Quand il arrive à la présidence de TF1, Michel May sait qu'il devra affronter des problèmes délicats de gestion : le mot d'ordre est, ici aussi, à l'économie. Et pourtant la chaîne doit faire de nouveaux efforts pour retrouver son audience d'antan. Les changements mis en place par l'ancien directeur des programmes André Harris (remplacé par Jean Lallier) ont en leur temps suscité plus de mécontentement que de satisfaction (après-midi du samedi, Droit de réponse). TF1 retrouvera donc ses feuilletons à la carte de naguère, et la célèbre série américaine Dallas, qui passionne chaque semaine près de 20 millions de téléspectateurs, prend désormais la place de Droit de réponse qui, sans disparaître, est reporté à 21 h 35.

Ce ne sont certes là que des réformes de détail — l'organigramme de la chaîne a été entièrement refondu en unités —, mais ces changements de première heure sont significatifs d'une volonté de retrouver un public populaire. Du côté de l'information, Jean-Pierre Guérin est confirmé dans ses fonctions de directeur.

Projets nouveaux

Désormais dirigée par André Holleaux, FR3 est peut-être la chaîne qui a le plus innové ces derniers mois, quitte à revenir de temps en temps sur ses intuitions, avec l'expérience. Serge Moati accueille volontiers les projets nouveaux et n'hésite pas à bousculer les habitudes : Cinéma sans visa, qui fait découvrir la production cinématographique des pays du tiers monde, Musiclub, Prélude à la nuit, La dernière séance sont des succès. Et, renouant avec l'ancienne tradition des Shadoks, minute de rire et de burlesque à 20 h 30, avec La minute nécessaire de M. Cyclopède, Pierre Desproges donne chaque soir libre cours à sa verve insolente et iconoclaste.

Mais, si les émissions sont le souci constant des responsables, FR3 se prépare néanmoins à une transformation de première grandeur : dans le cadre de la décentralisation prévue par la loi, douze sociétés de télévision doivent voir le jour dans les années qui viennent. Le président de FR3 annonce pour 1983 la naissance des trois premières d'entre elles. Elles seront autonomes autant sur le plan du budget que sur celui de la programmation. Un grand pas s'accomplit ainsi dans le sens d'une démocratisation réelle des moyens de communication audiovisuelle. On sait en effet que les prochaines années vont être le terrain d'une multiplication intense et rapide de ce secteur, et la France entend tenir sa place dans la compétition. Par ondes hertziennes, par satellite ou par câble.

Officielle enfin, la création d'une 4e chaîne, dont le contenu serait essentiellement culturel : démarrage prévu fin 1983. Et le ministre de la Communication de laisser entendre qu'il est possible que, par la suite, une 5e chaîne, financée par la publicité, voie le jour dans les années qui viennent.

L'argent demeure le nerf de la guerre : pour financer ses aménagements, FR3, jusque-là épargnée par la publicité de marques, doit se résigner à frapper à la porte de la Régie française de publicité. Le 1er janvier 1983, FR3 ouvrira sa lucarne à la manne publicitaire, sous l'œil blasé des téléspectateurs. Depuis 1969, année où la publicité fut prudemment introduite à la télévision française, ceux-ci ont eu le temps de s'habituer : ils ont même pu parfois se laisser séduire et amuser par ces messages rapides et concrets, et même y déceler quelquefois une pincée d'humour et un zeste de talent.

Radio

La bande des quatre face aux radios privées

Branle-bas de combat sur les grandes ondes ! Celles que l'on considérait jusque-là comme des négligeables hors-la-loi, de chroniques poussées d'acné, gadgets à la mode ou pâles imitations, en un mot les radios privées locales (ex-radios libres) accostent, au bout d'une année et demie de tolérance, sur les sacro-saints sondages d'audience, grignotant sur les bords l'écoute des quatre grandes stations, France-Inter, RTL, Europe 1 et Radio-Monte-Carlo.

On a appréhendé le phénomène dans les couloirs des grandes, et reculé sans cesse l'échéance, en ironisant sur ces petites sœurs sans moyens ni programmes. On a eu beau jeu, comme à France-Inter, d'engager des animateurs issus de l'une d'elles ou, comme sur Europe 1, de créer le soir une émission intitulée Radio libre à..., pour attirer le public de la modulation de fréquence avec des débats sur des sujets variés (Brassens, la Pologne, l'homosexualité...) dans le langage assorti, l'existence de ces antennes de portée réduite entre néanmoins petit à petit dans la vie quotidienne des Français.