Première conséquence, le rock and roll, s'il a gagné en audience, voire en respectabilité, a beaucoup perdu en dynamisme en énergie pure, soutien d'une révolte qui ne s'exprime plus, désormais, à travers lui. Contentons-nous d'observer, amusés ou énervés, les effets de la deuxième conséquence : son incroyable influence sur le paysage de la rue.

Naguère, les jeunes imitaient les stars du cinéma. Les rockers eux-mêmes s'en sont inspirés, avant de trouver leur propre identité. Ainsi Elvis Presley imitait-il son aîné, James Dean, mort un an avant son premier grand succès. Désormais, il faut se contenter des resucées de Kids from Fame, rockers à la mie de pain qui ne connaissent souvent de cette musique que le dernier tube de Téléphone. Un style américain, pseudo-années cinquante s'est répandu, sans autre référence à cette période somme toute assez triste.

Reflet

Le son, la plupart du temps, n'a pas suivi l'image. Rares sont les groupes qui font du rock rétro. La tendance est au moderne, aussi bien dans l'usage d'instruments technologiquement très évolués que dans les textes, qui démontrent une conscience aiguë des problèmes du monde d'aujourd'hui. Peu à peu, une folk music de l'âge électronique, vivant reflet du décor urbain qui la voit naître, prend place dans notre vie. Et bénéficie, pour se répandre, d'un arsenal de médias de plus en plus sophistiqués. Avec l'avènement prochain du vidéo-disque, le rock va prendre une dimension visuelle fascinante et bénéficier de la dynamique de la concurrence entre groupes ou entre producteurs.

Pour le moment, et pour de longues années encore, il a besoin du concert, de cet espace de bruit et de folie collective, pour toucher véritablement son public.

En Suisse, chaque année au mois de juillet, le festival de Montreux présente un programme éclectique mais moderne, qui va du rock le plus dur au jazz le plus éthéré. Évidemment, les spectateurs ne sont pas les mêmes au fil des soirées. Mais, avec un peu de curiosité, il est possible de faire en trois semaines environ le tour de ce que la musique rythmée a de meilleur à offrir. Cette année ne fait pas exception, puisque les soirées consacrées au rock présentent des talents aussi différents que Mink de Ville, Talking Heads, Jackson Browne et Rickie Lee Jones ; à l'affiche du blues, un jeune guitariste texan, Steve Ray Vaughan, plonge les puristes dans l'embarras. Ce qu'ils auraient sans doute accepté d'un musicien noir, ils ne peuvent le supporter d'un Blanc et réagissent mal. Pourtant, le musicien texan fut l'une des rares révélations authentiques d'une année fertile en redondances.

À Reading (Grande-Bretagne), au mois d'août, le problème ne se pose pas dans les mêmes termes, puisque la plupart des groupes appartiennent à un genre identique, voire monolithique : le heavy metal, très dur, très bruyant, très macho, mais qui compte — faut-il s'en inquiéter ? — des fanatiques de plus en plus nombreux. Encore est-il difficile de savoir qui, parmi leur public, est inconditionnel du hard rock et qui s'est juste déguisé pour la circonstance. Quitte à aller un peu plus tard assister aux concerts, plus calmes, plus raffinés, plus audibles aussi, de Roxy Music (Paris en septembre), King Crimson, valeureux cheval de retour, catégorie rock symphonique (septembre), Neil Young, dernier vrai survivant de la saga californienne (septembre), ou Phil Collins, dissident de Genesis et grand faiseur de tubes en puissance (novembre).

Circuits commerciaux

Ces dinosaures qui remplissent n'importe quelle salle de 10 000 places sont aussi l'un des problèmes du rock d'aujourd'hui. Leur infrastructure financière oblige leurs maisons de disques à miser gros sur eux. Ils ne sont rentables qu'à condition de vendre des millions de disques, c'est-à-dire plaire au plus grand nombre. Au détriment de l'inspiration, de l'énergie brute, du choc de l'image, du renouvellement. Et, de leur côté, les petites formations pleines de génie inventif ne trouvent guère de circuits commerciaux qui acceptent de prendre des risques. À elles le Palace, le Bataclan et les tournées marathons à travers la France. Mais, pour le public, il peut aussi être plus enthousiasmant de passer une soirée avec le Gun Club, les Inmates ou la Souris déglinguée que de s'entasser dans un hippodrome pour tenter d'apercevoir une superstar réduite à la dimension d'une tête d'épingle.

Cinéma

Des réussites dans une production de grande consommation

Toujours plus... Dans la course aux records qui, cet automne, sont tombés comme des feuilles, on se demande s'il convient toujours de parler de cinéma ou si le 7e art, désormais, doit s'apprendre dans les écoles de marketing... Toujours plus, avec un cocorico national, L'as des as, le nouveau film de Gérard Oury, a battu, la première semaine, tous les records d'entrées en exclusivité parisienne. Et, ça ne s'était jamais vu, a atteint le million de spectateurs en cinq semaines. Ah, les Américains n'avaient qu'à bien se tenir... D'ailleurs, ET, la petite pomme de terre blette venue du ciel... et de la formidable machine à faire du rêve et des dollars de Spielberg, faisait moins bien. Non ! L'extra-terrestre, au bout de quinze jours, a dépassé Bébel de quelques micro-ondes. Combat au finish.