Journal de l'année Édition 2004 2004Éd. 2004

George Bush à la recherche de la paix au Proche-Orient

Sitôt finie la guerre en Irak, G.W. Bush s'est attaché à relancer le processus de paix au Proche-Orient, dossier qu'il avait pourtant négligé depuis son investiture à la Maison-Blanche.

Le processus de paix au Proche-Orient a rattrapé George W. Bush qui, depuis son arrivée à la Maison-Blanche, en janvier 2001, avait pris soin de se tenir à l'écart de ce dossier comme des grands sujets de politique étrangère dont il prétendait pouvoir s'exonérer, en orientant les États-Unis sur la voie d'un protectionnisme qui les aurait mis à l'abri du tumulte du monde, tout en leur permettant de continuer à en assumer le leadership économique. Mais le repli sur soi n'était plus de mise alors que le monde se rappelait violemment aux États-Unis avec les attentats du 11 septembre 2001, qui ont contraint le président américain à changer son fusil d'épaule et à accorder la priorité à une politique étrangère qui s'apparente à celle de la canonnière, au service de la sécurité du pays menacée par le terrorisme international.

Remodeler les Proche-Orient

Si G.W. Bush a pris soin d'écarter tout lien de causalité entre le conflit israélo-palestinien et le terrorisme islamiste qui s'en nourrirait et souvent s'en réclame en dénonçant la collusion entre les États-Unis et Israël, il a dû se pencher sur le dossier explosif du Proche-Orient autrement qu'en manifestant sa solidarité à l'égard d'Ariel Sharon, le Premier ministre israélien qui parvenait au pouvoir en même temps que lui, sur fond d'une seconde Intifada ruinant toute perspective de dialogue entre Israéliens et Palestiniens. Cette intervention devenait d'autant plus impérieuse que, après avoir fait victorieusement la « guerre contre le terrorisme » en Afghanistan puis en Irak, les États-Unis manifestaient une indifférence persistante face à ce dossier et que les soupçons insistants de partialité en faveur de l'État hébreu risquaient d'exacerber l'hostilité du monde musulman à l'endroit des Américains et de ruiner ainsi les acquis des victoires militaires de Washington, qui ne cache pas ses intentions de remodeler le Proche-Orient en y insufflant les germes de la démocratie au mieux de ses intérêts pétroliers. Le 26 février, en pleins préparatifs de guerre contre l'Irak, G.W. Bush avait souligné la nécessité de renverser le régime de Saddam Hussein pour le remplacer par un pouvoir démocratique dont les bienfaits rejailliraient sur tout le Proche-Orient, à commencer par le conflit israélo-palestinien. La chute de Saddam Hussein, le 10 avril, allait donner les coudées franches au président américain pour mettre à exécution ce plan ambitieux, servi par la « feuille de route » conçue et adoptée, le 17 septembre 2002, par le « Quartet » réunissant les États-Unis, la Russie, l'UE et l'ONU. Ce plan par étapes devant conduire d'ici à 2005 à la création d'un État palestinien, postulat à partir duquel devront se régler les contentieux avec l'État hébreu, était rendu public le 30 avril, une semaine après que l'Autorité palestinienne a surmonté ses dissensions internes pour nommer Premier ministre Mahmoud Abbas – ou Abou Mazen –, un modéré ayant les faveurs de l'État hébreu et de la Maison-Blanche, qui estiment que Yasser Arafat s'est disqualifié en échouant à mettre un terme aux attentats. Si les responsables palestiniens ont accepté immédiatement la feuille de route, Ariel Sharon ne s'y résignera que le 25 mai, en assortissant son application de 14 réserves. Entre-temps, le 22 mai, les États-Unis ont fait voter par l'ONU la résolution avalisant leur présence en Irak et leur permettant d'y gérer, seuls ou presque, l'après-guerre. C'est donc en position de force que G.W. Bush a opéré son grand retour dans le dossier du Proche-Orient, prenant en charge une feuille de route qu'il prétend piloter seul, avec d'autant plus d'assurance que les Américains peuvent, plus que leurs partenaires du Quartet, se prévaloir du respect des Israéliens et des Palestiniens, incapables de régler seuls leurs différends.

Sur les traces de Bill Clinton

Après trente-deux mois d'une Intifada qui a fait plus de 3 000 morts et continue à tuer chaque jour des Palestiniens et des Israéliens, le président Bush peut se permettre de marcher sur les traces de son père et de Bill Clinton, qu'il avait d'abord évité de suivre, pour relancer une négociation de paix depuis trop longtemps dans l'impasse. Dans la foulée d'une tournée qui l'a conduit du 30 mai au 2 juin en Pologne, en Russie et à Évian pour le sommet du G8, G.W. Bush se rend le 3 juin à Charm el-Cheikh en Égypte pour faire cautionner la « feuille de route », certes avec des réserves, par quatre dirigeants arabes, le président égyptien Hosni Moubarak, le prince Abdallah d'Arabie saoudite, le roi de Jordanie Abdallah II, l'émir du Bahreïn Hamad ben Issa Al-Khalifa, président de la Ligue arabe qui avait pourtant appuyé en mars 2002 le plan de paix saoudien prévoyant la reconnaissance d'Israël en échange d'un retour aux frontières de 1967, mis au rancart en raison du rejet catégorique d'Israël. Ce soutien, même mesuré, constituait un préalable nécessaire à la rencontre qu'il aura le lendemain à Aqaba en Jordanie avec Ariel Sharon et Mahmoud Abbas, auprès desquels il s'est engagé à faire aboutir la feuille de route, désignée comme « la plus haute priorité » du secrétaire d'État Colin Powell et de sa conseillère pour la sécurité Condoleezza Rice, une promesse assortie de mesures concrètes, comme l'envoi sur place d'un envoyé spécial, John Wolf, et d'une équipe de la CIA et du Département d'État. De leur côté, les Premiers ministres israélien et palestinien sont invités à donner des signes de leur bonne volonté, le démantèlement des points de colonisation pour l'un, l'arrêt de la violence et des attentats pour l'autre. Mais ces tests se heurtent aux radicaux des deux camps, qui se livrent à une surenchère telle que les États-Unis devront hausser le ton et auront d'autant plus de mal, peut-être, à se faire entendre qu'ils ont fait cavalier seul dans ce dossier, en marginalisant les Européens, les Russes et l'ONU, leurs partenaires du Quartet, réunis lors d'un sommet de pure forme le 22 juin à Chouneh, en Jordanie.