Syrie : histoire

Tête de dieu syrien
Tête de dieu syrien

Un carrefour culturel

Cet ensemble est, de nos jours, partagé entre la Turquie, la Syrie, le Liban, la Jordanie et Israël ; il constitue, sur 700 km du nord au sud, une bande habitée de 80 à 200 km de largeur entre la mer et la steppe désertique. Zone de passage entre l'Égypte, la Mésopotamie et l'Anatolie, pourvue d'une côte riche en escales, couverte autrefois d'épaisses forêts sur le Liban et l'Anti-Liban, la Syrie fut toujours un lieu de rencontre des cultures.

1. Des origines au viie siècle

1.1. Le premier empire : Ebla

Les rois de cette grande ville constituent un empire (v. 2350-2200 av. J.-C.), le plus ancien d'Asie, qui comprend le couloir syrien et un certain nombre de cités d'Anatolie et de Mésopotamie. La culture d'Ebla est une adaptation brillante de celle de Sumer dans un milieu bien différent. Ses scribes emploient les cunéiformes et, à côté du sumérien, l'éblaïte, une langue sémitique qui n'est pas l'ancêtre du cananéen.

Pour en savoir plus, voir l'article Ebla.

1.2. L'époque des migrations (xxive-xixe siècles avant J.-C.)

Les Amorrites

Le royaume d'Ebla, en conflit avec l'empire d'Akkad (xxiiie siècle), est finalement détruit par Naram-Sin (v. 2200 avant J.-C.). Peut-être était-il déjà affaibli par des facteurs internes, comme les autres États du couloir syrien, qui n'offrent qu'une faible résistance aux migrations, lesquelles ruinent les villes, à commencer par celles de Palestine (xxive-xxiiie siècles). On attribue ce mouvement aux Amorrites, population parlant une langue sémitique de l'Ouest, et qui provient des campagnes du couloir syrien ou des franges du désert de Syrie.

Les Hourrites

Mais s'y sont ajoutés des groupes de plus lointaine origine (Anatolie orientale ou haute Mésopotamie ?), ainsi que les Hourrites, qui, venus de l'est, commencent à s'installer dans le nord de la Syrie, au début du IIe millénaire. La vie urbaine ne se rétablira complètement en Palestine qu'au xixe siècle. Dans le reste du couloir syrien, les grandes villes ne subissent qu'une courte période d'abandon.

La culture cananéenne

De ce mouvement de populations sort une culture nouvelle et très originale, dite cananéenne, dont le premier centre est Byblos et qui s'étend à tout le littoral syrien, à la Beqaa et à la Palestine. Ces pays ont en commun des parlers cananéens (du groupe sémitique de l'Ouest) et une religion aux rites singuliers (culte célébré sur les hauts lieux, prostitution sacrée, sacrifices d'enfants). Les éléments essentiels de cette culture se maintiendront chez différents peuples du couloir syrien jusqu'au début de notre ère.

1.3. Le carrefour syrien (xxe-xviie siècles avant J.-C.)

La Syrie s'ouvre désormais à de nombreuses influences étrangères.

Le Moyen Empire égyptien

Dès le xxe siècle avant J.-C., les ports entrent en relation avec la Crète minoenne et Chypre, et les marchands mésopotamiens circulent de nouveau sur les pistes du couloir syrien. Et, surtout, les contacts se multiplient avec l'Égypte : les souverains de la XIIe dynastie égyptienne (v. 2000-v. 1785 avant J.-C.) envoient des cadeaux aux rois locaux et des ex-voto aux temples des cités syriennes. On peut voir là les signes d'une domination modérée (les textes égyptiens ne mentionnent guère d'expéditions guerrières) s'ajoutant aux relations commerciales.

L'art égyptien, qui permet d'exalter les dieux et les rois du couloir syrien, exerce sur l'artisanat local une influence qui se renforce au moment où la domination politique de l'Égypte s'effondre. La destruction d'ex-voto égyptiens marque la chute de la souveraineté égyptienne, sans doute à la fin de la XIIe dynastie, mais Byblos est encore dépendante d'un roi d'Égypte (v. 1740 avant J.-C.).

Les royaumes amorrites (xxe-xviie siècles avant J.-C.)

Le xviiie siècle avant J.-C. voit l'apogée de royaumes à dynastie amorrite apparus aux xxe-xixe siècles et dont le plus important est le Yamhad (capitale : Alep), qui domine les petits rois de Syrie du Nord. Les villes (Ebla, Hasor, Sichem) renforcent leurs murailles et se donnent temples et palais. Les nobles portent des noms amorrites ou, en Syrie du Nord, hourrites. Les scribes, qui écrivent en akkadien au moyen des cunéiformes, sont des adeptes de la culture intellectuelle de la Mésopotamie.

