Sciences

Prix Nobel

Physique

Les travaux récompensés concernent « les phénomènes critiques lors des transitions de phase ». Divers changements d'état de la matière ne sont pas graduels : ils apparaissent de façon discontinue quand un paramètre tel que la température atteint une valeur critique. Tels sont l'ébullition d'un liquide, la transition ordre/désordre des alliages métalliques, le passage de l'état ferromagnétique à l'état paramagnétique dans des métaux tels que le fer, le nickel, le cobalt. L'approche de la transition de phase déclenche des fluctuations de grande amplitude, longtemps demeurées inexplicables, des propriétés de la matière. Ainsi, au voisinage du point de Curie, qui marque le passage de l'état ferromagnétique à l'état paramagnétique, un tout petit champ magnétique suffit à induire une forte aimantation. Vers les années 60, on découvrit l'universalité de ce comportement critique : des systèmes très différents, avec des températures de transition dissemblables, se comportent de manière identique. Kenneth Wilson a appliqué à l'étude de ce phénomène une méthode récemment élaborée en physique des particules, le groupe de renormalisation, grâce auquel on élimine des quantités infinies surgies dans les calculs et dénuées de signification physique. On obtient ce résultat en modifiant progressivement certains paramètres pour leur donner des valeurs telles que leur rôle devient négligeable dans la description du phénomène. Généralisée par Wilson, la méthode consiste à attribuer successivement des échelles de longueurs différentes aux paramètres qui caractérisent les fluctuations critiques. On divise alors les calculs en partant d'une échelle microscopique et en résolvant itérativement les problèmes suivant la variation d'échelle. Les détails microscopiques des interactions s'éliminent, et l'on retrouve le phénomène macroscopique. L'outil mathématique ainsi créé peut être considéré comme décrivant un espace fictif à plus de trois dimensions. Outre les phénomènes critiques, dont il donne une bonne compréhension, il trouve des applications dans d'autres domaines, y compris la physique des particules. Il pourrait apporter une contribution décisive à l'étude (encore très incomplète) des turbulences hydrodynamiques.

Kenneth G. Wilson

Américain. Né le 28 juin 1936 à Waltham (Massachusetts). Études supérieures à l'université Harvard. Doctorat à l'Institut de technologie de Californie (1961). Long séjour au CERN (Genève). Professeur à l'université de Cornell depuis 1971. Connu pour son indépendance à l'égard de toute compétition universitaire et des querelles de priorité, il a su rester plusieurs années sans rien publier, mettant au point des travaux qui marquent désormais fortement la physique théorique. Il est souvent venu en France, où il a enseigné dans les écoles d'été des Houches et de Cargèse.

Chimie

Le choix du lauréat montre à quel point les frontières traditionnelles des disciplines scientifiques sont aujourd'hui transgressées. Aaron Klug est, à l'origine, un spécialiste de la physique des solides et un cristallographe ; l'une des séries de travaux que l'Académie suédoise a voulu récompenser concerne les développements qu'il a donnés à la microscopie électronique. Mais, associant à cette dernière les techniques de prise d'images par diffraction de rayons X, les mesures physico-chimiques et la création de modèles mathématiques, Klug s'est attaqué aux problèmes de la morphogenèse des virus sphériques, icosaédriques (polyèdres à 20 côtés) ou hélicoïdaux (comme le virus de la mosaïque du tabac, qui fut le premier à être cristallisé, en 1935). Il s'agit de déterminer aussi bien les mécanismes qui aboutissent à l'architecture géométrique de la coque protéique du virus que ceux qui assurent le repliement de l'acide nucléique viral à l'intérieur de la coque. Les notions ainsi acquises dans l'étude des virus à ARN (acide ribonucléique) ont conduit à déterminer, par des méthodes cristallographiques, la structure d'un ARN particulier, l'ARN de transfert, qui joue un rôle important dans la transmission du message génétique à l'intérieur des cellules eucaryotes (cellules à noyau). Plus récemment, Klug s'est intéressé à la structure du filament d'ADN des chromosomes. Dans la cellule vivante, ce filament (long de près d'un mètre dans le génome humain) s'enroule autour de protéines spécifiques (les histones) pour former des sous-unités répétitives, de forme presque sphérique. Klug a réussi à cristalliser ces sous-unités et il a montré qu'elles s'organisent en édifices plus complexes, dont il a analysé la structure. Une des conséquences de ces travaux a été la détermination du pas de la double hélice de l'ADN à l'intérieur de la cellule vivante.

Aaron Klug

Britannique. Né le 11 août 1926 en Lituanie, émigre très jeune avec sa famille en Afrique du Sud. Études à Johannesburg et au Cap, puis à Cambridge (Grande-Bretagne), où il soutient en 1952 une thèse de doctorat sur la physique des solides. En 1958, après la mort de la biologiste Rosalind Franklin, spécialiste de l'étude des virus, prend la direction du groupe qui s'était constitué autour d'elle à Londres. En 1962, s'installe avec son groupe au laboratoire de biologie moléculaire de Cambridge. Depuis 1978, dirige la division des études structurales de ce laboratoire. Docteur honoris causa de plusieurs universités, dont celle de Strasbourg.

Économie

En dehors de son œuvre d'historien des doctrines économiques, le lauréat s'est surtout fait connaître par ses travaux sur la production et les coûts, le rôle de l'information dans l'évolution des marchés et la défense des mécanismes concurrentiels. Dans cette perspective, il a critiqué les effets de certaines réglementations étatiques, notamment dans la fixation des prix et la lutte contre les monopoles. Il a ainsi montré qu'aux États-Unis le mode de fixation du prix de l'électricité favorise les très grosses entreprises au détriment des particuliers. Plus généralement, il a mis en lumière le fait que des réglementations présentées comme devant protéger les consommateurs sont en réalité conçues à l'avantage des groupes de producteurs. En ce qui concerne la lutte contre les monopoles, Stigler recommande une action modérée, juste dans les limites nécessaires pour assurer le maintien de la concurrence. Un des aspects les plus originaux de son œuvre de théoricien consiste dans la mise en évidence du rôle de l'information dans la fixation et l'évolution des prix. Selon un schéma traditionnel, les mécanismes du marché devraient aboutir à ce qu'une même marchandise soit vendue partout au même prix, frais de transport mis à part. Or, dans la réalité, on constate des variations de prix. D'après Stigler, un modèle capable de rendre compte de ce phénomène doit intégrer non seulement les frais habituels de production et de transport, mais aussi les frais de recherche et de diffusion de l'information sur les marchandises.

George Stigler

Américain. Né le 17 janvier 1911 à Renton (État de Washington). Docteur de l'université de Chicago (1938). Enseigne successivement aux universités de l'Iowa, du Minnesota, Brown (Rhode Island), Columbia. Depuis 1958, enseigne l'économie à l'université de Chicago. Depuis 1973, publie le Journal de l'économie politique. En 1974, est élu président de l'Association américaine d'économie. Son ouvrage Théorie des prix a été publié en France (Dunod, 1972).

Médecine et physiologie

Il y a une cinquantaine d'années, deux gynécologues new-yorkais remarquaient que l'application de sperme sur des coupes d'utérus déclenchait de fortes contractions musculaires. En 1934, le Suédois Ulf von Euler (prix Nobel 1929) isole à partir du liquide spermatique un lipide qui agit fortement sur les muscles lisses. Le supposant sécrété par la prostate, et en raison de l'analogie de son action avec celle des hormones sécrétées par les glandes endocrines, il le nomme prostaglandine.