Journal de l'année Édition 2003 2003Éd. 2003

Les XIXes jeux Olympiques d'hiver
(Salt Lake City, États-Unis, 9-24 février)

Trafic d'influence chez les juges, dopage chez les athlètes, remake de la guerre froide chez les officiels..., les Jeux de Salt Lake City ont été placés sous le signe du scandale. Déjà pollués, avant leur déroulement, par les révélations sur les conditions douteuses de leur attribution par le CIO à la capitale de l'Utah, les XIXe jeux Olympiques d'hiver n'ont toutefois pas trop pâti de cette odeur de soufre. L'impeccable organisation américaine, la splendeur des sites et l'excellent niveau atteint par la majorité des compétitions sont parvenus à faire oublier les « affaires » olympiques.

Björndalen et Kostelic au Panthéon

Quatre médailles d'or pour l'un, trois en or et une d'argent pour l'autre, le biathlète norvégien Ole-Einar Björndalen et la skieuse croate Janica Kostelic demeureront les héros des épreuves de Salt Lake City, associés au Finlandais Samppa Lajunen, trois fois sacré en combiné nordique. Distancée en Coupe du monde, opérée d'un genou en début de saison, Kostelic, dix-neuf ans, a prouvé, en décrochant des médailles même dans des disciplines où on ne l'attendait pas, que l'on pouvait tout miser sur les Jeux et tout gagner. Tout miser sur les Jeux et tout perdre, c'est, à l'inverse, la trajectoire de l'Américaine Michelle Kwan, quadruple championne du monde, qui espérait décrocher chez elle le titre qui lui avait échappé de peu à Nagano. Paralysée par l'enjeu, la meilleure patineuse du monde a dû se contenter d'une médaille de bronze, laissant la médaille d'or à sa compatriote Sarah Hugues, outsider pimpante et décomplexée.

Le triomphe des outsiders

Les Jeux de Salt Lake City ont d'ailleurs été marqués par la débâcle des favoris. En biathlon, la Suédoise Magdalena Forsberg, intouchable en Coupe du monde, n'a décroché que deux médailles de bronze. En saut à skis, le Suisse Simon Ammann a raflé les deux titres individuels au nez et à la barbe de l'Allemand Sven Hannawald et surtout du Polonais Adam Malysz. À l'image de l'Italienne Daniela Ceccarelli en super-G, Carole Montillet a quant à elle remporté la seule descente de sa carrière, devenant la première championne olympique française de cette discipline et reléguant l'Italienne Isolde Kostner et l'Autrichienne Renate Goetschl aux places d'honneur. Associée au succès de Jean-Pierre Vidal en slalom, 34 ans après Jean-Claude Killy, cette victoire a constitué un réconfort pour une équipe de France orpheline de la championne du monde de super-G Régine Cavagnoud.

Certains sacres étaient plus attendus. Celui du Russe Alexei Yagudin, déjà quadruple champion du monde de patinage, qui a enfin été récompensé d'un titre olympique venant couronner son formidable talent. En danse sur glace, le titre tant convoité par le couple français Anissina-Peizerat aurait sans doute eu plus de saveur s'il n'avait été gâté par les soupçons de collusions entre les juges français et russes. En snowboard, on misait beaucoup sur les Françaises, avec raison. Confirmant sa belle saison en slalom géant, Isabelle Blanc a dominé Karine Ruby, médaillée d'or à Nagano. Et en hockey sur glace, le Canada a raflé les titres masculin et féminin, en toute logique. Que dire enfin de Stephan Eberharter ? Favori de la descente et du super-G après avoir dominé la Coupe du monde, l'Autrichien, battu dans ses deux courses de prédilection, a remporté... le slalom géant pour lequel il était outsider.

Un parfum de scandale

C'est l'affaire du patinage artistique qui a ouvert le bal des scandales. Le verdict très serré en faveur du couple russe, au détriment des Canadiens, suivi des déclarations de la juge française Marie-Reine Le Gougne évoquant des « pressions », a enflammé la presse nord-américaine. À coup d'éditoriaux vengeurs et d'émissions spéciales sur le skategate, cette dernière est parvenue à ses fins. Sur la recommandation expresse du CIO, la fédération internationale de patinage a finalement remis une seconde médaille d'or au couple canadien Salé-Pelletier considéré comme la victime d'un complot franco-russe. Si l'affaire a eu des effets positifs, à commencer par la réforme annoncée du mode de notation dans un sport vicié par la partialité, elle a également créé un précédent fâcheux qu'ont exploité nombre de contestataires désireux de se faire attribuer une médaille sur le tapis vert. Le faux pas de Marie-Reine Le Gougne et ses conséquences ont également provoqué une tension dans les relations américano-russes. Furieux de la décision d'attribuer une seconde médaille d'or, les Russes, soutenus par le président Vladimir Poutine, ont menacé de boycotter la cérémonie de clôture.

Muehlegg au purgatoire

L'ancien pilier de l'olympisme a été confronté à d'autres affaires, plus infamantes encore. Dans la galerie des dopés des JO 2002, les Russes arrivent en bonne place avec les fondeuses Larissa Lazutina et Olga Danilova. La première a été privée de sa médaille d'or du 30 kilomètres, conservant ses deux médailles d'argent, la seconde reste championne olympique de poursuite et médaillée d'argent du 10 kilomètres classique, mais leur carrière demeurera à jamais entachée par leur suspension pour deux ans. Mais le « grand dopé » des Jeux a été sans conteste Johann Muehlegg, trois fois victorieux en ski de fond. L'Allemand qui court pour l'Espagne a été convaincu de dopage à la darbepoetin, mais déchu d'un seul de ses titres au grand regret de Jacques Rogge. Le président du CIO aurait souhaité des sanctions plus lourdes. Ajoutés à celui, plus contestable, du skieur écossais Alain Baxter, privé de sa médaille de bronze du slalom, et à celui du hockeyeur belarus Vassili Pankov, ces cas de dopage ont apporté un nouveau record aux JO de Salt Lake City. Jamais dans l'histoire des Jeux d'hiver autant d'athlètes n'avaient été contrôlés positif.