1.4. Le heurt des impérialismes (xviie-xiiie siècles avant J.-C.)

Les Hittites

Cette culture est transmise, au xviie siècle, aux Hittites, dont les rois entreprennent de conquérir la riche Syrie du Nord. Hattousili Ier (v. 1640-1610) attaque le Yamhad, qui est détruit (v. 1600 avant J.-C.) par son successeur, Moursili Ier. Cette disparition profite non pas aux Hittites, qui connaissent ensuite un rapide déclin et abandonnent la Syrie, mais aux Hourrites, dont les groupes guerriers progressent dans le nord et se répandent dans le centre et le sud du couloir syrien.

Les Hourrites du Mitanni

Au xvie siècle, un État, le Mitanni, qui s'est formé en haute Mésopotamie, impose sa domination, de l'Araxe au moyen Euphrate, du Zagros à l'Oronte, à une foule de royaumes dont les maîtres portent des noms hourrites ou, plus rarement, amorrites.

Les Égyptiens

Le couloir syrien subit alors une autre forme d'expansion : le premier pharaon de la XVIIIe dynastie, Ahmosis, a chassé de son pays (v. 1567) les Hyksos, groupes guerriers venus de Palestine qui dominaient l'Égypte depuis la fin du xviiie siècle ; il inaugure bientôt des expéditions pour extorquer le tribut dans les États du couloir syrien. Un de ses successeurs, Thoutmosis Ier, ira ériger une stèle sur la rive de l'Euphrate (v. 1524 avant J.-C.). Mais, après le règne de Hatshepsout (1503-1484), qui ne comporte aucune expédition en Asie, l'Égypte ne contrôle plus que le sud-ouest de la Palestine.

Thoutmosis III (1484-1450), au cours de neuf campagnes, bat ou soumet les royaumes de Syrie et, après avoir vaincu l'armée du Mitanni, atteint l'Euphrate (1472 avant J.-C.). Mais il suffit que le conquérant cesse de faire campagne, après 1463, pour que le domaine égyptien ne dépasse plus la vallée de l'Oronte.

Sous Thoutmosis IV (mort en 1408), le conflit cesse entre l'Égypte et le Mitanni, qui gardent leurs zones d'influence respectives, séparées, au voisinage de l'Oronte, par des royaumes dont le sort n'est pas fixé.

La domination des Hittites

Mais, à partir de 1365, le Hittite Souppilouliouma, vainqueur du Mitannien Toushratta, impose sa domination aux États de Syrie qui dépendaient du Mitanni et les fait contrôler par son fils, qu'il a placé sur le trône de Karkemish. Il empiète même sur le domaine égyptien, déclenchant un conflit qui ressurgit sous Seti Ier (1312-1298) et Ramsès II (→ bataille de Qadesh, 1299) et ne s'achève qu'à la paix de 1283. Les Hittites garderont le contrôle des royaumes d'Ougarit, Qadesh et Amourrou, soustraits à l'autorité égyptienne.

1.5. L'apogée des cités (xve-xiiie siècles avant J.-C.)

Beaucoup ont été saccagées par Thoutmosis II, mais la relative tranquillité dont elles jouissent sous la souveraineté de l'une ou l'autre des grandes puissances leur permet de tirer profit du commerce qui emprunte le couloir syrien.

Les réalisations les plus connues sont celles des cités du littoral et de la Palestine, dont les relations s'étendent jusqu'au monde mycénien. Leur artisanat est une synthèse égyptianisante des styles de l'Orient, qui influence à son tour les artistes de la basse vallée du Nil. Mais, sous le vernis de culture mésopotamienne ou égyptienne, la mentalité reste cananéenne : à Ougarit, la cité la plus cosmopolite de la Syrie, les scribes composent les premiers alphabets, dont ils se servent pour rédiger, dans leur dialecte sémitique, les mythes cananéens.

1.6. L'effondrement des États (xiiie-xiie siècles avant J.-C.)

Ils sont minés, dès le xive siècle, par les attaques des Hapirou, des hors-la-loi regroupés dans des districts d'accès difficile, dont l'action sera favorisée par le passage des Peuples de la Mer qui ruinent bon nombre de cités vers 1191.

