Architecture et urbanisme
1966-1996
De Paris à Montréal, de New York à Londres, les nouvelles tendances, les grands projets, les matériaux et les techniques innovantes pour vaincre la lutte contre la laideur et créer une nouvelle « urbanité ».
Journal de l'année Édition 1967
Urbanisme Les douze derniers mois continuent de témoigner de l'importance croissante prise à travers le monde par les problèmes urbains et de l'attention croissante dont ils font l'objet.
Architecture La crise d'une architecture, qui se trouve confrontée avec les problèmes (économiques et sémantiques) du logement pour le plus grand nombre et de la ville contemporaine, se découvre seulement en profondeur, après une analyse attentive.
Journal de l'année Édition 1968
Architecture Dans le domaine de l'architecture, plus que les questions de style et d'esthétique, les problèmes fondamentaux de l'année ont concerné l'enseignement et le statut de la profession, l'industrialisation véritable du bâtiment, et enfin la promotion de nouvelles techniques et de nouveaux matériaux de construction.
Urbanisme Cette année comme la précédente, les problèmes théoriques et pratiques de l'urbanisme et de l'urbanisation occupent le devant de la scène.
Journal de l'année Édition 1969
Urbanisme Le projet de réaménagement des Halles aura, en quelques mois, fait couler plus de paroles et plus d'encre que tout l'urbanisme français depuis vingt-cinq ans. Six maquettes, de la plus futuriste à la plus conservatrice, furent proposées, puis rejetées (Journal de l'année 1967-68).
Architecture À Cannes, en mars 1969, sous les plafonds insipides du palais des Festivals, 1 200 architectes ont commencé à rebâtir leur monde. Ils étaient invités à méditer sur un thème prometteur : « Construction et humanisme. » Moins d'un an après la fièvre de mai, qui les emporta dans le tourbillon des remises en question, ce congrès — le premier de cette importance organisé en France, avec des économistes, des sociologues, des industriels, des confrères étrangers — fut l'occasion de faire le point.
Journal de l'année Édition 1970
Architecture L'architecture est en crise. Le nouveau monde industriel lui ouvre des perspectives vertigineuses ; le triomphe des matériaux et des techniques de pointe offre des ressources inépuisables aux recherches de formes nouvelles. Mais l'essor industriel n'a pas marqué seulement les techniques : transformant profondément les conditions de travail, il impose à une profession trop longtemps figée dans ses règles traditionnelles une sérieuse reconversion.
Urbanisme Le création de villes nouvelles est devenue un élément essentiel et irréversible de la politique urbaine. Dans le monde entier les villes nouvelles, fruit d'investissements massifs, publics ou privés, créent un monde nouveau où l'on essaie de ressusciter par la technique et la recherche le cadre urbain que le temps modelait dans les villes d'autrefois.
Journal de l'année Édition 1971
Architecture / Urbanisme « Je fais confiance non pas à l'État et à l'Administration, mais aux architectes... » En dépit de ces paroles pourtant rassurantes, que leur adressait Albin Chalandon, ministre de l'Équipement et du Logement, lors du Congrès des syndicats français d'architectes (Strasbourg, juin 1970), ces derniers restent très préoccupés par la situation de leur profession. Si, comme devait l'affirmer le ministre, « notre société doit (les) accueillir, au premier rang, parce que leur rôle est d'inscrire nos rêves dans la réalité », ce dont les intéressés semblent rester plus que jamais conscients, il n'en reste pas moins certain que l'évolution rapide du bâtiment vers l'industrialisation met en jeu leur avenir et leurs prérogatives.
Journal de l'année Édition 1972
Architecture / Urbanisme La proclamation, au mois de juillet 1971, des résultats définitifs du concours international pour l'édification (plateau Beaubourg) du Centre national d'art contemporain, souhaité par le président Pompidou, aura-t-elle été le seul événement architectural de l'année.
