fit surtout au détriment du MRP mais aussi grâce au ralliement d'une partie des voix de gauche. Toutefois, c'est le socialiste Paul Ramadier qui tenait les rênes du gouvernement et, à l'Assemblée, la coalition formée par les socialistes, divers centristes et la droite parlementaire, sous le nom de « troisième force », tenait bon. Le RPF, au demeurant miné par des dissensions internes, ne se remit jamais de son échec électoral de 1951. Au cours de la « traversée du désert » qui en résulta pour de Gaulle (1953-1958), celui-ci se retira à Colombey-les-Deux-Églises, s'arrachant de temps à autre à la rédaction de ses Mémoires de guerre pour donner une conférence de presse, avant de s'enfermer, à partir de 1955, dans un silence absolu. Dès cette date, le fractionnement du gaullisme était consommé. Jacques Chaban-Delmas et les Républicains sociaux, qui en étaient issus, participèrent au gouvernement de Pierre Mendès France (1954-1955). Aux élections du 2 janvier 1956, ils n'obtinrent qu'une vingtaine de sièges. Le gaullisme était au plus bas de son histoire.

Pour en savoir plus, voir l'article IVe République.

Le gaullisme constitutionnel (1958-1969)

L'incapacité de la IVe République à régler le problème algérien fut à l'origine du retour du général de Gaulle au pouvoir. À la suite de la journée du 13 mai 1958 à Alger, au cours de laquelle le général Massu avait, au nom de l'armée, canalisé l'émeute des pieds-noirs, et malgré l'investiture de Pierre Pflimlin par une large majorité de députés, le président de la République, René Coty, fit appel au général de Gaulle le 29 mai pour former un gouvernement. Investi par le Parlement le 1er juin, de Gaulle reçut les pouvoirs spéciaux en Algérie, les pleins pouvoirs législatifs pour six mois et les pouvoirs de réformer la Constitution.

Avec le recul, il apparaît que la refonte des institutions françaises est l'œuvre la plus importante de la quatrième période gaulliste. Le projet, qui doit beaucoup à Michel Debré, ministre de la Justice, mais qu'inspirèrent aussi les idées de René Capitant (1901-1970), professeur de droit et gaulliste de gauche, reprend les grandes lignes du discours fondateur de Bayeux. La Constitution de la Ve République fut approuvée par référendum, le 28 septembre 1958, par plus de trois quarts des électeurs. En novembre suivant, les élections législatives, tenues au scrutin uninominal majoritaire à deux tours – l'une des images de marque du nouveau régime –, furent largement remportées par l'UNR, à la fois machine électorale et de facto parti gouvernemental. « L'UNR, dit Jacques Chaban-Delmas, doit être à la Ve République ce que le parti radical a été aux bonnes années de la IIIe République, le parti qui, pouvant gouverner à gauche ou à droite, assure l'équilibre, le parti au pouvoir.»

La première grande affaire politique du gaullisme maître de l'exécutif fut la fin de la guerre d'Algérie. De Gaulle voulut replacer cette question dans la problématique plus globale de la décolonisation. Le thème de la Communauté, le rappel du discours de Brazzaville de 1944 favorable à un type de relation moins inégalitaire entre la métropole et ses colonies, la sécession acceptée de la Guinée en 1958 montrent que le chef de l'État avait de longue date l'idée de refonder les liens entre la France et son ancien empire sur les bases de l'autonomie et de la libre association. C'est aussi la voie qu'il suggéra pour l'Algérie, lorsque, dans son discours du 16 septembre 1959, il préconisa l'autodétermination pour le règlement de la question. En fait, les chances d'une troisième voie se révélèrent impossibles : au terme d'une longue guerre civile, la France et le Front de libération Lnationale (FLN) algérien signèrent, le 18 mars 1962, les accords d'Évian qui firent accéder l'Algérie à l'indépendance. Mais la guerre d'Algérie se terminait dans le chaos : activisme de l'Organisation armée secrète (OAS), rapatriement précipité des Français d'Algérie, règlements de comptes sanglants entre Algériens. Du moins était-ce la dernière épreuve de la décolonisation, puisque les pays d'Afrique noire avaient accédé entre-temps à l'indépendance sans combats inutiles. Débarrassé de ce fardeau, de Gaulle allait s'atteler à la suite de son « grand dessein » : remettre la France au premier rang des nations.

Pour en savoir plus, voir l'article décolonisation.

On peut dire que, pour le gaullisme, il existe un primat de la politique étrangère (domaine « réservé » du président), car la France a des responsabilités extérieures. Or, elle avait été écartée de la conférence de Yalta. Certes, dans le système bipolaire qui avait pris forme après la Seconde Guerre mondiale, elle avait choisi son camp. En cas de tension grave entre l'Est et l'Ouest, de Gaulle apportait son appui sans hésiter aux Américains : il le montra au moment de la construction du mur de Berlin en 1961 et lors de la crise de Cuba en 1962. Mais, depuis lors, l'heure était à la « détente ». C'est dans ce contexte que la politique extérieure du Général se déploya, affirma son originalité et son indépendance – une indépendance qui prit la forme d'une résistance continue à l'hégémonie américaine.

