La France municipale penche à droite

Aucun triomphalisme, nombreuses incertitudes. Les 11 et 18 mars 2001, cent trente ans jour pour jour après la Commune de Paris, 40 millions d'électeurs sont appelés aux urnes pour élire leurs maires. Basculement de gauche à droite de dizaines de villes, effondrement communiste témoignant de l'incapacité du parti de Robert Hue à fixer le vote populaire, poussée des Verts.

L'électorat de gauche s'est donc modifié sociologiquement et politiquement sans pour autant se consolider. Le taux d'abstention, qui a atteint 38,73 % au niveau national (soit 4 points de plus qu'aux municipales de 1995), a indéniablement pénalisé les listes de la majorité gouvernementale.

Victoire de la gauche à Paris et à Lyon

À Paris, la victoire du sénateur socialiste Bertrand Delanoë est connue vers 23 heures. Et immédiatement qualifiée d'« événement historique ». Un rassemblement est organisé, place de l'Hôtel-de-Ville, au son de « On veut les clés » scandé par les sympathisants. Les médias ne manquent pas d'y aller de leur analyse sociologique et voient dans la victoire de la gauche parisienne le triomphe politique des « bobos » de la capitale.

Les listes du candidat socialiste l'ont emporté dans 12 des 20 arrondissements (2e, 3e, 4e, 9e, 10e, 11e, 12e, 13e, 14e, 18e, 19e et 20e) et obtiennent 92 sièges sur les 164 que compte le Conseil de Paris. Doté d'une majorité confortable en sièges mais d'une minorité en voix (49,60 %), le nouveau maire va devoir composer avec un groupe de 23 Verts et un maire écologiste dans le 2e arrondissement. Fraîchement qualifié de « parti métropolitain », le couple PS-Verts a percé là où on ne l'attendait pas forcément. Le 3e arrondissement offre son meilleur score à la gauche (65,3 %).

À Lyon, le duel a été serré jusqu'au bout, mais Gérard Collomb l'emporte finalement après le basculement des 4e, 5e et 7e arrondissements, et devient le premier maire de gauche de la ville depuis Édouard Herriot, élu en 1905 et en place jusqu'à sa mort en 1957. Parmi les communes de plus de 100 000 habitants, la gauche l'emporte également à Dijon.

Vague bleue sur la province

Contre tous les pronostics, il n'y a pas eu de vague rose. Battue à Paris et à Lyon, la droite a ravi à la gauche plus d'une quarantaine de villes, dont la capitale alsacienne Strasbourg, où Catherine Trautmann ne recueille que 40,41 % face à son adversaire Fabienne Keller (50,85 %). Outre Strasbourg, 5 autres villes de 100 000 habitants sont passées à droite : Rouen, Orléans, Aix, Nîmes et Saint-Denis de la Réunion. À Toulouse, le dauphin désigné de Dominique Baudis, le chiraquien Philippe Douste-Blazy (UDF), l'emporte largement avec 55,13 %. Parmi les autres villes perdues par la gauche, Blois, où le ministre de l'Éducation nationale Jack Lang est battu de 37 voix, les bastions PCF d'Argenteuil, de Colombes et de Drancy. Commentant ces résultats, Jacques Chirac s'est dit confiant dans la stratégie fondée sur le « terrain ». L'extrême droite réussit à garder trois de ses villes : Orange au premier tour, Marignane au second ainsi que Vitrolles, où la MNR Catherine Mégret l'emporte avec 200 voix d'avance. Son électorat populaire s'est recyclé à droite, comme à Strasbourg où Fabienne Keller récupère l'essentiel des 16,71 % des listes d'extrême droite.

Les principaux enseignements du scrutin

Au sein de la gauche plurielle, le PCF fait figure de principal vaincu. Avec la perte de la seule ville de plus de 100 000 habitants qu'il gérait, Nîmes, c'est un camouflet pour Robert Hue. Les communistes perdent également des villes comme La Seyne-sur-Mer, La Ciotat, Sète, Évreux, Tarbes et Dieppe. À l'inverse des communistes, les Verts auraient des raisons de pavoiser. Avec 12 % des voix, en moyenne, la composante écologiste de la gauche plurielle se renforce et en devient la deuxième force. La victoire de Jean-Michel Marchand à Saumur et d'André Aschieri à Mouans-Sartoux fait oublier la défaite à Dole de Dominique Voynet.

Sur le court terme, le Premier ministre Lionel Jospin doit relancer son gouvernement. Les défaites de plusieurs ministres (Élisabeth Guigou, Dominique Voynet, Jean-Claude Gayssot, Pierre Moscovici, Jack Lang) sonnent comme un deuxième coup dur pour la « dream team » après les départs de ministres comme Dominique Strauss-Kahn ou Martine Aubry. Sur le long terme, il doit également rééquilibrer la majorité plurielle et tenir compte des nouveaux rapports de force. Il doit surtout prendre en compte les contours de ce qu'on appelle déjà « une nouvelle gauche » avec les listes citoyennes, le phénomène Zebda, Lutte ouvrière ou encore la percée verte. Pour J. Chirac, l'échec de la gauche en province l'emporte sur la perte de Paris et de Lyon. Il se dit plus que jamais opposé à une inversion du calendrier électoral et mise sur un échec de la gauche aux législatives dont elle ne pourrait se relever. Convaincu du bien-fondé de sa « stratégie de terrain », il sait possible le report de voix écologistes à droite et ne manquera pas d'intervenir sur ce thème. Il compte bien, par ailleurs, profiter de la vague bleue en province pour l'échéance de 2002 et sait que la gestion des hommes, félicités au cours des traditionnels « déjeuners d'élus à l'Élysée » (Gaudin à Marseille, Juppé à Bordeaux, Douste-Blazy à Toulouse) sera un enjeu majeur de la préparation des présidentielles.