Journal de l'année Édition 1973
Architecture / Urbanisme À cent pas de la place d'Italie, dans le 13e arrondissement, celle-ci grimpe allègrement à cent quatre-vingt-dix mètres de haut. Cette autre, dans le quartier de la Défense, où certains voient volontiers une sorte de Manhattan à la française, bat la première d'une bonne dizaine de mètres. Sur le front de Seine, elles s'en tiennent toutes à une hauteur avoisinant les cent mètres et, vers la porte de Choisy, savent se contenter d'une altitude oscillant entre cent et cent cinq mètres, la hauteur de la fameuse Zamansky plantée en lisière de la Halle aux vins...
Journal de l'année Édition 1974
Architecture Un point de non-retour, une étape importante vient d'être franchie. Pour la première fois, en matière de logement comme de cadre de vie, le qualitatif prend le pas sur le quantitatif. Sans doute paraît-il difficile de redresser certaines orientations déjà anciennes comme la politique des villes nouvelles, décevantes à bien des égards, ou la dégradation de l'urbanisme parisien.
Journal de l'année Édition 1975
Architecture Le public supporte de moins en moins bien les villes qu'on lui fabrique depuis vingt ans. Les responsables l'ont-ils compris, ou bien la crise économique les encourage-t-elle dans le sens de la modération ? Toujours est-il que cette année est marquée par de solennelles remises en cause, par une certaine humilité devant le patrimoine existant, une crainte d'aller trop vite qui tranche avec la foi dans le progrès technique et industriel de la période précédente.
Journal de l'année Édition 1976
Architecture et urbanisme Immeubles de ville, grands ensembles de banlieue, maisons individuelles de série. Apparemment, l'architecture ne progresse guère, évolue à peine. Pourtant, il est des occasions privilégiées où l'on voit bouger l'architecture, où l'on discerne même des modes, qui se traduisent plus ou moins sur le terrain ; ce sont les concours, où les jeunes architectes cherchent à se faire remarquer : les villes nouvelles, a priori plus ouvertes à l'imagination ; les compétitions organisées par le ministère de l'Équipement, qui ouvrent droit à un label (Modèle innovation, ou Programme architecture nouvelle) et à des contingents de crédit spécialement réservés.
Journal de l'année Édition 1977
Architecture La loi sur l'architecture est adoptée lors de la session d'automne du Parlement et promulguée le 3 janvier 1977, après de nombreuses péripéties et des années de tergiversations (un premier texte fut voté en 1973 par le Sénat). Régis par la loi du 31 décembre 1940, qui créait l'ordre et réglementait le port du titre, les architectes demandaient depuis longtemps qu'on protège aussi leur mission. Ils l'ont obtenu (en partie) avec ce nouveau texte, qui déclare, dans son article 1er, l'architecture « d'intérêt public », et fixe les règles d'intervention des architectes suivant la nature des constructions.
Journal de l'année Édition 1978
Architecture La couleur envahit les murs. Traditionnellement présentes dans les villes d'Allemagne, d'Italie ou dans les villages du Mexique, les couleurs violentes ou pastels se sont imposées, en quelques années, dans les mornes cités HLM ou sur les bâtiments ingrats, usines et entrepôts, des grandes villes. Une aubaine pour certains architectes qui donnent à la recherche d'un habillage aimable le soin qu'ils n'ont pu consacrer à la plastique du bâtiment... Céramique ou peinture, béton teinté dans la masse, les techniques sont variées. Du simple dégradé harmonique dans les couleurs de la terre ou du ciel, aux compositions plus agressives (chevrons, rayures, figures abstraites), les coloristes pratiquent plusieurs registres.
Journal de l'année Édition 1979
Architecture On pourrait parler d'architecture comme de la mode vestimentaire : longueur sous le genou, retour du boléro ou du blazer... La seule différence est que des traces encombrantes des fantaisies passées restent inscrites dans le sol pour longtemps, que des familles habitent le rêve qui traversa un jour l'esprit d'architectes mégalomanes et que le génie ne souffle pas également partout.
Journal de l'année Édition 1980
Architecture Mille jours pour l'architecture, année du patrimoine. Le millésime 80 est très demandé. Les campagnes et leur cortège de brochures, badges, slogans et affiches publicitaires ont la faveur des responsables et préparent aimablement le terrain électoral.
