Journal de l'année Édition 1998 1998Éd. 1998

Blocage du processus de paix au Proche-Orient

Quatre ans après la conclusion des accords d'Oslo, force est de constater que les fondations mêmes de la paix sont bien fragiles. Les Palestiniens ne contrôlent que quelques grandes villes isolées, coupées de leur arrière-pays, soumises à des bouclages répétés. La plupart des mesures de confiance inscrites dans les textes n'ont pas été appliquées, contribuant à déstabiliser Yasser Arafat au sein même de son camp.

Tout indiquait donc que, si le plus vieux conflit du Proche-Orient avait pris fin sur tous les écrans du monde en 1993, la réalité continuait de buter sur des faits têtus. La colonisation s'est en effet poursuivie et intensifiée, rendant illusoire toute continuité territoriale palestinienne. Depuis les accords d'Oslo, le nombre des colons en Cisjordanie est passé de 100 000 à 140 000. Le gouvernement israélien a donné son feu vert à la construction de milliers d'appartements, dont 12 % sont inoccupés, et l'encerclement de Jérusalem-Est s'est trouvé achevé par l'édification de 6 500 logements à Jabel Abou Ghnaim (Har Homa pour les Israéliens), une colline située presque aux portes de Bethléem. Quant à l'espoir d'une paix fondée sur le développement économique, il s'est envolé : un rapport du Fonds monétaire international indiquait que le taux de chômage en Cisjordanie et à Gaza était passé depuis 1993 de 18 % à plus de 34 %.

Le gel des accords

Retour également sur les écrans de l'Intifada et de ses images désormais célèbres : jeunes Palestiniens lanceurs de pierres contre jeunes soldats israéliens tirant grenades lacrymogènes et balles en caoutchouc. Les travaux de Har Homa, en mars, ont déclenché des affrontements qui ont fait 8 morts et 900 blessés parmi les Palestiniens, 3 morts et 67 blessés du côté israélien. Et, pour la première fois depuis un an, le terrorisme a de nouveau frappé : le 21 mars, trois personnes ont trouvé la mort dans l'explosion d'une bombe dans un café de Tel-Aviv. La « paix contre la sécurité », promise par Benyamin Netanyahou lors de sa campagne électorale, a trouvé ici ses limites. La colonisation viole le principe fondateur des résolutions de l'ONU comme des accords israélo-palestiniens, c'est-à-dire l'échange des territoires contre la paix. Pour les signataires travaillistes d'Oslo, l'État hébreu devait annexer de 10 à 15 % de la Cisjordanie. Pour sa part, la droite revenue au pouvoir en 1996 entend en garder au moins la moitié dans toutes les colonies. Conscient de l'impopularité de ses positions sur la scène internationale, Benyamin Netanyahou a proposé d'ouvrir sans attendre la négociation sur le statut définitif des territoires avec pour objectif de signer « dans les six à neuf mois », et donc de geler entre-temps l'application des accords intérimaires qui prévoyaient la mise en place en cinq ans (de mai 1994 à mai 1999) d'un « auto-gouvernement palestinien ». La négociation sur le statut définitif de la Cisjordanie et de Gaza devait s'ouvrir en mai 1996 et s'achever dans les trois ans ; les questions les plus épineuses – le statut de Jérusalem, la définition des frontières, l'avenir des colonies, le sort des réfugiés, la création d'un État palestinien – seraient laissées en suspens en attendant l'accord final. Pour séduisante qu'elle soit sur le papier, la proposition du Premier ministre israélien laisse songeur à l'aune de l'affaire d'Hébron : sachant que le compromis sur Hébron, pourtant négocié, a pris sept mois, il est difficile d'imaginer qu'il suffirait de quelques mois pour conclure un accord portant à la fois sur l'État palestinien, les frontières, Jérusalem, les réfugiés et les colonies. À bien des égards, M. Netanyahou paraît défendre des positions plus radicales que celles sur lesquelles il a été élu le 29 mai 1996. En effet, il doit aussi sa courte victoire à son engagement de respecter les engagements pris à l'endroit des Palestiniens. Ainsi, même après l'attentat du 21 mars, un sondage établissait que 55 % des Israéliens déclaraient soutenir, comme par le passé, les accords d'Oslo. Selon un autre sondage, une majorité absolue d'Israéliens juifs (51,3 %) approuvaient la création d'un État palestinien à condition qu'elle conduise à une paix juste entre Israël et la Palestine.

Un bilan de faillite

Sans doute convient-il de rapporter l'attachement des Israéliens à la paix à des soucis prosaïques, ces derniers mesurant le coût économique et social d'un retour en arrière. Inquiets de l'impasse dans lequel se trouve pris le processus de paix et plus encore de la relance du boycottage arabe d'Israël, les capitaux étrangers hésitent à s'investir dans l'État juif, dont ils ont alimenté depuis 1991 l'essor.