Au xiiie siècle déjà, les Israélites et les peuples apparentés (→ Ammonites, Moabites), venus des confins du désert, s'infiltrent dans les régions d'habitat sédentaire ; puis, au xiie siècle, le mouvement s'étend à la Syrie centrale, où l'on parle d'Araméens.

L'Égypte, qui a perdu la majeure partie de son domaine syrien lors de l'attaque des Peuples de la Mer, abandonne le reste (v. 1150) aux mercenaires philistins, tandis que les cités cananéennes de part et d'autre du Jourdain tombent peu à peu aux mains des Israélites et des peuples apparentés.

Les structures politiques traditionnelles ne se maintiennent que sur la côte de la Syrie centrale, dans des villes cananéennes que les Grecs nommeront phéniciennes. Au Nord, après la destruction de l'Empire hittite (v. 1191 avant J.-C.), la vie des royaumes qui avaient dépendu de lui reprend avec la culture néo-hittite, qui associe l'apport des conquérants venus d'Anatolie et la tradition nord-syrienne. Le couloir syrien se trouve ainsi divisé, pour une longue période, entre quatre peuples. Les Phéniciens et les Néo-Hittites vont donner un nouvel éclat à leurs traditions nationales ; les Israélites et les Araméens, peu évolués, assimileront la culture de leurs sujets cananéens. Mais les royaumes nationaux des seconds, comme les cités des premiers, devront s'incliner devant les empires de l'intérieur de l'Asie.

1.7. Les dominations étrangères (ixe-ive siècles avant J.-C.)

C'est d'abord celle des Assyriens, qui, depuis 858, viennent régulièrement lever le tribut et se heurtent à la résistance des Araméens de Damas. Après la crise qui frappe leur État et permet aux Ourartéens de les remplacer un moment en Syrie du Nord, les Assyriens reviennent, à partir de 743, pour soumettre définitivement la Syrie. Ils détruisent les États araméens (Damas, 732 ; Hamat, 720) et Israël (722/721), et annexent les royaumes néo-hittites. Mais les cités phéniciennes conservent leurs relations avec l'Égypte qui, les poussant à la révolte, les protège mal du châtiment.

Les Babyloniens (605-539) prennent la suite des Assyriens et détruisent les royaumes de Juda et de Moab (→ Moabites).

Les destructions d'États et les déportations opérées par les Assyriens et les Babyloniens provoquent la ruine des patriotismes locaux, ce qui permet à la culture araméenne d'achever la conquête des cités néo-hittites, tandis que l'araméen se répand dans tout le couloir syrien, sauf en Phénicie. D'autre part, les Arabes, qui ont pu saisir la région de la mer Morte, s'infiltrent dans l'est de la Syrie. Ce nivellement des cultures se poursuit sous la domination perse (539-332), beaucoup plus souple, qui permet la restauration d'une communauté israélite à Jérusalem.

1.8. Hellénisation et réaction orientale (ive siècle avant J.-C.-viie siècle après J.-C.)

La Syrie, conquise par Alexandre, est ensuite disputée entre les dynasties hellénistiques.

Les Séleucides

Les Séleucides, qui s'en rendent seuls maîtres en 199 avant J.-C., pratiquent une politique destinée à achever l'hellénisation, commencée, de façon spontanée, chez les Phéniciens, dès le début du ive siècle.

Antiochos IV emploie la force contre les Juifs pieux qui refusent le mode de vie hellénique, contraire à leur Loi ; il déclenche un conflit (167-131) aboutissant à la ruine du pouvoir des Séleucides, réduits à la Syrie (129), face à la théocratie de Jérusalem, quasiment indépendante sous ses grands prêtres de la famille des Asmonéens, qui disputent la Palestine aux Nabatéens.

La province romaine de Syrie

Mais les Juifs pieux n'acceptent bien aucun pouvoir politique, ni celui des Asmonéens, qui ont pris le titre royal en 104, ni celui des Romains, qui annexent la Syrie en 64 avant J.-C. et créent la province romaine de Syrie, impériale en 27 après J.-C. Deux insurrections (66-70 et 132-135 après J.-C.) aboutissent à la dispersion des Juifs de Judée.

Bientôt les Nabatéens, dont le royaume est annexé (106), s'hellénisent. Le caractère oriental des divinités syriennes (→ Ashtart, dieux de l'Orage de Damas, d'Alep et de Hiérapolis, dieu solaire de Baalbek et d'Émèse) qui ont séduit le monde gréco-romain, s'atténue. Mais l'hellénisme n'a vraiment gagné que les cités. Les Arabes et les Syriens de Palmyre, issus de tribus de pasteurs et de marchands, sont à l'origine d'un art nouveau (Ier siècle après J.-C.), dit abusivement art parthe.