Cette politique eut plusieurs composantes :
– militaire : la France se dota de sa propre force de dissuasion et se retira du commandement militaire intégré de l'OTAN en 1966 ;
– financière et monétaire : souci d'une monnaie forte, création du nouveau franc, équilibre budgétaire, remboursement des dettes, attaques contre le dollar ;
– industrielle : grands projets comme le plan Calcul de 1966, destiné à doter la France de son propre système d'ordinateurs ;
– culturelle : défense de la langue française et de la francophonie ;
– et évidemment diplomatique : en Europe, traité franco-allemand, refus de l'entrée de la Grande-Bretagne dans le Marché commun ; en direction de l'Est, bonnes relations avec l'URSS, reconnaissance de la Chine populaire en 1964 ; dans le tiers monde, défense des indépendances nationales, condamnation de l'intervention américaine au Viêt Nam ; rapprochement avec le monde arabe au détriment des bonnes relations traditionnelles avec l'État d'Israël.

Si le gaullisme avait acquis dans le monde un immense capital de prestige, son bilan social apparaissait moins positif. Le mécontentement de l'opinion, dû en particulier au plan de stabilisation visant à juguler l'inflation, lancé en septembre 1963 par Valéry Giscard d'Estaing, ministre de l'Économie et des Finances, se solda par la mise en ballottage du général de Gaulle au premier tour de l'élection présidentielle de 1965. À partir de 1967, c'est l'emploi qui fut menacé, le chiffre du chômage n'ayant jamais été aussi élevé depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. C'est dans ce contexte de réussite extérieure et de morosité interne qu'éclata le mouvement de mai 1968. Celui-ci eut le double effet de démontrer l'impuissance des partis de gauche et de provoquer un sursaut de l'opinion, qui, une fois encore, s'en remit au général de Gaulle comme à un recours – alors même qu'au début de la crise le chef de l'État avait paru désemparé. Le pouvoir gaulliste triompha lors des élections législatives anticipées qui eurent lieu en juin 1968. Mais la confiance se lézarda à nouveau lorsque de Gaulle s'obstina dans un projet de référendum qui associait à la création des régions la réforme du Sénat. Désavoué par l'électorat, le 27 avril 1969, le Général mit fin à ses fonctions présidentielles le jour même. Puis, le 9 novembre 1970, disparaissait dans sa demeure de Colombey l'homme qui laissait en héritage l'image d'un patriote intransigeant et d'un chef d'État incorruptible.

Le gaullisme sans de Gaulle

Le gaullisme a été au croisement de deux traditions françaises : le bonapartisme et le nationalisme. Le Général n'a jamais eu d'admiration pour Napoléon III et reprochait à Napoléon Ier sa « démesure » ; ses propres idées et sa pratique constitutionnelle présentent cependant de nombreux caractères communs avec le bonapartisme. En particulier, le gaullisme a privilégié le rôle de l'exécutif – principalement celui du président de la République –, en prise directe avec la souveraineté populaire et au préjudice des pouvoirs intermédiaires. Par ailleurs, de Gaulle a toujours combattu le « système des partis », où il voyait la source d'une division fatale à l'intérêt national. Lui prônait l'« union », l'« unité », le « rassemblement », mais il n'a jamais prisé l'opposition. Le style de pouvoir personnel qu'il a imprimé à la République gaullienne, souvent comparée à une « monarchie républicaine », le situe bien dans cette tradition qui concilie l'autorité de l'État s'incarnant dans un homme et le recours au suffrage universel, l'« appel au peuple », qui fait de l'élection présidentielle au suffrage universel et du référendum les instruments privilégiés de sa légitimation.

Le gaullisme a recueilli, d'autre part, l'héritage nationaliste, en puisant dans ses diverses familles les éléments composites de son identité. Il a tenté d'adapter au xxe s. la passion du sentiment national. Loin d'être un nationalisme xénophobe, celui de De Gaulle a exalté les valeurs françaises dans une perspective universaliste, ce qui le rattache plus au nationalisme de Michelet et de Péguy qu'à celui de Barrès ou de Maurras. Néanmoins, comme les nationalistes du début du xxe s., de Gaulle a partagé l'appréhension de la décadence et la conviction que la France ne pourrait y échapper sans l'énergie communiquée à la nation par un guide chargé d'une mission transcendante – destin exceptionnel qui devait rendre le gaullisme politique après de Gaulle pour le moins hypothétique, mais ouvrir au gaullisme sentimental une immense carrière posthume.

Le gaullisme s'est maintenu sous la présidence de Georges Pompidou, ancien Premier ministre du Général, mais il a été concurrencé et parfois dénigré sous celle de Valéry Giscard d'Estaing, partisan du libéralisme. Avec l'avènement du RPR.de Jacques Chirac, il est devenu une composante parmi d'autres de la droite républicaine, avant que le dernier des « héritiers » ne soit lui-même chef de l'État de 1975 à 2007.

Pour en savoir plus, voir les articles Charles de Gaulle, histoire de la France.