Saisissant l'occasion d'une déclaration de Jean-Marie Le Pen, qui avait observé qu'il était « plus confortable de résister à Londres que de résister à Paris », Philippe Séguin entra alors en lice. Sous le titre « Assez ! Assez ! Assez ! », le président du RPR accusa dans les colonnes du Figaro les socialistes de profiter du procès Papon pour faire celui du général de Gaulle, voire « d'entretenir une atmosphère délétère » ne pouvant profiter qu'au Front national. Dès le lendemain, Lionel Jospin répondait à cette « Philippique » par un discours au cours duquel il affirmait que « la France » n'était pas « coupable de Vichy ». À l'Élysée, on se garda de commenter la polémique. Elle témoigne pourtant d'un véritable clivage entre les conceptions de Jacques Chirac et celles d'une partie du RPR pour laquelle le mythe gaulliste de « la France résistante » est encore une vérité historique.

J.-F. P.

Les raisons d'un mythe

À la Libération, de Gaulle doit à tout prix laver la France du soupçon de lâcheté générale qui pèse sur elle. L'heure est à l'affirmation de la « République combattante » : Vichy est donc réputé « nul et non avenu ». Poussé par la nécessité d'échapper à la menace d'une administration militaire des Alliés, de Gaulle accréditera par ailleurs l'idée que la haute administration a sous Vichy, sinon activement, au moins passivement résisté : un mythe qui se justifie sans doute politiquement, mais qui contredit la réalité historique.

Le PC poursuit sa « mutation »

Fort de ses trois ministres au gouvernement, le PCF de Robert Hue n'a pas craint en 1997 de porter un « regard neuf » sur des sujets aussi tabous que l'euro ou le passé sanglant du communisme. La mort de Georges Marchais, en novembre, est venue confirmer symboliquement qu'une page de son histoire était peut-être définitivement tournée.

Ironie du sort. Quelques jours avant la mort de Georges Marchais, l'Humanité publiait une interview de l'ancien secrétaire général du PCF en dévoilant que ce dernier avait lui-même rédigé les réponses et les questions ! La « mutation culturelle » du PCF, pour reprendre l'expression de Robert Hue, ne s'est pas limitée en 1997 à ce louable souci de transparence. L'année s'est en effet ouverte sous les meilleurs auspices pour les « refondateurs » du parti avec l'entrée en mai de trois communistes au sein du gouvernement Jospin. Elle s'est poursuivie avec l'intervention active de Jean-Claude Gayssot, le ministre communiste des Transports, dans le règlement du conflit des routiers. Réunis à la mi-novembre en conseil national, les dirigeants communistes donnaient d'ailleurs acte à Robert Hue des résultats encourageants de la participation gouvernementale, certains députés « orthodoxes », dont Maxime Gremetz, faisant momentanément taire leurs critiques.

Lune de miel PC-PS

De son côté, le PS multipliait les gages de confiance à l'égard du PCF. La polémique sur le passé sanglant du communisme donna ainsi à Lionel Jospin l'occasion d'exprimer sa « fierté » de voir le PCF prendre part à son gouvernement. À l'issue du conseil national de novembre, Robert Hue alla plus loin dans « l'ouverture ». Il laissa entendre que les prochaines discussions au Parlement de la loi sur l'immigration et de la ratification du traité d'Amsterdam (et donc de l'euro) ne remettraient pas en cause la participation communiste. « L'euro, ce n'est pas la fin de l'histoire », concluait-il. Mieux : interrogé en décembre lors de l'émission télévisée « La marche du siècle » consacrée au Livre noir du communisme, le secrétaire national, décidément prompt à secouer toutes les pesanteurs, se déclarait prêt à réévaluer la révolution bolchevique. « Pas même Lénine », ajoutait-il, ne pouvait « être tenu à l'écart de l'analyse historique ». Sonnant comme un écho aux propos de Robert Hue, le bureau du PCF saluait trois jours plus tard la mémoire de Georges Marchais, décédé le 16 novembre, en ces termes : « Ce n'est pas le temps, alors que l'heure est au recueillement, d'évaluer l'apport de Georges à notre parti [...] Cette évaluation devra être faite. » (le Monde du 4 décembre 1997) Décidément, l'ancien secrétaire général a déjà de bonnes raisons de se retourner dans sa tombe.

J.-F. P.

Georges Marchais (1920-1997), l'homme du déclin du PCF

En 1972, le PCF représente 20 % de l'électorat. À sa tête, l'ancien ouvrier métallo Georges Marchais abandonne la dictature du prolétariat, prône l'eurocommunisme et l'union de la gauche. Mais l'irrésistible ascension du PS conduit le PC à se figer dès 1977 dans une glaciation brejnévienne. Marginalisé, le PC s'effondrera tout à fait avec la fin du système communiste mondial. Lorsqu'en 1994 Georges Marchais lâche enfin les rênes du pouvoir, son parti a perdu la moitié de ses électeurs.