Vers 198, la Syrie impériale est divisée en Cœlésyrie et Syrie Phoinikê.

Les Sassanides

À partir du iiie siècle, la Syrie doit faire face à la puissance sassanide ; ce sont les princes de Palmyre qui arrêtent les Perses en 262, puis dominent la Syrie jusqu'à l'intervention de l'empereur Aurélien, qui ruine la cité caravanière (272-273).

1.9. La Syrie byzantine (395-638)

En 395, à la mort de l'empereur Théodose Ier le Grand, la Syrie devient une province de l'Empire romain d'Orient.

Sous Justinien (527-565), elle comprend sept provinces plus la Palestine et le limes désertique de l'Arabie Pétrée. La métropole est Antioche, important marché au débouché des voies d'Asie, siège de l'Administration centrale et centre culturel des élites hellénistées universitaires et ecclésiastiques.

La société présente une grande complexité ethnique. Dans les campagnes, les sédentaires sémites parlent araméen ou, dans le Nord, un dialecte voisin, le syriaque, tandis que les éleveurs nomades des déserts, les Bédouins, utilisent des dialectes arabes ; dans les villes, le petit peuple est également sémite ; les commerçants syriens ou juifs emploient l'araméen dans le commerce ; les élites citadines et l'Église officielle s'expriment en grec ; enfin, dans l'Administration et l'armée, on se sert du latin. La classe dirigeante, romano-byzantine ou hellénisée, constitue un élément allogène.

Un foyer du christianisme

Malgré l'essai de retour au paganisme de Julien l'Apostat (361-363), le peuple aussi bien que les classes possédantes de Syrie-Palestine sont presque totalement christianisés, et, depuis Théodose, le christianisme est religion d'État. Le judaïsme connaît un grand essor, en particulier à Antioche.

La Syrie-Palestine constitue un important domaine de la chrétienté de l'époque avec les patriarcats d'Antioche (qui comprend 17 métropoles) et de Jérusalem. Le monachisme y est très important, sous forme conventuelle et érémitique.

Mais des doctrines hétérodoxes troublent le christianisme oriental. Après l'arianisme, le nestorianisme connaît un grand développement en Syrie. Il est rejeté au troisième concile œcuménique d'Éphèse (431), et ses adeptes se réfugient en Perse, où ils collaborent avec les Sassanides contre Byzance, ralliant les hérétiques persécutés dans les provinces byzantines ; aussi le nestorianisme a-t-il une grande importance politique.

Enfin, le monophysisme, doctrine antinestorienne, prend une extension particulière en Syrie. Le syriaque, développé par Éphrem d'Édesse (v. 306-373), devient la langue liturgique de l'Église nationale et le symbole de son particularisme politique. Condamnée par les conciles et réduite à la clandestinité, l'Église monophysite est réorganisée par Jacques Baradée (en grec, Jacob Zánzalos, mort en 578) ; d'où son nom d'Église jacobite.

Deux siècles de troubles (ve-vie siècles)

Après la campagne de Théodose II (408-450) contre les Perses en 421-422, la Syrie vit en paix jusqu'au vie siècle, où incursions, séismes, épidémies, révoltes des populations et graves attaques sassanides se succèdent.

Malgré la paix signée avec les Perses en 532, qui permet à Justinien (527-565) de reconquérir l'Occident, l'empereur sassanide Khosrô Ier prend Antioche en 540, déportant une partie de la population à Ctésiphon, sa capitale, et détruit les villes de l'Euphrate. Justinien réorganise la ligne de défense, qui ne dépasse plus Émèse.

Les Ghassanides

Les tribus arabes ghassanides nomadisant entre le Sinaï et l'Euphrate sont fédérées à l'Empire, payées et christianisées. Sergiopolis (→ Rusafa) devient leur centre religieux et administratif, ainsi que Bosra en Arabie Pétrée. La confédération ne sera abrogée que sous Justin II (565-578) à cause de l'indiscipline des Ghassanides, devenus peu sûrs pour l'Empire.

La conquête perse

À la fin du vie siècle et au début du viie siècle, la guerre avec les Sassanides s'intensifie, ce qui détourne vers le nord les voies commerciales ; Antioche décline. Sous le règne de l'usurpateur Phokas (602-610) et au début de celui d'Héraclius, la Syrie est conquise par les Perses : Antioche tombe en 611 et Jérusalem en 614 ; toute la province de l'Euphrate au Sinaï est annexée à l'Empire sassanide.

