Le chômage : une négociation collective en panneAprès une décrue relative, l'augmentation du nombre de chômeurs reprend dès le début de l'année et s'accentue à l'automne, repassant rapidement au-dessus de la barre des 3 millions, alors que l'économie française continue à dégager des excédents. Ce niveau élevé n'est pas une surprise pour les experts, qui en connaissent les causes depuis des années : croissance économique insuffisante et accélération de l'introduction de technologies fortement réductrices d'emploi. Les coûteuses mesures publiques d'aide à l'emploi n'ayant jusque-là donné que de très faibles résultats, le chômage touche, au cours de l'été, plus de 12,5 % de la population active. Ce triste record historique constitue l'un des taux les plus élevés des pays industrialisés. Le nombre des licenciements collectifs, déjà réalisés ou annoncés, et la réduction des emplois publics ne laissent pas présager d'amélioration prochaine. L'annonce cette année de nombreux plans sociaux dans les entreprises publiques (Aerospatiale, France Télécom) ou privées (Pechiney, Peugeot, Moulinex), et plus encore dans les secteurs de l'armement et de la défense, font craindre le dépérissement de villes entières. L'Allemagne connaît d'ailleurs des difficultés similaires, le chômage y augmentant fortement pour une population devenue, il est vrai, plus nombreuse depuis la réunification. Si, en Grande-Bretagne et aux États-Unis, le taux de chômage est beaucoup plus faible, le travail à temps partiel, les bas salaires et, d'une façon générale, les inégalités sociales y sont plus fortes et la protection sociale plus réduite. La situation française est assez différente de celle de ces deux pays : la mobilité de l'emploi y est traditionnellement faible, les salaires moyens y sont devenus plus élevés qu'aux États-Unis, alors que le chômage y est deux fois plus important. Cependant, l'accroissement des inégalités sociales, longtemps propre aux deux économies anglo-saxonnes, devient une réalité également française : l'écart se creuse entre les titulaires d'un emploi fixe et ceux qui oscillent entre emploi précaire et chômage, entre les plus hauts revenus et les désormais nombreuses rémunérations inférieures au SMIC (stages, temps partiels, etc.). Alors que les élites du pays sentent gronder un mécontentement diffus, les difficultés de la négociation collective s'aggravent. Le CNPF s'interroge sur la pertinence de négociations amorcées en 1995 quand les stratégies revendicatives des syndicats ne lui semblent pas claires.