L'observation de la Terre est devenue l'un des champs d'application privilégiés des satellites. Des dizaines d'engins spatiaux scrutent désormais en permanence l'atmosphère ou la surface de notre planète à des échelles variées.

Les satellites d'observation de la Terre

Philippe de La Cotardière
Écrivain et journaliste scientifique

Ces satellites couvrent les besoins de la météorologie, de la climatologie, de l'océanographie, de la cartographie, de l'agriculture, de l'aménagement du territoire, de la gestion des ressources naturelles, du renseignement militaire, etc. Dans le seul domaine civil, ils sont une soixantaine, et cette famille s'est enrichie en 2002 de trois satellites européens : Envisat (surveillance de l'environnement), Spot 5 (télédétection) et MSG1 (météorologie).

Météorologie

Les satellites géostationnaires orbitent à quelque 36 000 km d'altitude.
Le programme Météosat est financé par l'organisation Eumetsat.

Avec les télécommunications, la météorologie a été l'une des toutes premières applications des satellites, qui se sont rapidement révélés des outils irremplaçables pour suivre le déplacement et l'évolution des systèmes nuageux. Dès 1960, les États-Unis lancèrent le premier satellite météorologique, TIROS 1 (Television and InfraRed Observation Satellite). Placé en orbite à 700 km d'altitude, cet engin de 120 kg fonctionna pendant 78 jours et transmit près de 25 000 vues de la surface terrestre prises par ses deux caméras de télévision. Chaque image couvrait environ 1 000 km2 et montrait des détails de l'ordre du kilomètre.

Les satellites météorologiques se répartissent en deux catégories : des satellites géostationnaires, qui conservent une position pratiquement fixe par rapport à la Terre, dans le plan de l'équateur, à quelque 36 000 km d'altitude, permettant l'observation continue d'une région très étendue, mais toujours la même ; et des satellites à défilement, généralement placés en orbite quasi polaire, héliosynchrone (c'est-à-dire dont le plan conserve toujours la même orientation par rapport à la direction Terre-Soleil), entre 600 et 900 km d'altitude, qui survolent de manière répétitive l'ensemble du globe en repassant toujours à la même heure solaire au-dessus d'une région donnée.

Les satellites météorologiques géostationnaires ont pour mission principale la surveillance des phénomènes à développement rapide (orages, cyclones, nappes de brouillard) et la mesure de leurs déplacements. Ils permettent notamment d'alerter désormais suffisamment à l'avance les populations menacées par le passage d'un cyclone. Ils fournissent également la seule base de données disponible pour l'étude du rôle de la couverture nuageuse à l'échelle mondiale. Ils ont enfin une mission accessoire de collecte de données émanant de plates-formes de mesures situées dans des zones d'accès difficile. Depuis les années 1980 a été mis en place un système de veille météorologique mondiale composé de cinq satellites géostationnaires répartis autour du Globe : deux GOES (États-Unis), un Météosat (Europe), un GMS (Japon) et un Insat (Inde).

Engagé dès les années 1970 par l'Agence spatiale européenne (ESA), le programme Météosat est, depuis 1987, financé et administré par l'organisation intergouvernementale Eumetsat, mais l'ESA continue de superviser la construction des satellites, lancés par des fusées Ariane. Trois satellites préopérationnels ont été mis en orbite, de 1977 à 1988, suivis de quatre satellites opérationnels, de 1989 à 1997. Leur relève doit être progressivement assurée par des satellites Météosat de seconde génération (MSG, 3 prévus). Le premier représentant de cette nouvelle génération de Météosat, MSG1, a été lancé avec succès le 27 août 2002 ; positionné à 0° de longitude en 2003, il prendra la relève de Météosat 7 pour couvrir l'Europe, l'Afrique, l'océan Atlantique et l'océan Indien, avec une durée de vie espérée de sept ans.

Avec ses satellites Insat, l'Inde dispose depuis 1982 de satellites destinés à la fois aux télécommunications et à la surveillance météorologique. Le 12 septembre 2002, elle a mis en orbite son premier satellite géostationnaire ayant une mission exclusivement météorologique, Metsat 1 ; celui-ci doit remplacer le satellite Insat 1D en poste à 74° de longitude est depuis 1990. Complémentaires de leurs homologues géostationnaires, les satellites météorologiques en orbite polaire ont pour mission de fournir les données quantitatives nécessaires à la compréhension de la dynamique de l'atmosphère et de l'océan superficiel. Ils sont équipés de radiomètres opérant dans l'infrarouge ou les hyperfréquences pour reconstituer la distribution de température et d'humidité dans l'épaisseur de l'atmosphère. Ils disposent également de radiomètres imageurs permettant de déterminer la température superficielle des océans, l'étendue des glaces de mer, etc. Depuis 1969, la Russie dispose, avec ses satellites polaires Meteor, d'un réseau opérationnel de météorologie spatiale bien adapté à l'étendue de son territoire. L'Europe, quant à elle, développe le programme Metop, qui comprendra trois satellites, lancés à quatre ans d'intervalle à partir de 2005 et placés en orbite polaire à basse altitude pour favoriser les prévisions météorologiques à moyen et long termes.

Télédétection

Dès les années 1960, la surface terrestre a commencé à faire l'objet d'observations depuis l'espace à bord des premiers vaisseaux pilotés, notamment lors des vols américains Mercury et Gemini. L'intérêt des images satellitaires a été établi pour de nombreuses applications : cartographie, aménagement du territoire, étude du couvert végétal ou neigeux, inventaire des cultures et des forêts, suivi de la croissance urbaine, exploration minière ou pétrolière, surveillance de la pollution marine, hydrologie... On a mis en évidence l'utilité de la technique d'imagerie multibande, qui consiste à prendre des vues d'une région donnée simultanément dans plusieurs gammes de longueurs d'onde, chacune faisant ressortir certains traits particuliers de la zone observée.

L'imagerie optique et infrarouge

Le lancement du satellite américain Landsat 1, le 23 juillet 1972, a marqué un tournant dans le développement des applications spatiales. Pour la première fois, un engin spatial était entièrement voué à l'observation de la Terre à des fins civiles. Satellisé à 900 km d'altitude, sur une orbite quasi polaire héliosynchrone, Landsat 1 emportait un ensemble de trois caméras de télévision fournissant des couleurs dans le domaine visible, et une chambre multibande à balayage prenant des vues en continu dans quatre domaines de longueurs d'onde (trois dans le visible, un dans le proche infrarouge). Il photographiait sous sa trajectoire une bande de terrain large de 185 km et couvrait la totalité de la surface terrestre en 18 jours. Les plus fins détails visibles (la résolution des images) mesuraient 80 m sur les vues en couleurs et 40 m sur celles en noir et blanc.