Japon et Extrême-Orient développé

En 1996, le Japon semble renouer avec la croissance et retrouver un système politique stable dominé par le PLD. Mais, derrière ce retour à la normale, de profonds changements sont à l'œuvre. En Corée du Sud et à Taïwan, la mise en place de la démocratie et l'ouverture économique se poursuivent non sans heurts, tandis que les menaces extérieures restent très vives. Des litiges territoriaux créent en outre de vives tensions entre les trois pays.

Japon : vers la reprise économique

Après quatre années de quasi-stagnation, le Japon a connu en 1996 une croissance proche de 3,5 %, la meilleure performance parmi les pays du G7. Non sans à-coups toutefois : après avoir bondi de 3 % au premier trimestre, le PIB a chuté de 0,7 % au deuxième. De 1992 à 1995, l'État a injecté l'équivalent de 3 000 milliards de francs dans l'économie. Ces plans de relance ont fini par jouer. Mais ils ont aussi porté le déficit budgétaire à 6,75 % du PIB, la dette cumulée de l'État atteignant une année du PIB. Le Japon, qui fait figure de cancre budgétaire parmi ses partenaires du G7, ne semble pas pouvoir échapper dans les années qui viennent à un sérieux accroissement de la pression fiscale, inaugurée, en avril 1997, par le passage de 3 à 5 % de la taxe à la consommation. Favorisé par des taux d'intérêt quasiment nuls, l'investissement privé augmente de 7,5 % et prend peu à peu le relais des plans de relance. Les entrepreneurs reprennent confiance. Mais cet investissements se fait beaucoup dans les délocalisations, où les firmes japonaises mettent désormais les bouchées doubles : en Asie, leurs investissements sont passés de 15 milliards de dollars en 1990 à plus de 70 cette année. Or cette délocalisation met à mal tout le réseau complexe de la sous-traitance : les PME, ne pouvant délocaliser à la suite de leur donneur d'ordre, sont souvent acculées à la faillite. Tout le tissu industriel est donc en voie de réorganisation.

La consommation semble enfin frémir, en dépit des menaces sur l'emploi, avec un taux de chômage estimé à 3,5 % (chiffre sous-évalué) qui semble s'installer durablement. Mais cette reprise reste conjoncturelle, les consommateurs ne pouvant plus retarder certaines dépenses, comme le renouvellement de leur voiture. Cependant, une génération de nouveaux produits électroniques perce enfin sur le marché : la micro-informatique, le téléphone cellulaire (15 millions d'usagers), les systèmes de navigation automobile, les disques vidéo numériques. Mais le consommateur, devenu très regardant sur les prix, a provoqué la déréglementation de nombreux secteurs, et l'on trouve aujourd'hui des alcools importés trois fois moins chers qu'il y a deux ans.

La baisse du yen favorise l'exportation, mais l'excédent commercial ne cesse de se réduire. De 121 milliards de dollars en 1994, il est tombé à 107 en 1995 et devrait être inférieur à 100 milliards cette année. Toutefois, cette baisse doit être nuancée : une part croissante des importations sont des produits « japonais » fabriqués à l'étranger. Si les téléviseurs couleur « étrangers » détiennent plus de 80 % du marché, ils sont produits en Asie par des firmes japonaises. Néanmoins, l'ouverture du Japon est indéniable : 30 % du marché des semi-conducteurs y est détenu par des firmes étrangères. L'ère des superexcédents commerciaux est probablement terminée.

Poursuite de la recomposition politique

1996 voit le Parti libéral démocrate (PLD) reconquérir, à peu de choses près, le pouvoir absolu. En janvier, il reprend la direction du cabinet de coalition qui l'associe aux socialistes et au petit Parti précurseur (PP). Le nouveau Premier ministre, Ryutaro Hashimoto, qui souhaite dissoudre la Chambre pour reconquérir la majorité absolue perdue en 1993, doit d'abord essuyer l'offensive du Nouveau Parti progressiste (NPP, opposition néoconservatrice et centriste) d'Ichiro Ozawa, qui s'oppose, lors du débat budgétaire, à toute utilisation d'argent public pour renflouer les organismes de crédit immobilier (jusen). Puis, il doit affronter la rébellion du gouverneur d'Okinawa qui, refusant de renouveler les baux de location forcée de terrains utilisés par des bases américaines, organise un référendum régional – une « première » qui risque fort d'embarrasser le pouvoir central dans l'avenir. Mais, bien qu'une grande partie des votants se soient prononcés contre les bases, le gouverneur d'Okinawa s'incline finalement devant un jugement de la Cour suprême et la promesse du déménagement d'une seule des bases incriminées. Celui-ci a, en outre, reçu de fortes aides financières...