La reconquête d'Héraclius

À partir de 622, Héraclius (610-641) commence la reconquête sur les Perses par une offensive en Mésopotamie qui menace Ctésiphon ; il reprend Jérusalem en 630. Toute la Syrie-Palestine redevient byzantine, mais la reconquête intensifie la lutte contre l'hérésie monophysite et les Juifs, qui s'étaient alliés aux Perses. C'est dans ce contexte social troublé que va avoir lieu l'invasion arabe.

2. Depuis le viie siècle : la Syrie arabe et l'islam (634-1517)

La Syrie, exaspérée par les persécutions religieuses et par les abus de la fiscalité byzantine, n'offre guère de résistance aux Arabes musulmans. Vaincus à Adjnadayn (al-Araba), près de la mer Morte en 634, puis sur le Yarmouk, les Byzantins capitulent en 640 dans Césarée.

2.1. Le califat omeyyade de Damas (661-750)

S'appuyant sur les Arabes de cette région et spécialement sur les Banu Kalb d'origine yéménite, qui y nomadisent depuis le siècle précédent, le gouverneur musulman de Syrie, Muawiya, s'empare du califat (661) et fonde la dynastie omeyyade, qui, de Damas, règne sur l'islam jusqu'en 750.

Les chrétiens de Syrie fournissent des administrateurs à l'Empire musulman et aux grands domaines ; leur culture intellectuelle est à la base de la civilisation islamique ; celle-ci se développe au viiie siècle, avec l'installation des soldats dans les villes, qui fait progresser l'islam et la langue arabe. Les communautés chrétiennes trouvent chez les califes des qualités de tolérance ; seuls les chrétiens de l'Amanos refusent l'obéissance au nouveau régime et maintiennent leur indépendance jusqu'au début du viiie siècle.

La prédominance politique des Syriens disparaît avec l'avènement des califes abbassides (750), mais la Syrie garde sa richesse.

2.2. Le morcellement politique de la Syrie

L'affaiblissement rapide du califat abbasside de Bagdad à partir du ixe siècle entraîne le morcellement politique de la Syrie, où les gouverneurs des grandes villes conquièrent l'autonomie.

Se posant en représentants du calife en Égypte, les Tulunides (868-905) et les Ikhchidides (935-969) jugent indispensable de réunir la Syrie à la vallée du Nil.

La dynastie arabe des Hamdanides (944-1003), qui se chargent de défendre le pays contre les Byzantins, s'installe à Alep et y tient une cour brillante, mais perd Antioche (969).

À son tour, le califat fatimide d'Égypte fait occuper la Palestine (969), puis Damas (970), mais ne cherche pas à détruire les principautés fondées par les grandes familles arabes.

Pour en savoir plus, voir l'article Fatimides.

2.3. L'expansion du chiisme

Les divisions religieuses s'accentuent chez les musulmans. Le mouvement des qarmates, qui, après 890, prépare le succès des Alides (descendants de Ali), est écrasé au cours du xe siècle, ce qui n'empêche pas le chiisme de se répandre en Syrie et d'y prendre parfois des formes singulières : les Alawites divinisent Ali (à partir du ixe siècle ; les Druzes reconnaissent le calife fatimide al-Hakim (disparu en 1021) comme une incarnation de Dieu ; les Assassins, qui s'installeront après 1130 dans le Liban, entre Hama et Laodicée (→ Lattaquié), utilisent le terrorisme pour imposer leur doctrine.

2.4. La reconquête byzantine et les croisades

La reconquête byzantine

L'Empire byzantin, qui s'était maintenu derrière le Taurus, profite du déclin abbasside pour piller le nord de la Syrie ; les victoires de Nicéphore Phokas (963-969), de Jean Tzimiskès (969-976) et de Basile II (976-1025) aboutissent à la formation d'un duché grec autour d'Antioche, reprise dès 969.

Les Seldjoukides

La reconquête byzantine et les propagandes de l'hétérodoxie islamique sont enrayées par la dynastie seldjoukide (→ Seldjoukides), qui conquiert les villes syriennes sur les Fatimides et les Byzantins, de 1060 à 1085. Mais, à la mort du sultan Malik Chah (1092), la Syrie retombe dans le morcellement anarchique.

