Cern

sigle de Conseil européen pour la recherche nucléaire, devenu Organisation européenne pour la recherche nucléaire, communément appelé aussi Laboratoire européen pour la physique des particules

LHC, Cern, Genève
LHC, Cern, Genève

Institution intergouvernementale à vocation scientifique, créée en 1954 par douze États européens, située de part et d’autre de la frontière franco-suisse, près de Genève.

Le Cern est un laboratoire international de physique fondamentale destiné à l'étude des constituants ultimes de la matière (les particules élémentaires) et de leurs interactions. Il utilise à cette fin des accélérateurs et des détecteurs de particules. Les accélérateurs portent des faisceaux de particules à des énergies très élevées pour les faire entrer en collision avec d'autres faisceaux ou avec des cibles fixes. Les détecteurs permettent d'observer et d'enregistrer ces collisions.

1. Historique du Cern

C’est au lendemain de la Seconde Guerre mondiale qu’est prise la décision de créer le Conseil européen pour la recherche nucléaire (Cern), dans le but de refonder une science européenne mise à mal par la guerre et ne pas se laisser distancer par les Américains. L’idée lancée en décembre 1949 par quelques physiciens visionnaires (Raoul Dautry, Pierre Auger, Lew Kowarski, Edouardo Amaldi et Niels Bohr) devient réalité à peine cinq années plus tard. En mai 1954, la Convention du Cern est ratifiée par douze États européens : la République Fédérale d’Allemagne, la Belgique, le Danemark, la France, la Grèce, l’Italie, la Norvège, les Pays-Bas, le Royaume-Uni, la Suède, la Suisse, et la Yougoslavie.

Le Cern se fixe pour mission la recherche fondamentale sur la structure de la matière, à l’exclusion de toute activité à des fins militaires (il s’agit de faire oublier les bombes atomiques lancées sur Hiroshima et Nagasaki par une utilisation pacifique et scientifique du nucléaire), comme il est mentionné dans sa Convention constitutive :

L’Organisation assure la collaboration entre les États européens pour les recherches nucléaires de caractère purement scientifique et fondamental, ainsi que pour d'autres recherches en rapport essentiel avec celles-ci. L’Organisation s’abstient de toute activité à fins militaires et les résultats de ses travaux expérimentaux et théoriques sont publiés ou de toute autre façon rendus généralement accessibles.

Le premier accélérateur de particules, le synchrocyclotron (SC), est mis en service en 1957, permettant ainsi à la plupart des pays européens de participer aux expériences de physique les plus avancées au niveau mondial. Depuis, d’autres accélérateurs et détecteurs de particules ont pris le relais et contribuent à faire du Cern l’un des plus grands et des plus prestigieux laboratoires scientifiques du monde, toujours à l’avant-garde (→ cyclotron, synchrotron).

2. Organisation du Cern

2.1. États membres et non-membres

Le Cern compte aujourd'hui vingt et un États membres : l’Allemagne, l'Autriche, la Belgique, la Bulgarie, le Danemark, l'Espagne, la Finlande, la France, la Grèce, la Hongrie, Israël, l'Italie, la Norvège, les Pays-Bas, la Pologne, le Portugal, la République slovaque, la République tchèque, le Royaume-Uni, la Suède et la Suisse.

Ils contribuent au capital et aux frais d’exploitation des programmes du Cern et sont représentés au Conseil, responsable de toutes les décisions importantes concernant le laboratoire et ses activités.

D’autres États ou organisations internationales, même s'ils ne peuvent adhérer, peuvent participer en tant qu’observateurs. C’est le cas de la Commission européenne, de l'Inde, du Japon, de la Fédération de Russie, de l'Unesco et des États‑Unis. Ce statut leur permet d’assister aux réunions du Conseil sans prendre part aux procédures de décision.

Les États non-membres participant actuellement aux programmes du Cern sont l'Afrique du Sud, l'Algérie, l'Argentine, l'Arménie, l'Australie, l'Azerbaïdjan, le Bélarus, le Brésil, le Canada, la Chine, Chypre, la Croatie, l'Estonie, la Géorgie, l'Inde, l'Iran, l'Irlande, l'Islande, le Maroc, le Mexique, le Pakistan, le Pérou, la Roumanie, la Serbie, la Slovénie, la Corée du Sud, Taiwan et l'Ukraine.

