La fin de la guerre

La chute de Kaboul le 13 novembre, soit deux mois après les attentats de New York et Washington, signale à la fois l'effondrement du régime taliban et le début de la phase finale des opérations militaires, c'est-à-dire l'annihilation des dernières résistances taliban et la destruction d'Al-Qaida en Afghanistan.

Ce processus mettra encore un mois à s'achever, la reddition des combattants d'Al-Qaida dans le complexe montagneux de Tora Bora survenant à la mi-décembre. Toutefois, l'anéantissement du sanctuaire afghan d'Al-Qaida ne marque qu'une étape, cruciale il est vrai, de la lutte que Washington entend mener contre le terrorisme international.

La guerre et la politique

Cette phase de la guerre d'Afghanistan se déroule parallèlement aux négociations diplomatiques et politiques sur l'avenir du pays qui déboucheront sur les accords de Bonn, le 5 décembre. Sur le terrain, les forces spéciales américaines du Marine Corps débarquent par centaines dans le désert. Elles établissent le Camp Rhino le 25 novembre dans le sud du pays. Troupes légères et mobiles, ces commandos, qui comprennent un contingent de SAS britanniques, recourent à des véhicules blindés légers ou à des hélicoptères alors que les troupes du Front uni (nom officiel désormais de l'Alliance du Nord) utilisent les chars lourds de fabrication soviétique T-55, dont disposent aussi les taliban. Les bombardiers américains constitueront le dernier maillon de cette triade. La combinaison de la haute technologie américaine avec les troupes au sol, composées de guerriers à l'allure médiévale, et les vétustés chars soviétiques formera un spectacle insolite dans le paysage lunaire du désert afghan.

La prise de Kaboul, précédée d'un jour par celle d'Herat, à l'ouest, est suivie rapidement par la chute de Jalalabad, à l'est de Kaboul, qui annonce le dénouement de cette formidable poussée. Néanmoins, les taliban, s'ils ont perdu le pouvoir politique, n'ont pas abandonné les armes. Ils se retranchent dans deux espaces distincts, l'un à Kunduz, dans le Nord, l'autre à Kandahar, dans le Sud. Une troisième poche de résistance, celle des combattants d'Al-Qaida, trouvera refuge dans les grottes de la montagne de Tora Bora, près du Pakistan, dernier bastion de résistance dont la chute marquera le point final de la guerre d'Afghanistan.

Les sièges

Tant à Kunduz qu'à Kandahar, les combats sont âpres. Stratégiquement, la guerre prend une forme classique maintes fois répertoriée au cours de l'histoire. Les sièges de Kunduz et de Kandahar ont en effet de nombreux antécédents, depuis la prise de Constantinople en 1453 jusqu'au siège de Stalingrad durant la Seconde Guerre mondiale. Comme à Constantinople, où les Turcs disposaient de pièces d'artillerie exceptionnelles, les assiégeants bénéficient d'un avantage technique en matière de bombardements. Les B-52, B-51 et d'autres aéronefs américains coordonnent leurs sorties avec les avancées des troupes au sol, soit une combinaison classique du feu et du choc pour un travail d'approche efficace. Les avions américains lâcheront même la BLU-82 ou « Daisy Cutter » (faucheuse de marguerites), la plus grosse bombe classique (près de 7 t). Au même moment, les forces spéciales américaines ont la tâche difficile d'établir une ceinture de sécurité pour empêcher les chefs de l'opposition, en particulier le mollah Omar et Oussama Ben Laden, de prendre la fuite. À mesure que les forces alliées gagnent du terrain, cet étau se resserre. Cependant la fuite des deux hommes reste toujours possible. Et jusqu'au bout, on ignorera leurs destinations respectives.

Malgré la supériorité des alliés, ceux-ci subissent aussi des pertes. On apprendra par exemple qu'une bombe américaine a fait une vingtaine de victimes, dont trois morts, parmi les forces spéciales le 5 décembre. Les informations, prudemment filtrées par les États-Unis et souvent peu fiables, sont diffusées avec plusieurs jours, voire plusieurs semaines de retard. La dimension psychologique de cette guerre sera prépondérante.