La résistance musulmane contre les Francs et les Byzantins

Ce dernier explique la poussée arménienne dans le Nord (fin du xie siècle) et, surtout, le succès de la première croisade : celle-ci aboutit, entre 1097 et 1099, à la fondation d'États chrétiens. La question religieuse et le problème d'Antioche, revendiquée par l'Empire grec, empêchent la formation du front commun des Francs, des Byzantins et des chrétiens indigènes. Le royaume latin de Jérusalem, qui n'a pu saisir les villes de l'intérieur (Alep, Hama, Homs, Damas), est mal placé pour se défendre contre l'islam syrien : les Francs, mal secourus par l'Occident, sont condamnés à reculer dès que l'unification politique progressera du côté musulman.

L'atabek Zangi, qui a réuni sous son autorité Mossoul et Alep (1127-1128), conquiert le comté d'Édesse sur les Francs et les Byzantins (1144-1147) ; son héritier, Nur al-Din Mahmud, annexe la principauté de Damas (1154).

Saladin

L'Égypte est occupée en 1169 par un lieutenant du Zangide, Saladin, qui supprime le califat fatimide (1171). Après la mort de son maître (1174), Saladin évince peu à peu les Zangides, occupant Homs et Hama en 1174, Damas en 1176, Alep en 1183. Le royaume latin de Jérusalem, qui le provoque en 1187, sombre après la bataille de Hattin (1187).

La Syrie à nouveau morcelée

La troisième croisade (1189-1192) aboutit à un partage de la Syrie, où les chrétiens conservent une bande littorale et les forteresses du Liban. Ce royaume de Jérusalem mutilé est dominé au xiiie siècle par les marchands pisans, génois ou vénitiens, mais les querelles des colonies marchandes, des ordres militaires et des chevaliers francs paralysent la défense du royaume ; la ville de Jérusalem, reconquise par l'expédition pacifique de l'empereur Frédéric II (1229), retombe rapidement aux mains des musulmans (1244). Dès la mort de Saladin (1193), le partage de ses biens, entre ses héritiers, les Ayyubides, amène un nouveau morcellement de la Syrie.

La Syrie sort de la période des croisades profondément transformée : la population latine disparaît avec le royaume franc ; les chrétientés d'Orient, prises entre les deux adversaires, ont vu leurs effectifs diminuer. Le pays est maintenant couvert de lourdes forteresses d'origine chrétienne (→ Krak des Chevaliers) ou musulmane (remparts d'Alep).

Pour en savoir plus, voir l'article les croisades.

2.5. Les Mamelouks d'Égypte

Les invasions mongoles (1260, 1271, 1281, 1299, 1300) sont arrêtées par les Mamelouks d'Égypte, qui gardent la Syrie, où quelques Ayyubides se maintiennent sous leur suzeraineté jusqu'au xive siècle. Les sultans mamelouks Baybars Ier (1260-1277) et Qalaun (1277-1290) conquièrent peu à peu les établissements francs, dont les derniers tombent en 1291.

Incapables de défendre les ports syriens dont ils se sont emparés, les Mamelouks les ruinent. Le commerce d'Orient vers la Méditerranée, qui reprend à Damas et à Beyrouth au cours du xive siècle, est peu de chose à côté du trafic d'Alexandrie. Après l'écrasement des musulmans hétérodoxes du Liban (1305), le régime de centralisation des Mamelouks assure à la Syrie deux siècles de tranquillité, interrompus seulement par les atrocités qui accompagnent le passage de Timur Lang (Tamerlan) : sac d'Alep (1400) et de Damas (1401). Mais la domination égyptienne ne résiste pas à l'attaque du sultan ottoman Selim Ier (1516-1517).

3. La Syrie ottomane (1517-1918)

3.1. L'anarchie sous la tyrannie turque

Divisée par la Porte en trois pachaliks (région gouvernée par un pacha), Damas, Alep et Tripoli, la Syrie souffre de la tyrannie turque, qui n'empêche pas l'anarchie de s'étendre : la Montagne du Liban est dominée par des seigneurs arabes, puis chrétiens ; les gouverneurs d'Égypte ou de Syrie parviennent, au xviiie siècle, à une complète indépendance. Le commerce avec l'Europe se fait dans les Échelles, surtout fréquentées par les Français, qui bénéficiaient des capitulations et dont les missions étendent l'influence à l'intérieur à partir de 1625.

3.2. L'échec de Bonaparte devant Saint-Jean-d'Acre

Maître de l'Égypte, Bonaparte envahit la Syrie, où une armée ottomane se rassemble contre lui (février 1799) ; la défense de Djazzar Pacha à Acre l'oblige à évacuer la province (mai-juin 1799).