La participation de pays comme l’Inde, le Pakistan et la Chine, en dépit de relations politiques difficiles, est révélatrice du rôle unique joué par le Cern sur la scène scientifique internationale. Le Cern perpétue ainsi les souhaits du physicien américain Isidore Isaac Rabi (prix Nobel de physique en 1944) lors la conférence de l’Unesco de 1950, pour qui le Cern devait être « une organisation dédiée aux efforts scientifiques communs, profitant à des pays qui furent empêtrés dans un combat mortel ».

On notera également que le Cern a des contacts scientifiques avec l’Autorité palestinienne, la Chine (Taipei), Cuba, le Ghana, l’Irlande, la Lettonie, le Liban, Madagascar, la Malaisie, le Mozambique, les Philippines, le Qatar, le Rwanda, Singapour, le Sri Lanka, la Thaïlande, la Tunisie, l’Ouzbékistan et le Venezuela.

2.2. Structure interne

À la tête du CERN, un Conseil constitue l’autorité suprême, responsable en dernier ressort de toutes les décisions importantes. Il détermine la ligne de conduite de l’organisation en matière scientifique, technique et administrative, assisté dans sa tâche par le Comité des directives scientifiques et le Comité des finances.

Le Directeur général est traditionnellement un scientifique, nommé pour cinq ans par le Conseil. Assisté d’un Directoire, il administre le laboratoire en s’appuyant sur les dix départements que compte l’organisation (faisceaux ; finances et processus administratifs ; gestion des sites et bâtiments ; industrie, achats et transfert de connaissances ; ingénierie ; physique expérimentale ; physique théorique ; ressources humaines ; technologie ; technologies de l’information).

3. Équipements, chercheurs et ingénieurs

Depuis sa création, le Cern a construit une succession de machines de plus en plus puissantes : un synchrocyclotron de 600 MeV (millions d’électronvolts) en 1957 ; un synchrotron à protons (PS) de 28 GeV (28 milliards d'électronvolts), mis en service en 1959 ; le premier collisionneur à protons au monde avec anneaux de stockage à intersections (ISR, Intersecting Storage Rings) achevé en 1970 ; un supersynchrotron à protons (SPS) de 450 GeV, mis en service en 1976 ; un grand collisionneur électrons-positrons, le LEP (lLarge Electron Positron Collider), le plus grand anneau de collisions du monde (27 km de circonférence, mis en service en 1989, qui a permis d'atteindre des énergies supérieures à 200 GeV ; la décision d’arrêter le LEP a été prise en novembre 2000 pour permettre la construction d'un Grand collisionneur de hadrons, le LHC (Large Hadron Collider), qui utilise le même tunnel mais accélère des protons dans les deux sens à une énergie de 7 TeV par faisceau de protons (soit 14 TeV en collision). Mis en service en septembre 2008, le LHC a déjà permis de découvrir le boson de Higgs en 2012.

Le CERN emploie environ 2 500 personnes. Le personnel scientifique et technique du Laboratoire conçoit et construit les accélérateurs de particules et assure leur bon fonctionnement. Il contribue également à la préparation et à la mise en œuvre des expériences scientifiques complexes, ainsi qu'à l'analyse et à l'interprétation des résultats. Le Cern compte ainsi environ dix fois plus d’ingénieurs et de techniciens que de chercheurs physiciens.

Par ailleurs, le Cern accueille environ 12 000 scientifiques visiteurs, soit la moitié des physiciens des particules du monde, issus de quelque 600 instituts et universités, représentant 70 pays et 120 nationalités.

4. Expériences et détecteurs

De très nombreuses expériences sont menées au Cern pour étudier des domaines allant des rayons cosmiques à la supersymétrie. Les expériences les plus connues sont celles réalisées au Grand collisionneur de hadrons (LHC), notamment les expériences ATLAS et CMS qui exploitent les détecteurs ayant permis la découverte du boson de Higgs.

