essai

Ouvrage regroupant des réflexions diverses ou traitant un sujet qu'il ne prétend pas épuiser ; genre littéraire constitué par ce type d'ouvrages.

LITTÉRATURE

En intitulant Essais le recueil de ses observations morales, Montaigne a imposé le mot en terminologie littéraire, alors que le genre est attesté, antérieurement, par les Caractères de Théophraste, Lettres à Lucilius de Sénèque et les Pensées de Marc Aurèle. Le mot doit être entendu strictement : tentative et épreuve dans l'ordre du jugement à partir de l'observation et de l'expérience. Cette inévitable ouverture entraîne que l'œuvre puisse être longue, brève – quelques centaines de mots, dans les Essais de Bacon, pour chacun des sujets traités –, qu'elle exclue toute saturation et systématique conceptuelles et qu'à tout le moins dans la forme issue de l'humanisme qui conserve une pertinence jusqu'au xviiie siècle, elle s'attache aux rapports de l'homme à lui-même, à la communauté, à Dieu, suivant les indications de Bacon. Ce refus du dogmatisme, qui commande au vrai une esthétique et une pragmatique de la lecture : laisser l'esprit partiellement insatisfait, explique la fortune du genre au xviiie siècle, avec Locke (Essai sur l'entendement humain), Condillac, Hume, Voltaire (Essai sur les mœurs). Le genre va ainsi de l'assertion égotiste avec Abraham Cowley (Of Myself) jusqu'à la reprise quasi journalistique avec Defoe, Addison et Steele (articles du Tatler et du Spectator), suivant les sujets les plus divers, et inclut la réflexion esthétique (Dryden, Essai sur la poésie dramatique, 1668). Samuel Johnson et Sterne marquent, par l'essai, l'ambivalence, qui prévaudra au xixe siècle, du créateur et du critique. Ainsi exactement opposé au traité, l'essai est particulièrement adapté à l'expression de l'imaginaire romantique (Hazlitt, Lamb, Leigh Hunt, De Quincey), tandis qu'il marque, chez Carlyle et Matthew Arnold, une recherche intellectuelle plus systématique. L'esthétisme oriente le genre vers la critique littéraire (Walter Pater). Partiellement sous l'influence anglaise, en France, Bourget, Taine, Lemaitre illustrent le genre dans l'analyse littéraire. La netteté stylistique et un jeu d'humour et de distance, lisibles déjà chez Montaigne, n'empêchent pas le terme de s'appliquer, au xxe siècle, aux traités de philosophie (Bergson, Sartre), ni aux entreprises dogmatiques (Maurras). Il conserve sa pertinence dès lors qu'il désigne des recueils d'observations; sa fortune contemporaine reste liée à l'intervention constante de l'écrivain dans le siècle – ce qui était déjà la leçon d'Addison.

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