De fait, les différences de présentation par rapport au budget de 1982 donnent à penser que les prélèvements obligatoires ne sont pas stabilisés et qu'ils passeront de 43,9 % à 44,5 % du PIB en 1983. De même, en imputant sur le budget de 1983 des postes qui figuraient dans la loi de finances pour 1982, on aboutit à un accroissement des dépenses publiques de l'ordre de 14 % à 15 %.

Ces querelles d'experts atténuent les orientations affichées par le gouvernement. Elles ne les éliminent pas. Comparés aux 27,6 % d'augmentation de l'année précédente, ces 15 % — si ce chiffre est juste — font encore bonne figure.

Inflation

La priorité des priorités est donc de cantonner l'inflation à 8 %. Elle s'exprime en trois dimensions.

En premier lieu, l'État entend prêcher par l'exemple. Dès juillet 1982, Laurent Fabius avait puisé une certaine inspiration dans les livres de la petite histoire pour annoncer que les ministres ne pourraient plus désormais se déplacer qu'en seconde classe sur les lignes aériennes.

Cette rigueur se manifeste plus sûrement dans le recrutement des agents de l'État. Treize mille postes nouveaux sont créés (pour l'essentiel dans l'enseignement, la gendarmerie et la police) contre 54 000 en 1981 et 71 000 en 1982. Les dépenses de fonctionnement des ministères sont gelées à leur niveau de 1982. Il en résultera une diminution de 8 % du train de vie des administrations.

Dérapage

En second lieu, le gouvernement annonce son intention de se donner les moyens de contrôler tout dérapage dans l'exécution du budget. Pour ce faire, 20 milliards sont bloqués dans un fonds de régulation budgétaire et ne seront débloqués que progressivement.

Enfin, la pause des réformes sociales annoncée à plusieurs reprises se concrétise. Un crédit supplémentaire de 7,5 milliards de F est certes ouvert pour la protection sociale. Mais il correspond à la prise en charge par l'État de l'allocation aux adultes handicapés annoncée à l'automne 1981. Pour le reste, le gouvernement compte beaucoup sur un équilibrage des comptes sociaux au moyen de mesures d'économie.

Dans cette perspective, le ministre du Budget s'interdit toute réforme fiscale en profondeur, craignant qu'elle n'aboutisse à des dérapages incontrôlables. Là encore, il s'agit d'une révision en baisse des idées réformatrices. Le 15 juillet 1982, lors de la table ronde des partenaires sociaux convoqués à l'hôtel Matignon pour examiner les mesures d'accompagnement de la dévaluation, le Premier ministre Pierre Mauroy avait annoncé pour le budget de 1983 des mesures fiscales de solidarité, destinées à « réduire les inégalités excessives de revenu et de patrimoine ».

Les seules manifestations de cette volonté sont, d'une part, la création — souhaitée par l'Élysée — d'une tranche d'imposition à 65 % pour les hauts revenus (541 000 F par an pour un ménage sans enfant) et, d'autre part, le maintien, sous des modalités différentes, de l'impôt chômage qui avait été décidé à titre exceptionnel pour 1982.

Il prend la forme d'une surtaxe de 7 % (au lieu de 10 %) appliquée sur la part de l'impôt sur le revenu supérieure à 28 000 F. L'opposition dénonce cette double mesure comme équivalent à la « quasi-création d'une tranche à 70 % ».

Parallèlement, d'autres mesures fiscales sont annoncées pour favoriser l'orientation de l'épargne vers l'industrie : crédit d'impôt de 20 % sur le compte d'épargne en actions, remplacement de l'avoir fiscal par un crédit d'impôt, suppression de l'impôt en bourse sur les achats d'obligations et augmentation (de 3 000 F à 5 000 F) de l'abattement sur les revenus des obligations.

Industrie

Cet aspect des mesures fiscales s'inscrit dans la deuxième priorité assignée à ce budget : moderniser l'appareil productif. Pour l'investissement aussi, l'État donne l'exemple. Les crédits d'équipement sont en augmentation de 22 %.

Cette ambition se concrétise par trois volets différents. Le premier concerne la recherche. Son budget civil progresse de 17,8 % (contre 14,1 % en 1982). L'objectif visé est toujours d'atteindre les 2,5 % du PIB en 1985. Trois grands axes sont développés : rattraper les retards de la France dans les secteurs porteurs (notamment la filière électronique et informatique), consolider l'avance dans certaines industries de pointe (l'aéronautique et l'espace) et défricher les nouveaux domaines (énergie solaire, biotechnologies, etc.).