Mais des expériences moins médiatiques et cependant tout aussi fondamentales sont également menées à l’aide des autres accélérateurs du CERN, comme l’expérience COMPASS, qui étudie la structure des hadrons (particules constituées de quarks) en utilisant des faisceaux du Supersynchrotron à protons (SPS), ou encore l’expérience CLOUD qui étudie le lien possible entre les rayons cosmiques et la formation des nuages à l’aide du synchrotron à protons…

5. Découvertes majeures et grandes figures du Cern

En six décennies, les découvertes scientifiques effectuées dans les laboratoires du Cern sont nombreuses et majeures.

Le 27 janvier 1971, les anneaux de stockage à intersections (ISR) produisent les premières collisions proton-proton au monde. En 1973, une expérience menée par le physicien français André Lagarrigue met en évidence les courants neutres, ce qui constitue une première validation de la théorie électrofaible (unification de deux des quatre interactions fondamentales à haute énergie : l’électromagnétisme et l’interaction faible → modèle standard).

En 1981 sont réalisées les premières collisions proton-antiproton (→ antimatière, antiparticule), et l’équipe de Carlo Rubbia et Simon Van der Meer découvrent en 1983 les bosons W et Z, vecteurs de l’interaction faible, confirmant ainsi la théorie électrofaible. Pour cette découverte, les deux chercheurs reçoivent le prix Nobel de physique l’année suivante, concrétisant ainsi l’un des rêves des fondateurs du Cern, celui d’établir la prééminence de l’Europe dans le champ très concurrentiel de la science « lourde ».

En 1989, les informaticiens Tim Berners-Lee et Robert Cailliau inventent le World Wide Web (→ Internet), initialement conçu et développé pour répondre au besoin de partage d’informations entre des scientifiques travaillant dans différentes universités et instituts aux quatre coins du monde. Cette invention, purement connexe aux recherches de physique des particules, est à l’origine d’une révolution économique et sociétale.

En 1992, le physicien français Georges Charpak reçoit le prix Nobel de physique pour l’invention et la mise au point de détecteurs de particules, en particulier la chambre proportionnelle multifils (inventée en 1968).

En 1994, des physiciens du CERN prédisent la masse que devrait avoir le quark top, l’un des constituants ultimes de la matière. Ce résultat important oriente les recherches d’une équipe américaine du Fermilab qui parvient à découvrir ce fameux quark l’année suivante.

Le 4 juillet 2012, les équipes des expériences ATLAS et CMS menées au LHC annoncent la découverte du boson de Higgs (pièce manquante du modèle standard), confirmant le Cern dans son rôle de pôle majeur de la recherche mondiale en physique des particules.

Prochaine étape du Cern : trouver des particules d’une « nouvelle physique » permettant d’expliquer la composition de la fameuse matière noire qui constitue 25,8 % de l’Univers observable…

Accélérateur de particules linéaire
Accélérateur de particules linéaire
Collision de particules subatomiques
Collision de particules subatomiques
Détecteur CMS, Cern, Genève
Détecteur CMS, Cern, Genève
Georges Charpak
Georges Charpak
LEP, Cern, Genève
LEP, Cern, Genève
Les composants de la matière
Les composants de la matière
Les particules élémentaires selon le modèle standard
Les particules élémentaires selon le modèle standard
LHC, Cern, Genève
LHC, Cern, Genève
LHC, Cern, Genève
LHC, Cern, Genève
LHC, Cern, Genève
LHC, Cern, Genève
Niels Bohr
Niels Bohr
Représentation du symbole d'Internet dans le monde
Représentation du symbole d'Internet dans le monde
Walter Oelert
Walter Oelert
  • 1971 Au Cern, près de Genève, mise en service des anneaux de collision à intersection (ISR) permettant d'accélérer des protons avec une énergie de 28 GeV par faisceau.
  • 1977 Mise en service au Cern du supersynchrotron à protons (SPS) de 400 GeV.
  • 1983 Découverte au Cern, près de Genève, des particules W et Zo, bosons chargés prévus par la théorie électrofaible.
  • 1989 Des expériences effectuées au Cern et à Stanford (É.-U.) établissent qu'il n'existe pas plus de trois familles de particules dans l'Univers.
  • 2012 Le Cern annonce avoir identifié une particule qu’il estime avec une quasi-certitude correspondre au boson de Higgs (4 juillet).