Avec l'annulation de 13,4 milliards de F d'autorisations de programme et de 3,2 milliards de F de crédits de paiement, l'industrie aéronautique va voir disparaître de son carnet de commandes 16 missiles Crotale (fabriqués par Thomson-CSF), 25 Mirage 2000 (Dassault) et 42 Breguet Atlantic (Dassault également). Deuxième élément : la prochaine loi de programmation militaire (1984-1988) table sur une révision en baisse des besoins prévus ; plusieurs dizaines de milliards de F de commandes sont en jeu.

Cela dit, il ne faut pas dramatiser à l'excès. Les dépenses militaires mondiales ont atteint un tel niveau — dernier chiffre connu : plus de 650 milliards de dollars en 1981 (Journal de l'année 1981-82) — et se développent à un tel rythme (environ 5 % par an en valeur réelle) que l'industrie française de l'armement continuera longtemps de profiter de ses atouts spécifiques : le haut niveau technologique de ses entreprises (Dassault, Matra, Thomson-CSF, Aérospatiale), une position très forte dans des domaines comme les hélicoptères et les missiles, et une image de marque apolitique qui lui vaut les faveurs du tiers monde méfiant à l'égard des superpuissances.

Construction navale

Le creux de la vague

Un secteur en immersion continue, dans une crise dont les débuts ne datent pas d'hier et qui ne s'achèvera certainement pas demain. Pour les chantiers navals français, c'est le retour au plus creux du creux de la vague, avec une production 1982 en recul de 35 % sur 1981 (année gonflée, il est vrai, par un hasard dans le calendrier des livraisons).

En effet, côtés commandes, les constructeurs ne peuvent en décrocher assez pour éviter une baisse de leur carnet de 10 % en un an. 1983 s'annonce donc difficile, pour ce secteur qui ne travaillait déjà qu'à 60 % de ses capacités — avec des effectifs qui n'ont pas été réduits dans les mêmes proportions, et donc pèsent lourdement sur les coûts.

Accablement

Le tableau est encore plus accablant quand on considère les origines de la crise. C'est, en fait, depuis le premier choc pétrolier que l'abîme ne cesse de s'élargir entre les besoins du commerce maritime et le tonnage de la flotte mondiale. Par rapport à 1970, celle-ci s'est accrue de 85 %, alors que le commerce n'a augmenté que de 32 %, avec un fantastique coup de frein à partir de 1975, d'où l'effondrement des commandes mondiales : 73 millions de tjb (tonneaux de jauge brute) en 1973, année-record, 8,8 millions seulement en 1981. Et les études internationales ne prévoient pas de reprise avant 1985.

Ce ne sera pas pour autant le bout du tunnel. Durant toute cette période de crise, de nouveaux pays constructeurs ont développé des chantiers chez eux, tandis que les constructeurs traditionnels réduisaient leurs capacités (même les Japonais, de 30 %). Ces nouveaux — Pologne, Brésil et surtout Corée du Sud, numéro deux mondial depuis 1981 — se montrent extrêmement agressifs, notamment sur les prix. Une reprise des commandes risque fort de leur profiter d'abord et il y aura sans aucun doute une redistribution des cartes au niveau international.

Regroupement

Pour faire face à ces difficultés, les pouvoirs publics ont obtenu en 1982 le regroupement des chantiers de France-Dunkerque, CNIM et La Ciotat, d'une part, et d'Alsthom-Atlantique avec Dubigeon-Normandie, d'autre part. Mais, compte tenu de l'environnement et des prévisions, la naissance de ces structures plus importantes ne suffira pas, tant s'en faut pour recolorer l'avenir en rose.

Textiles

Un secteur de plus en plus fragile

Les trente glorieuses, qui se sont brisées, en 1974, sur le mur du quintuplement du prix du pétrole, ont été marquées par l'explosion des échanges internationaux. Traditionnellement centrées sur nos anciennes colonies, les exportations de l'industrie française du textile et de l'habillement se sont réorientées vers les pays du Marché commun. Mais, plus significatif encore que l'augmentation de nos ventes, le développement de nos achats à nos voisins puis, progressivement, aux pays en voie de développement, a été le phénomène marquant des trente dernières années. Tant que la croissance économique tirait notre économie, tout le monde était gagnant.

Importations

La caractéristique de ces dix dernières années, c'est que la pénétration des produits étrangers s'est poursuivie en l'absence de toute croissance significative de notre marché intérieur. Le résultat tient en deux chiffres. De 1970 à 1982, la production de notre industrie textile a baissé (de 5 % environ) alors qu'entre 1974 et 1982 la part des importations dans la consommation finale passait de 34 % à 52 %. L'industrie française a perdu son marché intérieur sans pour autant conquérir, comme ses homologues italienne et allemande, des parts significatives des marchés étrangers.