Journal de l'année Édition 1982
Architecture Le débat sur la modernité gagne la France, après les États-Unis et l'Italie, patries des grands architectes. Pour la première fois depuis soixante ans, depuis la charte d'Athènes de Le Corbusier, le public français découvre une alternative à l'architecture dite moderne, fonctionnaliste ou encore de style international.
Journal de l'année Édition 1984
Architecture Les réalisations voulues exemplaires par le président de la République, annoncées en mars 1982, confirmées en juillet 1983, doivent être, précise-t-il lui-même, « l'occasion d'un renouveau de la création architecturale ». Il s'agit, « d'une part, de mieux ancrer notre pays sur son histoire et de rendre son héritage culturel plus accessible et familier... et, d'autre part, de mieux ouvrir notre pays aux révolutions technologiques en cours et à venir et aux nouveaux modes de communication ».
Journal de l'année Édition 1986
Architecture Le mot crise qualifie encore cette année l'architecture, et la nouvelle baisse (– 2,5 %) de la production du secteur économique de la construction de la CEE est là pour en témoigner. La diminution des opérations qui en découle a pour corollaire positif un approfondissement du discours architectural qui aboutit à une amélioration de l'habitat et du cadre de vie ; le projet d'Édith Girard du quai de la Loire à Paris illustre bien cette évolution. En 1985, le président Mitterrand a réaffirmé sa volonté de laisser dans l'espace urbain parisien l'empreinte de son septennat. La simulation de la pyramide du Grand Louvre de Ieoh Ming Pei et l'approbation tacite donnée à ce projet par le maire de Paris ont contribué à désamorcer une polémique non sans arrière-fond politique. Ont été inaugurés : la Géode de la Villette d'Adrien Fainsilber et le musée Picasso de Roland Simounet. Tandis que l'opération « Banlieue 89 » de Roland Castro suivait son cours, Paul Chemetov a réalisé aux Halles une piscine d'une grande valeur architectonique. Enfin, cette année aura été celle des récompenses pour Michel Andrault et Pierre Parat (grande médaille d'or de l'Académie d'architecture) et pour Edmond Lay (grand prix national d'Architecture).
Journal de l'année Édition 1987
Architecture Mardi 18 février 1986, à la cité des 4 000 de La Courneuve : en 8 secondes, les 70 000 tonnes de béton armé de la barre Debussy s'abattent sur le sol sous l'effet de la dynamite des démolisseurs. À un an du centenaire de la naissance de Le Corbusier, cette explosion spectaculaire peut prendre valeur de symbole. En 1972, à Saint-Louis, les postmodernes avaient en effet vu, dans une démolition identique, l'acte de décès de l'architecture moderne. En France, près de quinze ans plus tard, avec la crise, les préoccupations de la profession semblent moins théoriques et ses interrogations portent sur la nature des mesures qui seront prises en faveur d'une relance du marché de la construction. Le projet de loi Méhaignerie, présenté en juin, satisfait plutôt les professionnels. Cohabitation oblige, les « grands projets du Président », critiqués en leur temps par la nouvelle majorité, sont confirmés, à quelques coupes budgétaires près.
Journal de l'année Édition 1989
Journal de l'année Édition 1990
Les grandes heures de l'architecture Le 14 juillet, les wagons des grands projets parisiens ont défilé derrière la locomotive de Jean-Paul Goude. L'architecture ne fait pas toujours beaucoup de bruit, mais les architectes commencent à faire parler d'eux.
Journal de l'année Édition 1991
Architecture Le monde des historiens de l'architecture est doublement en deuil, cette année, après le décès d'André Chastel, dont les écrits ont beaucoup fait pour la compréhension historique de l'art de bâtir, et d'Anatole Kopp, qui fut le premier, en France, à se pencher sur le bouillonnement d'idées modernes des années qui suivirent la Première Guerre mondiale. Avec ce dernier a disparu un ardent défenseur de la doctrine rationaliste et un farouche adversaire du courant postmoderne et du néoclassicisme.
