Autre face de la médaille : le budget public de recherche français est en revanche, ramené au PIB, l'un des plus élevés au monde. Son taux (0,93 %) est supérieur à celui des États-Unis (0,82 %), et dépasse de loin la moyenne de l'Union européenne (0,73 %), sans parler du Japon (0,64 %). Ce qui n'a pas empêché que l'annonce du budget public de recherche pour 2003 soit violemment critiqué. Ce budget régresse en effet de 1,3 % malgré la présentation qui en a été faite par la ministre de la Recherche Claudie Haigneré. Celle-ci inclut en effet dans ses chiffres les crédits non dépensés en 2002 tant par les organismes de recherche que par le ministère. Une présentation peu classique qui lui a permis d'annoncer un budget de 9,5 milliards d'euros, en augmentation de 5,3 % sur l'année précédente. Un affichage que diverses organisations de scientifiques, syndicales ou non, n'ont pas tardé à dénoncer comme étant des chiffres en trompe-l'œil. Il est vrai que cette baisse survient alors qu'aux États-Unis le mouvement est inverse. Les budgets publics de recherche américains ont connu une très forte hausse en 2002. Certes, suite aux attentats du 11 Septembre, la recherche militaire s'est arrogée la part du lion, pour des travaux destinés à financer de nouvelles armes, mais aussi de nouveaux réseaux de communication. Or on sait quelles ont été les retombées des recherches sur le précurseur d'Internet, le réseau Arpanet, qui fut financé par le ministère de la Défense aux États-Unis.

Dans le domaine de la recherche médicale, le National Institute of Health a vu son budget augmenter de 15 % en 2002, taux qui devrait être encore dépassé en 2003 pour atteindre plus de 27,3 milliards de dollars (27,8 milliards d'euros).

Mais, comme l'a très précisément expliqué Olivier Postel Vinay, directeur de la rédaction du magazine la Recherche dans son livre le Grand Gâchis. Splendeur et misère de la science française (Eyrolles), la science française ne souffre pas tant d'une insuffisance de moyens publics que d'une mauvaise utilisation de ces moyens. Outre une forte dépense publique rapportée au PIB, la France est également dans le peloton de tête des pays pour son taux de docteurs ès sciences par million d'habitants, loin devant la moyenne européenne, les États-Unis et le Japon (selon les indicateurs 2002, publiés par la Direction Recherche de la Commission européenne). Or les résultats ne sont pas à la hauteur. Selon les indicateurs cités précédemment, le nombre de publications scientifiques dues à des chercheurs français est inférieur à celui de la moyenne européenne. Et, plus inquiétant, la croissance de ce nombre de publications, calculée entre 1995 et 2001, a été en France l'une des plus faibles des pays répertoriés. Même constat pour les brevets : la France dépose auprès de l'Office européen des brevets moins de brevets par million d'habitants que les autres pays européens en moyenne, moins aussi que les États-Unis ou le Japon. Et la tendance est extrêmement inquiétante, puisque la France a eu, entre 1995 et 2000, en la matière, le taux de croissance le plus faible.

Claudie Haigneré

Rendue internationalement célèbre à la suite de ses deux missions dans l'espace, Claudie Haigneré (ex-André-Deshays), quarante-cinq ans, a été nommée ministre déléguée à la Recherche et aux Nouvelles Technologies le 17 juin 2002. Qui mieux qu'elle pouvait en effet incarner à l'étranger l'image scientifique et technologique de la France ? En visite officielle en Chine durant le mois d'octobre 2002, elle et son mari, le spationaute Jean-Pierre Haigneré, furent reçus non seulement par son homologue le ministre de la Recherche, mais aussi par le Premier ministre Zhu Rongji : une entorse notoire au protocole, sans doute davantage due à son expérience de femme française dans l'espace que de troisième femme responsable de la recherche dans l'Hexagone. Sur le territoire national, où les diplômes ont une importance primordiale, surtout auprès des scientifiques, son curriculum vitae ne peut qu'impressionner. Celle que l'on appellerait « Bac+19 » est en effet docteur en médecine (titre décroché à vingt-quatre ans), dans trois spécialités : biologie et médecine du sport, médecine aéronautique et spatiale, et rhumatologie. Elle est également titulaire d'un DEA de biomécanique et physiologie du mouvement et titulaire d'un doctorat en neurosciences. Après deux séjours dans l'espace – le premier en août 1996, d'une durée de seize jours à bord de la station orbitale russe Mir, et le second en octobre 2001, à bord de la station spatiale internationale –, elle semble s'être mise à son troisième métier, femme politique, avec aisance.

Des ressources mal utilisées

Un chômage plus élevé chez les docteurs que chez les BTS