Le mouvement islamique s'en prend en effet délibérément aux structures officielles musulmanes, dont il dénonce la décadence. Ainsi en Algérie, pays où l'islam est religion d'État, où le gouvernement construit de nombreuses mosquées et rétribue les imams, les Frères musulmans défient de plus en plus ouvertement les autorités gouvernementales, organisant prières publiques et batailles rangées au cœur des villes, obligeant le gouvernement à déférer pour la première fois 23 militants islamiques devant la Cour de sûreté de l'État, en décembre.

Ces événements ne restent pas sans influence sur les musulmans présents un peu partout dans le monde, et notamment parmi les immigrés en France, au point qu'un quotidien parisien titre une enquête : « Les nouveaux immigrés... entre l'islam et la CGT ».

Israélites

L'été terrible de 1982 ! L'expression est du directeur d'une école juive de Paris évoquant, devant ses élèves, la mémoire de deux de leurs camarades, installés en Israël depuis peu, qui ont trouvé la mort sur le champ de bataille du Liban. Le judaïsme français s'est trouvé associé jusque dans sa chair aux événements dramatiques qui débutent le 6 juin 1982, quand les troupes israéliennes entrent au Liban pour en chasser l'OLP.

Hostilité

Mais cette guerre interpelle également la diaspora à d'autres niveaux. Elle éveille une hostilité grandissante de certains organes de presse. Cette exacerbation, alimentée par les violentes critiques du PC et des pays arabes, conduit à une remise en cause du bien-fondé de l'existence d'Israël et suscite des réactions antisémites. Les opinions critiques de certains courants de la diaspora sont récupérées, pour servir une propagande inconditionnellement hostile à Israël.

Si bien que, au-delà de la tendance naturelle au suivisme, c'est par nécessité que les juifs de France s'alignent dans leur grande majorité, par le truchement des dirigeants et organisations qui les représentent, sur les thèses du gouvernement israélien.

La France cependant prend au Liban des initiatives pour assurer l'évacuation de l'OLP encerclée dans Beyrouth. Pour les juifs, l'OLP est bien moins le représentant du peuple palestinien qu'une organisation terroriste, base privilégiée du terrorisme international dont la charte préconise la destruction d'Israël. Aussi bien l'attitude du gouvernement français ébranle-t-elle profondément la communauté juive de France.

L'audience accordée le 15 juillet par le président Mitterrand à Farouk Kaddoumi, chef de la diplomatie de l'OLP, dans le cadre de la visite d'une délégation de la Ligue arabe, trouble la plupart des juifs français. Ceux-ci avaient été profondément choqués du fait que le président de la République ne se soit pas clairement dissocié, en acceptant la référence à Oradour-sur-Glane, des accusations implicites d'un journaliste syrien comparant les soldats d'Israël aux nazis.

C'est dans ce climat pesant que des juifs de France — mais très peu de leurs dirigeants — font part de leur désarroi, au lendemain des massacres de Sabra et Chatila, alors que les camps palestiniens auraient dû être protégés par l'armée israélienne. C'est à ce moment surtout que ces courants minoritaires se déclarent inquiets de la finalité de l'offensive israélienne au Liban, qui, selon eux, ne prend pas suffisamment en considération les exigences morales.

Rue des Rosiers

Mais, si Sabra et Chatila constituent un traumatisme moral, l'attentat meurtrier quelques semaines plus tôt, en plein mois d'août 1982, dans le quartier juif de la rue des Rosiers à Paris, contre un restaurant juif, atteint les juifs de France dans leur personne physique. Le président de la République, les journalistes et particulièrement ceux de la télévision peuvent constater, en se rendant immédiatement sur place, le bouleversement de la communauté juive, qui s'exprime par de violentes critiques envers les médias et la politique de la France au Liban.

Les médias et la diplomatie française sont-ils vraiment, comme on les en a accusés, responsables d'un attentat antisémite, ou ce dernier relève-t-il du terrorisme international ? Ou bien encore le terrorisme international peut-il porter la mort grâce à l'appui trouvé auprès de nombreux groupuscules dont l'antisémitisme aurait été alimenté par la partialité des médias et surtout l'appui du gouvernement à l'OLP ?