Journal de l'année Édition 1992
Architecture Le pritzker price couronne cette année l'œuvre de l'architecte américain Robert Venturi, près d'un quart de siècle après la parution de son ouvrage fondamental Complexity and Contradiction in Architecture (en français, « De l'ambiguïté en architecture ») que beaucoup d'historiens et de critiques considèrent comme le premier cri de révolte théorisée « contre la morale et le langage puritains de l'architecture moderne orthodoxe ».
Journal de l'année Édition 1993
Architecture Après une décennie de grands travaux qui ont rythmé la vie architecturale en France, de graves problèmes laissés trop longtemps en suspens ont resurgi presque au même moment. D'abord l'enseignement, c'est-à-dire l'explosion démographique dans les écoles d'architecture ainsi que les difficultés de l'insertion professionnelle liées à une formation axée davantage sur le pastiche des modernes ou des postmodernes que sur l'apprentissage approfondi de l'histoire des villes et de leur architecture ; ensuite la baisse très sensible de la construction. Par ailleurs, une sérieuse crise de confiance s'est prolongée entre les Français et l'architecture : s'ils découvrent et apprécient mieux qu'auparavant l'architecture de leur temps, les Français demeurent très éloignés de la culture architecturale et des débats qui agitent le milieu professionnel. Enfin, les architectes eux-mêmes subissent de plein fouet une crise latente qui concerne leur rôle social maintenant dévalorisé.
Journal de l'année Édition 1994
Architecture Terreur. Paradoxalement, l'événement le plus marquant de cette année en architecture aura été la violence froide avec laquelle des terroristes (dont on ignore encore l'identité et les motivations, même si les soupçons se portent sur la Mafia) se sont attaqués à ces joyaux du patrimoine italien que sont le musée des Offices, à Florence, et la magnifique église de Saint-Jean-de-Latran, construite au xviie siècle à Rome par Borromi. La « nouveauté » de cette terrible fureur réside dans la nature même des objectifs visés : des lieux d'art et de culte. Les terroristes se sont sciemment attaqués à ce qui fait lien entre les individus, la foi et l'universalité sacrée des œuvres d'art. Ainsi, dans leur rage de détruire, les artificiers iconoclastes (au sens premier du mot) auront fait « avancer » l'horreur de quelques pas.
Journal de l'année Édition 1995
Architecture Tandis que l'on republiait fort opportunément l'Histoire des vandalismes de Louis Réau (enrichie par un panorama des « massacres » architecturaux de ces 35 dernières années – collection « Bouquins », aux éditions Robert Laffont), 1994 faisait alterner le pire et, sinon le meilleur, du moins le nouveau.
Journal de l'année Édition 1996
Architecture L'année 1995 marque la fin d'un règne de quatorze ans profondément investi dans l'architecture. Tous les rendez-vous auront été tenus – à l'exception notoire du Centre de conférences internationales du quai Branly, abandonné au terme des études (Francis Soler, architecte) – jusqu'à celui de la Bibliothèque nationale de France, dont le bâtiment est livré en mars. Coquille vide, aussitôt inaugurée, le 30 mars, par le président Mitterrand, dont c'est le grand œuvre promis à la postérité.
Journal de l'année Édition 1997
Architecture En ces temps incertains, le « mouvement moderne » apparaît comme la valeur refuge d'une architecture en crise. Héritée du siècle, cette modernité référencée a désormais droit de cité. Intégrée à la ville et aujourd'hui parée d'un mérite patrimonial, elle apparaît parfois datée, bientôt archaïque. Cette « archéo-modernité » ne parvient cependant pas à triompher d'un courant high-tech un peu passé de mode, certes, mais porté par une innovation technologique qui redouble et se démultiplie tous azimuts. Si l'emphase techniciste n'est plus de mise, les références se déplacent aussi. Allégeance obligée, Le Corbusier est usé d'avoir beaucoup servi, son cadre de production dépassé et caduc. En revanche, l'ombre portée de Mies van der Rohe sur l'horizon du siècle n'a jamais été aussi grande et présente. Son œuvre concilie les canons de la modernité, la pensée technique et une irréductible volonté esthétique. La synthèse qu'il propose dépasse la question du style pour fondre rationalisme et sensibilité dans un art minimal, matériel et abstrait, actuel comme jamais.