L'année 2004 sera dédiée à la Chine.
Mais c'est le xxie siècle tout entier qui devrait consacrer la montée en puissance de la Chine, acteur désormais majeur de la scène internationale dont elle s'applique à observer les règles du jeu.

L'irrésistible ascension de la Chine

Gari Ulubeyan
Journaliste indépendant

Signe de l'intégration dans un monde globalisé, l'entrée dans l'OMC en automne 2001 a donné à la direction communiste, en place à Pékin depuis mars 2003, les moyens de concrétiser les ambitions nationales, en faisant preuve d'une certaine modération, notamment lors de la crise irakienne. Dotée de tous les attributs d'une grande puissance économique, diplomatique, militaire et aussi spatiale, depuis le vol habité du 15 octobre, la Chine poursuit son ascension, guidée par un pragmatisme placé au service d'un nationalisme qui transcende les idéologies.

Le défi de la mondialisation

Une puissance qui devrait marquer profondément le cours du xxie siècle.
Les jeux Olympiques de 2008 à Pékin : une grande victoire nationale.

Le xxe siècle finissant avait renvoyé l'écho insistant d'annonces prophétiques prédisant, souvent sur le ton de Cassandre, un destin de superpuissance à la Chine, dont l'éveil ferait trembler le monde, pour reprendre le titre d'un ouvrage français célèbre publié dans les années 1970, alors que ce pays pauvre mais à l'immense potentiel, ne serait-ce que par le poids démographique, était encore emprisonné dans le carcan du dogme maoïste. Un quart de siècle après la mort de Mao Zedong, dont les héritiers ont préservé la figure iconique et la conception pyramidale d'un pouvoir monopolisé par le Parti communiste tout en en sapant les fondations idéologiques, la Chine, de puissance virtuelle, est devenue une puissance capable de rivaliser avec les plus grands, et qui devrait, de l'avis de tous, marquer profondément le cours du xxe siècle.

Après une période de latence, qu'elle a mise à profit pour liquider les séquelles de la Révolution culturelle sous l'impulsion de Deng Xiaoping, inspirateur de ce grand bond en avant qui propulsera le pays dans l'ère de l'économie de marché, au prix d'un grand écart idéologique avec les principes de Mao, la Chine a relevé avec succès le défi de la mondialisation, en entrant dans l'Organisation mondiale du commerce (OMC) à l'automne 2001. Obtenue au terme d'un laborieux processus de quatorze ans, l'entrée dans le temple du libre-échange illustrait l'intégration de la Chine dans un monde globalisé sous l'effet de la circulation toujours plus dense des produits comme des idées, dont elle acceptait les règles du jeu, en espérant les mettre au service de ses ambitions nationales. L'adhésion à l'OMC aura surtout un impact symbolique, certes considérable, la Chine ayant déjà déployé un certain nombre d'efforts pour s'adapter à ses exigences. Au-delà pourtant, cette adhésion la plaçait devant ses responsabilités nouvelles, et plus contraignantes, de grande puissance reconnue comme telle par la communauté internationale, qui en attend plus de coopération. Mais pour la Chine, elle constitue avant tout le moyen de participer plus activement à une compétition mondiale dans laquelle elle s'est déjà largement investie, et dont les jeux Olympiques de 2008 à Pékin se présentent comme la métaphore sportive, et aussi économique, eu égard aux retombées considérables, en devises comme en termes d'image, d'un événement glorifié déjà comme une grande victoire nationale.

Changement de ton dans la continuité

De l'émulation socialiste qui avait galvanisé la première génération de Chinois bercés par les enseignements du Petit Livre rouge, la Chine est ainsi passée, sans états d'âme, à une concurrence capitaliste dont le XVIe congrès du PCC, en novembre 2002, avait adapté les règles aux réalités politiques particulières du pays. Principal artisan de la transition vers l'économie de marché, le timonier Jiang Zemin avait alors fait prendre au PC un tournant historique en l'ouvrant aux entrepreneurs privés et en intégrant ainsi le fait capitaliste à son idéologie, avant de passer la barre à une nouvelle équipe dirigeante. Hu Jintao, investi à la tête du régime le 15 mars, et le nouveau Premier ministre Wen Jiabao, élu quelques jours avant à la succession de Zhu Rongji par l'Assemblée nationale, devront maintenir prudemment le cap fixé par Jiang Zemin. En sa qualité de chef des armées, ce dernier se pose comme le garant de l'héritage idéologique qu'il a légué au parti, en l'espèce du concept des « trois représentativités » – le PCC doit représenter les forces productives les plus avancées, la culture la plus avancée et les intérêts des larges masses –, et veille à ce que son successeur, auprès duquel il a nommé son protégé, Zeng Qinghong, au poste de vice-président, ne brusque pas le cours de réformes. Si une nouvelle génération s'est installée aux commandes du régime, censée exercer une direction plus moderne et plus conforme aux aspirations des Chinois, sa marge de manœuvre reste donc limitée et il ne faudra guère en attendre des initiatives spectaculaires à court terme. Mais sous l'effet conjugué de la dynamique interne des réformes et d'une conjoncture internationale marquée par la solidarité avec les États-Unis dans la guerre contre le terrorisme, un changement de ton est perceptible à Pékin. L'actualité, nationale et internationale, était pourtant riche en événements qui constituent autant d'épreuves pour le nouveau timonier et son équipe, depuis la guerre en Irak jusqu'aux manifestations de Hongkong en passant par l'épidémie de Sras (syndrome respiratoire aigu sévère), sans oublier la lancinante question de Taïwan.

Efforts de transparence

Après le scandale, en 2001, du trafic de sang contaminé qui a propagé le sida dans le Shanxi, la politique de santé chinoise a été encore mise en cause en février, avec l'apparition du Sras dans le Guangdong, le Shanxi et à Hongkong. Si à Hongkong des mesures drastiques sont prises pour enrayer cette pneumopathie atypique sans remède connu, Pékin ne s'attaque à l'épidémie qu'à partir du 13 avril, alors qu'elle a déjà tué au moins 70 personnes sur les 1 500 contaminées. Comme toute l'Asie, Pékin vit dans la psychose de l'épidémie, qui paralyse l'économie. Sous le feu des critiques, le régime renonce aux vieilles habitudes de rétention de l'information pour éradiquer le fléau, en concertation avec l'OMS. Quand, le 25 avril, une délégation française conduite par M. Raffarin visite Pékin, la guerre bat son plein contre une épidémie que l'OMS déclare maîtrisée en juillet. L'effort de transparence dans la divulgation des chiffres des malades du Sras s'est exprimé aussi dans le domaine militaire. Ainsi le 2 mai, l'armée a annoncé le naufrage d'un sous-marin avec 70 marins à son bord dans le nord de la mer de Chine.

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