3.3. La conquête de la Syrie par Ibrahim Pacha

Installé de façon solide dans son gouvernement d'Égypte, Méhémet-Ali se fait promettre par le sultan Mahmud II la Syrie, indispensable à ses constructions navales en raison de ses forêts. Le sultan s'étant rétracté, le fils du pacha d'Égypte, Ibrahim Pacha, conquiert la Syrie (1831-1832), que la Porte cède à Méhémet-Ali (traité de Kütahya, 1833) ; l'intervention des grandes puissances européennes dans la seconde guerre turco-égyptienne (1839-1841) amène la restitution de la Syrie au sultan.

3.4. Soulèvement des Druzes contre les maronites

Des désordres d'origine religieuse et sociale apparaissent après le départ d'Ibrahim Pacha, qui avait utilisé les maronites pour soumettre les Druzes. Les démarches puis l'intervention armée de la France (1860) [→ campagnes de Syrie] en faveur des maronites victimes des Druzes aboutissent au « règlement de la Montagne », qui assure une certaine autonomie au Liban chrétien (1864). La Syrie s'ouvre aux capitaux européens, qui développent l'industrie et les voies ferrées ; les habitants commencent à émigrer vers l'Afrique et l'Amérique.

3.5. Le réveil du nationalisme arabe et la fin de la domination ottomane

Las du joug ottoman, les Arabes de Syrie revendiquent l'égalité politique avec les Turcs, avant de songer à l'indépendance. Une Ligue de la patrie arabe est fondée à Paris (1904), où se tient le premier Congrès arabe, qui demande une décentralisation de l'Empire ottoman (1913).

La Première Guerre mondiale ruine la domination ottomane : l'armée britannique du général Allenby occupe la Palestine en décembre 1917 et la Syrie en octobre 1918.

4. L'occupation et le mandat français en Syrie (1919-1945)

4.1. Le démembrement de la Syrie entre la France et la Grande-Bretagne

Le Moyen-Orient subit les conséquences fâcheuses des promesses contradictoires de la Grande-Bretagne : le « grand royaume arabe » promis au chérif Husayn ibn Ali, qui se soulève contre la Porte en 1916, et le « foyer national » juif de la déclaration Balfour (1917) sont incompatibles. En même temps qu'elle promettait un « grand royaume arabe » à Husayn ibn Ali, la Grande-Bretagne concluait avec la France des accords répartissant ce même domaine en zones d'influence, la Syrie et le Liban constituant les zones françaises (→ accord Sykes-Picot, 1916).

Les progrès de la colonisation juive commencée dans les années 1870, sous l'impulsion du mouvement sioniste, conduisent la Grande-Bretagne, qui va l'administrer, à détacher la Palestine de l'ensemble syrien. La majeure partie du désert syrien est attribuée à deux États nouveaux, la Transjordanie et l'Iraq, confiés par Londres à des fils d'Husayn.

4.2. L'expulsion de Faysal

Le nom de « Syrie » ne désigne plus qu'un territoire réduit, aux limites conventionnelles, où la France se heurte aux nationalistes arabes. Le haut-commissaire français Georges-Picot arrive à Beyrouth le 6 novembre 1918, mais les troupes françaises ne relèvent les Britanniques qu'en novembre 1919. L'émir Faysal, fils de Husayn, qui s'est installé à Damas avec ses troupes (septembre 1918), est proclamé roi de la Syrie indépendante par un congrès national syrien (mars 1920), mais, en juillet 1920, le général Gouraud, haut-commissaire au Levant (1919-1923), occupe Damas et expulse Faysal, accusé d'exploiter les difficultés françaises en Cilicie (→ campagnes de Syrie).

La France, qui cède Mossoul à l'Iraq (décembre 1920), apaise la guérilla turque de la zone nord en renonçant à la Cilicie (octobre 1921) ; mais il faudra attendre 1930 pour que soit délimité le secteur syrien entre l'Euphrate et le Tigre (→ la Djézireh).

4.3. Le mandat français

En avril 1920, la conférence de San Remo attribue à la France le « mandat de type A » prévu par le traité de Versailles, et exercé sur la Syrie et le Liban au nom de la Société des Nations, qui légalise l'opération en 1922-1923. Un État du « Grand-Liban » est constitué par l'adjonction au Mont-Liban chrétien de territoires (→ Beqaa) détachés de l'ensemble syrien (1er septembre 1920).

