Journal de l'année Édition 2001 2001Éd. 2001

La guerre est déclarée entre l'Espagne et l'ETA

Depuis le début de l'été, l'Espagne est terrorisée, vivant au rythme des attentats et des assassinats perpétrés par l'ETA, l'organisation séparatiste basque. Une évidence : l'heure n'est plus à la trêve « illimitée » décrétée en septembre 1998 et officiellement respectée jusqu'en décembre 1999.

D'abord sonné, le gouvernement de José María Aznar relève bientôt la tête en procédant, les 14 et 15 septembre, à une série d'arrestations dont celle du numéro un de l'ETA. Des opérations spectaculaires sont menées en étroite collaboration avec les autorités françaises. Ce sont en effet plus d'une trentaine d'activistes de l'organisation séparatiste basque qui tombent dans les filets des policiers français et espagnols. Parmi eux, l'ennemi public numéro un de Madrid : Ignacio Gracia Arregui, quarante-cinq ans, dit « Inaki de Rentería », chef présumé de l'ETA, arrêté à Bidart, au Pays basque français, par la police judiciaire de Bordeaux.

La veille, de l'autre côté des Pyrénées, le juge madrilène Baltasar Garzón lançait l'opération « lobo negro » (loup noir) à travers toute l'Espagne. En quelques heures, 19 dirigeants séparatistes, des « durs », tous membres d'Ekin, structure politique de l'ETA, sont à leur tour arrêtés par la Garde civile espagnole. Déstabilisés, les séparatistes vont pourtant démontrer quelques jours plus tard qu'ils ont encore le pouvoir de tuer.

« Basta ya ! »

Avec ces coups de filet successifs, Madrid et Paris pensent avoir touché l'ETA en plein cœur. Blessé seulement. Dès le lendemain, un attentat au lance-grenade est déjoué in extremis à Hernani. Attentat qui visait directement le roi d'Espagne Juan Carlos en visite inaugurale, accompagné de José María Aznar et du chancelier allemand Gerhard Schröder. Le 21 septembre, l'organisation ne rate cette fois pas sa cible. José Luiz Casado, un élu du Parti populaire au pouvoir, est froidement abattu d'une balle dans la nuque devant chez lui, près de Barcelone, ce qui porte à treize le nombre d'assassinats politiques officiellement revendiqués par les séparatistes depuis la fin de la trêve. Un assassinat de plus qui démontre que l'ETA a encore le pouvoir de tuer.

Autre inquiétude, la relève semble largement assurée au sein des séparatistes. Avec Hakai par exemple, une association d'adolescents (4 000 membres) implantée au Pays basque, qui multiplie les actions parfois violentes, l'ETA dispose d'un formidable vivier. Mais l'Espagne n'entend pas baisser les bras face au terrorisme. Le samedi 23 septembre, on comptait plus de 100 000 Espagnols défilant dans les rues de Saint-Sébastien au cri de « Basta ya ! » (« Ça suffit ! »), « ETA no » ou encore « Vous n'êtes pas des patriotes mais des fascistes ». Absent remarqué : le Parti nationaliste basque, modéré, qui a longtemps prôné le dialogue avec l'ETA et l'intégration des indépendantistes à la vie politique du pays. Et si la presse espagnole voit dans cette manifestation monstre « une reprise de la rue par les citoyens », la question basque, elle, semble encore et toujours dans l'impasse.

G. Q.

L'été meurtrier

Après quatorze mois de trêve, l'ETA a décidé de se lancer dans une campagne sanglante contre « l'ennemi espagnol ». L'été a constitué le point d'orgue de cette offensive contre Madrid, avec en moyenne un attentat tous les deux jours. Au total, treize personnes ont été assassinées par l'ETA depuis la fin de la trêve. Principalement des élus du Parti populaire au pouvoir, mais aussi des personnalités modérées comme José María Korta, un entrepreneur basque, partisan du dialogue, tué le 8 août 2000 dans un attentat à l'explosif. À travers ces actes de barbarie, l'ETA souhaite rompre toute forme de dialogue, mettre le gouvernement à genoux. Rejetant la Constitution espagnole de 1978 qui énonce l'autonomie « des nationalités et des régions » au sein de « l'unité indissoluble de la nation espagnole », les « durs » du mouvement sont prêts a aller jusqu'au bout pour obtenir l'indépendance. En trente-deux ans d'existence, l'ETA serait ainsi responsable de plus de 780 morts.