Journal de l'année Édition 2002 2002Éd. 2002

Renault-Nissan : une alliance renforcée pour des intérêts partagés

Renault va mal. Mais Nissan va bien. Au terme d'un échange de participation, annoncé le 30 octobre, le constructeur japonais, filiale de Renault, deviendra le deuxième actionnaire de la firme au losange, derrière l'État.

En 2001, seule la contribution de Nissan aux résultats de sa maison mère permettra à Renault d'éviter des pertes. En octobre, et pour la deuxième fois de l'année, le constructeur français a revu à la baisse ses résultats prévisionnels. Au cours des neuf premiers mois de l'année, son chiffre d'affaires a certes enregistré une hausse de 6,8 %, mais ses ventes ont subi un recul de 2,4 %. Ces résultats laissent présager une marge opérationnelle en baisse au second semestre, alors que son taux de rentabilité du premier semestre n'était déjà que de 1,5 %, contre 6 % un an auparavant. Le ralentissement de la croissance mondiale, encore accentué après les attentats du 11 septembre, n'explique pas tout – la santé de PSA Peugeot-Citroën en est la preuve. Les causes principales de la baisse de régime de Renault sont internes. La multiplication des investissements à l'étranger – implantation au Brésil, rachat du roumain Dacia et du coréen Samsung, prise de contrôle de Nissan – a privé le groupe des ressources nécessaires à sa propre croissance. Les 33 milliards de francs investis dans le constructeur japonais, par exemple, représentent le coût du développement de huit à dix nouveaux modèles. Aussi la gamme des voitures au losange a vieilli et le renouvellement de ses modèles les plus vendus tarde. À titre de comparaison, sur les 33 modèles que Nissan proposera à la vente à l'horizon 2005, 22 seront nouveaux.

Choc culturel

Nissan était au bord de la faillite lorsque Renault a acquis 36,8 % de son capital, en mars 1999, en prenant, de fait, la direction. Modèles dépassés, pertes chroniques, dette importante : la situation du deuxième constructeur japonais, derrière Toyota, était telle que le géant germano-américain Daimler Chrysler lui-même, un moment intéressé, avait renoncé à relever le défi. Le régime imposé par Carlos Ghosn a eu des effets spectaculaires. « Nous avons accompli 80 % de la tâche en 50 % du temps que nous nous étions fixé », a déclaré le directeur de Nissan. Le constructeur japonais a annoncé un bénéfice semestriel de 230 milliards de yens (2,13 milliards d'euros), en hausse de 33,7 %. Il est désormais l'un des groupes les plus rentables du secteur – avec un taux quatre fois supérieur à celui de Renault... La dette devrait passer en dessous du seuil des 750 milliards de yens (6,8 milliards d'euros) d'ici à mars 2002, avec près d'un an d'avance sur les prévisions. Le « choc culturel » annoncé lors de l'alliance du français et du japonais a bien eu lieu, mais sans provoquer de résistance interne : atteinte au tabou de l'emploi à vie avec 21 000 suppressions de postes, introduction de la rémunération au mérite dans une société où l'ancienneté demeure le principal critère d'avancement, doublement des bénéficiaires de stock-options créant une nouvelle forme de hiérarchie dans l'entreprise... « Nous savions que si nous ne profitions pas de l'arrivée de Carlos Ghosn pour changer, il n'y aurait plus d'autre occasion », résume l'un des cadres dirigeants japonais de Nissan.

Au terme d'un échange de participation, Renault va donc porter sa part du capital de Nissan à 44,4 %, tandis que le constructeur japonais va entrer dans le capital de la firme française à hauteur de 15 %. L'opération coûtera 2 milliards d'euros à Renault. En conséquence, la part de l'État dans l'ancienne entreprise publique passera de 44,2 % à 37,6 %, et elle devrait encore baisser jusqu'à atteindre 25 % au terme d'une prochaine offre publique de vente. Les firmes française et japonaise ont également annoncé la création aux Pays-Bas d'une structure de management, Renault Nissan BV, détenue à parts égales par les deux partenaires, qui sera chargée de la planification à long terme des projets communs aux deux entreprises.

Promesse

Cette nouvelle configuration de l'alliance Renault-Nissan constitue une formidable promesse à moyen terme, susceptible de séduire actionnaires et investisseurs.