cladistique

Méthode de recherche des parentés entre espèces vivantes fondée sur l'analyse génétique et hématologique plus que sur les ressemblances visibles, souvent dénoncées comme l'effet de simples convergences.

La cladistique s'emploie à dépister les ressemblances acquises, par exemple par deux mammifères marins vivant de façon semblable (convergence), et, inversement, à recenser toutes les « radiations évolutives », c'est-à-dire les différences acquises par des espèces proches parentes adaptées à des modes de vie différents. L'étude des formes fossiles lui permet cependant de définir des grades, niveaux de perfectionnement successivement traversés par toutes les lignées du même clade.

La cladistique est une méthode qui a pour but de produire une classification hiérarchique reflétant exactement la phylogénie des espèces vivantes.

Historique

Le terme cladisme a été créé en 1969 par le biologiste américain Ernst Mayr (1904-2005) pour contester la systématique phylogénétique, à laquelle il reprochait de reposer uniquement sur des clades. Le cladisme avait été proposé en 1950 par l'entomologiste allemand Willi Hennig (1913-1976), pour rompre avec les méthodes empiriques et souvent fantaisistes utilisées par les zoologistes et botanistes pour classer les espèces vivantes. Selon Hennig, tous les groupes nommés (taxons) dans une classification doivent être monophylétiques, c'est-à-dire que toutes les espèces que contient ce groupe doivent avoir un ancêtre commun propre à elles seules.

Un groupe monophylétique constitue un clade ; les oiseaux, les mammifères, les vertébrés sont des groupes monophylétiques. Ainsi, une classification phylogénétique, dite aussi cladistique, doit apparaître comme une série hiérarchique de taxons emboîtés, et non comme une série graduelle de groupes descendant les uns des autres.

Outre son principe de monophylie, Hennig a élaboré une méthode de construction des phylogénies qui servent de base aux classifications phylogénétiques. Les phylogénies doivent être construites exclusivement en fonction de la distribution des caractères évolués (dits aussi caractères dérivés), car eux seuls témoignent de relations privilégiées entre les espèces ou entre les groupes monophylétiques.

Pour Hennig, tout caractère (morphologique, biochimique, physiologique) présente un état apomorphe, c'est-à-dire évolué (ou dérivé), et un état plésiomorphe, c'est-à-dire primitif. Par exemple, l'état plésiomorphe du membre antérieur des mammifères est la main à cinq doigts, tandis que la main à un seul doigt est un état apomorphe apparu chez les chevaux (ce qui n'implique pas que le sabot est « supérieur » à la main de l'homme ; en revanche, il est le fruit d'une évolution particulière et doit être dit « évolué » au sens phylogénétique). Lorsqu'un caractère apomorphe est partagé par plusieurs espèces ou groupes, on dit qu'il est une synapomorphie de cet ensemble. De même, lorsqu'un caractère plésiomorphe se rencontre dans plusieurs groupes, c'est une symplésiomorphie. Par exemple, les plumes des oiseaux sont une synapomorphie de ce groupe, tandis que la ponte d'œufs par les oiseaux et les mammifères primitifs (ornithorynque) est une symplésiomorphie, c'est-à-dire la persistance d'un caractère primitif d'amniote. La construction de phylogénies cladistiques se fonde uniquement sur la distribution des synapomorphies, qui sont héritées d'un ancêtre commun à plusieurs groupes et témoignent de leurs étroites affinités.

L'analyse cladistique

La détermination de l'état dérivé (apomorphe) ou primitif (plésiomorphe) d'un caractère peut se faire de deux manières :
1° par comparaison avec le (ou les) groupe(s) le(s) plus proche(s) de ceux que l'on étudie (« groupe(s) frère(s) » [en anglais, ils sont dits sister groups, « groupes sœurs »]) : si le caractère ne se rencontre pas hors de ce dernier, il est apomorphe et représente une synapomorphie des espèces qu'il contient. Ainsi, aucun groupe autre que les oiseaux ne possède de plumes ; celles-ci constituent donc une synapomorphie des oiseaux (taxon Aves) ;
2° par l'étude de l'embryologie des espèces du groupe considéré : si ce caractère apparaît tard dans le développement embryonnaire de ces espèces, il est apomorphe. Par exemple, la présence de rudiments de membres chez l'embryon de la plupart des serpents ou de dents chez le fœtus des baleines montre que l'absence de membres chez les adultes des premiers et de dents chez les seconds sont des états apomorphes.

Dans de rares cas, l'étude des fossiles permet aussi de déterminer l'état d'un caractère chez les formes actuelles du même groupe : la présence de dents et d'une longue queue chez l’archéoptéryx, oiseau du Jurassique, montre que le bec corné et la queue courte des oiseaux actuels sont des caractères apomorphes.

Les groupes non monophylétiques sont soit paraphylétiques (s'ils sont définis uniquement par des caractères plésiomorphes et n'ont pas d'ancêtre propre), soit polyphylétiques, si les caractères qui les définissent sont apparus indépendamment et, donc, ne sont pas homologues. Les reptiles, par exemple, constituent un groupe paraphylétique : ils ne sont définis que par l'absence des caractères de mammifères et d'oiseaux, et l'ancêtre commun des reptiles est aussi l'ancêtre des mammifères et des oiseaux. Les groupes polyphylétiques sont rares dans les classifications modernes, mais ils abondaient dans les classifications anciennes (exemples : pachydermes, pinnipèdes, palmipèdes).

Les apports du cladisme

Les répercussions du cladisme dans les différents domaines de la biologie sont nombreuses : en biologie moléculaire, il permet d'expliquer la distribution, jugée aberrante, de certains caractères biochimiques qui étaient replacés dans un cadre systématique traditionnel. Ainsi, il n'est pas rare de trouver la mention d'une molécule « présente chez les reptiles, sauf les tortues », ou « présente chez les agnathes, sauf les myxines ». De telles distributions s'expliquent aisément lorsqu'on sait, par l'analyse cladistique, que les tortues constituent le groupe frère de tous les autres amniotes, et les myxines le groupe frère des vertébrés.

En biogéographie, le cladisme est à l'origine de la biogéographie par vicariance, où les relations entre les aires biogéographiques peuvent être exprimées sous la forme de cladogrammes et analysées de la même manière que les relations entre les espèces. Au cours des années 1970, une polémique s'est engagée entre les partisans du cladisme, les cladistes, et ceux de la systématique traditionnelle, ou évolutive, dont le chef de file est le paléontologue américain G. G. Simpson. Dans les années 1980, le cladisme a été largement admis, surtout dans les pays anglo-saxons.