La France, cédant à la poussée nationaliste, accepte de restreindre peu à peu les autonomies locales.
• Les États d'Alep et de Damas, créés en septembre 1920, sont regroupés dans la Fédération syrienne (juin 1922), puis dans la Syrie (1er janvier 1925).
• La région des Alawites, organisée en septembre 1920, dénommée tour à tour « territoire des Alawites » (1922) « gouvernement de Lattaquié » (1930), et celle des Druzes (gouvernement autonome du djebel Druze, 1922) voient leur autonomie restreinte, mais maintenue en 1936, puis en 1941.
• Enfin, pour favoriser la minorité turque du Nord-Ouest, on conserve une certaine autonomie au sandjak d'Alexandrette (correspondant à l'actuelle province turque d'Hatay), qui dépend d'Alep, puis de la Syrie.

Tous ces territoires reçoivent un régime représentatif (1922-1923) n'excluant pas la domination des administrateurs français. Le général Sarrail, haut-commissaire en 1924, se heurte à un mouvement insurrectionnel qui, parti du djebel Druze (juillet 1925), s'étend ensuite à Damas (août-octobre 1925) et ne succombera qu'en 1927 (→ campagnes de Syrie).

4.4. L'agitation nationaliste

Les hauts-commissaires Ponsot (1926-1933) et Martel (1933-1938) organisent la vie parlementaire, sur laquelle ils font peser un contrôle rigoureux : Assemblée constituante (1928-1930), vote de la Constitution (1930), Assemblée législative (1932), élection du président de la République Mohamed ALi Bey al-Abed (1932).

L'agitation nationaliste, qui reprend à Damas sous la direction du Bloc national (janvier-février 1936), amène Martel à autoriser le départ d'une délégation pour Paris. La négociation aboutit à un traité (accords Viénot, 9 septembre 1936), lequel prévoit, après une période probatoire de trois ans, l'indépendance d'une Syrie unitaire et une alliance franco-syrienne de vingt-cinq ans. Mais ce texte, ratifié par le Parlement syrien, ne sera jamais présenté au Parlement français et l'opinion syrienne s'indigne de voir la France céder le sandjak d'Alexandrette à la Turquie (juin 1939).

4.5. La capitulation de Saint-Jean-d'Acre

Après la démission des autorités syriennes, le haut-commissaire Puaux (1939-1940) assume tous les pouvoirs civils, les pouvoirs militaires étant exercés de septembre 1939 à mai 1940 par le général Weygand, commandant en chef des armées alliées en Méditerranée orientale. Mittelhauser, qui le remplace, accepte, ainsi que le haut-commissaire Puaux, l'armistice du 22 juin 1940. Le gouvernement de Vichy nomme alors haut-commissaire Jean Chiappe (25 novembre), puis le général Dentz (9 décembre 1940). L'amiral Darlan autorise les avions allemands, qui soutiennent la révolte irakienne contre la Grande-Bretagne, à se poser sur les aérodromes syriens (6 mai 1941). C'est l'occasion d'une intervention des troupes britanniques, appuyées par les forces de la France libre (8 juin) commandées par le général Catroux (→ campagnes de Syrie). En juillet, le général Dentz signe la capitulation de Saint-Jean-d'Acre, et 32 000 Français rentrent avec lui en France.

4.6. Vers l'accession à l'indépendance

En septembre, Catroux, délégué général de la France au Levant, proclame l'indépendance de la Syrie ; les gouvernements de Lattaquié et du djebel Druze sont incorporés à la République syrienne (26 janvier 1942) ; la vie constitutionnelle est rétablie en 1943 et, en décembre, Catroux signe un accord prévoyant la suppression du mandat pour le 1er janvier 1944. Mais, occupée par les forces alliées, la Syrie reste jusqu'à la fin de la Seconde Guerre mondiale sous un condominium franco-britannique.

La Grande-Bretagne songe à réaliser pour l'émir Abdullah de Transjordanie un royaume de Grande Syrie, unissant Syrie, Liban, Palestine et Transjordanie. En 1945, la résistance nationaliste est réprimée à Damas par un bombardement de la ville (29 mai). Les Britanniques interviennent et obligent les soldats français à regagner leurs casernes puis à évacuer la Syrie (juin 1945-avril 1946).

Pour en savoir plus, voir l'article Syrie : vie politique depuis 1941.

Bonaparte visitant les pestiférés de Jaffa, le 11 mars 1799
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Coupelle de pharmacie
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David Lloyd George
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Krak des Chevaliers
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Méhémet-Ali
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Nicéphore II Phokas
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Ougarit, Hasherat
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Palmyre
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Saladin Ier
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Tête de dieu syrien
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