Remaniement ministériel : la « deuxième étape » de L. Jospin ?

Accusé d'« immobilisme » par l'Élysée et l'opposition, Lionel Jospin réagit finalement en procédant, le 27 mars, à un remaniement ministériel qui ramène notamment aux affaires deux poids lourds du Parti socialiste, Laurent Fabius et Jack Lang.

Lionel Jospin serait-il victime de son succès ? Les indices économiques sont au vert, les sondages d'opinion se suivent et se ressemblent, traduisant la confiance des Français dans leur gouvernement et lui valant un état de grâce persistant. Et pourtant la mécanique gouvernementale multiplie les ratés. Portée par la croissance, la reprise est là, le « trou d'air » provoqué par les crises financières internationales du début 1999 a été surmonté, mais le gouvernement traverse un passage à vide. Fidèle à sa réputation de ne pas vouloir brusquer les choses, le Premier ministre donne l'impression de se laisser aller à une autosatisfaction d'autant moins justifiée qu'une série d'éléments indiquent que, trois ans après son arrivée à Matignon, il n'est pas à l'abri de l'usure du pouvoir.

Le premier coup est porté le 2 novembre 1999 par le départ forcé de Dominique Strauss-Kahn. Son absence se fera d'autant plus sentir que Bercy est l'épicentre d'une crise de confiance qui va progressivement s'étendre à d'autres ministères, frappant le gouvernement d'inertie alors qu'il avait mis en chantier une série de réformes. Son successeur au ministère de l'Économie et des Finances, Christian Sautter, doit lutter sans succès sur deux fronts : la réforme de l'administration fiscale en une entité unique sous la coupe de la Direction générale des impôts (DGI), qui provoque à partir de février grèves et manifestations parmi les fonctionnaires du ministère ; et la polémique sur la « cagnotte ». Autre poids lourd du gouvernement et ami de longue date de L. Jospin, le ministre de l'Éducation nationale Claude Allègre fait face à la fronde du monde enseignant qui le contraint, lors de la mobilisation nationale du 16 mars, à retirer toutes ses réformes. Succédant à l'échec, en janvier, de la réforme de la justice, l'enlisement des réformes de Bercy et de l'Éducation nationale alourdit le climat politique, aggravé par les remarques maladroites de Dominique Voynet sur la catastrophe de l'Erika ou encore par l'incursion de L. Jospin dans le « domaine réservé » du chef de l'État, à l'occasion d'une visite controversée au Proche-Orient.

Une « deuxième étape »

En butte aux critiques de l'opposition, L. Jospin doit réagir. Dans sa première intervention télévisée depuis six mois, le Premier ministre annonce, le 16 mars, une baisse des impôts et dessine les contours de cette « deuxième étape » qu'il avait appelée de ses vœux à Strasbourg, le 29 septembre 1999. Il se voit contraint de la mettre en œuvre sous la pression de la rue et des événements en procédant, le 27 mars, à un vaste remaniement ministériel. En fait de nouveaux acteurs, ce sont de vieux chevaux de retour socialistes, Laurent Fabius et Jack Lang, qui sont rappelés aux affaires pour franchir cette étape.

U. G.