Déjà désavoué par les « durs » du CNPF pour avoir accepté – ou, du moins avoir été mis devant le fait accompli – la loi Robien et l'accord du 30 octobre 1995 sur l'aménagement du temps du travail, Jean Gandois s'était de toute façon placé dans une situation intenable au sein même de son organisation. Très attaché à la notion d'entreprise citoyenne, l'ex-patron de Rhône-Poulenc et de Pechiney s'était fait élire sur la base d'un projet ambitieux visant à construire les fondations d'une politique contractuelle rénovée. Or, il apparut très vite que l'aile la plus libérale du CNPF, avec à sa tête Denis Kessler, le bouillant président de la commission économique, devenu depuis peu le numéro deux du premier assureur mondial AXA-UAP, ne voulait pas de cette politique.

Jean Gandois abordait donc fatalement le dossier des 35 heures en position de perdant. En cas d'avancée, les opposants à toute négociation lui auraient reproché son manque de pugnacité. En cas de blocage, certains membres favorables à un aménagement concerté l'auraient désavoué. Ces derniers sont d'ailleurs assez nombreux pour signifier qu'un clivage doctrinal existe bel et bien au sein du CNPF. L'AFB (Association française de banque) annonçait par exemple dès le mois d'octobre que des discussions sur les 35 heures allaient être ouvertes. Par ailleurs, de grands groupes comme la Générale des eaux ont déjà signé une série d'accords locaux de réduction du temps de travail... en prévision des 35 heures. Le danger qui guette aujourd'hui le CNPF, s'il s'acharne à s'extraire des négociations, est en définitive qu'il en soit purement et simplement évincé. L'organisation perdrait alors une grande partie de sa raison d'être...

Le successeur de Jean Gandois : le baron Seillière

Déjà sollicité en 1994 pour succéder à François Périgot, le baron Ernest-Antoine Seillière, patron de la Compagnie générale d'industrie et de participation (CGIP), briguera le 16 décembre 1997 la présidence de l'organisation patronale. Face à lui, aucun de ses trois concurrents n'est issu de l'appareil du CNPF. Depuis le désistement de Didier Pineau-Valencienne, le nom du prochain « patron des patrons » ne fait donc pas l'ombre d'un doute. Énarque, ancien collègue de Lionel Jospin au ministère des Affaires étrangères, celui-ci affiche de solides convictions libérales ; il est résolument opposé aux 35 heures. Sera-t-il ce « tueur » que Jean Gandois voyait pour lui succéder ?

Vichy partage la droite

En défendant à l'occasion du procès Papon la thèse de « l'inexistence de Vichy », le président du RPR Philippe Séguin s'est nettement démarqué de la position de Jacques Chirac sur la responsabilité de la France pendant l'Occupation. Le mythe gaulliste a décidément la vie dure.

En 1995, lors du cinquante-troisième anniversaire de la rafle du Vel' d'Hiv', Jacques Chirac reconnaissait explicitement que l'État français avait eu une responsabilité directe dans les crimes commis sur son territoire durant l'Occupation. « La France, ce jour-là, accomplissait l'irréparable », affirmait-il. Il ne pouvait ignorer qu'il remettait en cause la doctrine gaulliste selon laquelle, Vichy n'étant pas la France, celle-ci ne pouvait être rendue coupable des actes commis par Vichy. En affirmant que « la France » était bien plutôt à Londres ou dans le Vercors, le général de Gaulle savait qu'il sauvait bon nombre de Français du soupçon de collaboration. Le mythe gaulliste d'une France unie, combattante et victorieuse, soigneusement entretenu pendant les deux septennats de François Mitterrand, allait sagement prendre place dans les esprits.

C'est dire combien le discours iconoclaste de Jacques Chirac, ce jour de juillet 1995, fit l'effet d'un coup de tonnerre au sein de l'opposition. Mais Jacques Chirac venait tout juste d'être élu et les barons gaullistes résolurent de taire leur rancœur. Jusqu'à ce que le procès Papon leur offrît, en octobre 1997, l'occasion de relancer la polémique. Tout commença par le témoignage devant le tribunal de Bordeaux de Pierre Messmer, qui critiqua ouvertement la déclaration de Jacques Chirac et exempta « la France » de la responsabilité des crimes de Vichy. Puis vint Olivier Guichard, qui affirma à la barre des témoins que de Gaulle, en déclarant l'inexistence de Vichy dès 1940, « ne voulait pas que le procès des Français ait lieu ».