Afrique subsaharienne

Les tentatives de coup d'État de l'année, en particulier celle au Niger, montrent la fragilité des jeunes démocraties africaines, où les hommes politiques manquent d'une vision politique à long terme, trop souvent occultée par leur opportunisme et leurs intérêts personnels. Les tensions ethniques restent vives. Le conflit des « grands lacs » se prolonge au Rwanda, s'aggrave au Burundi et prend une dimension tragique au Zaïre.

Les bailleurs de fonds, étrangers à l'Afrique, partagent avec les politiques africains la responsabilité de la confusion croissante qui a lieu sur ce continent. Par souci de réalisme, ils ont manqué de fidélité à leurs propres principes, décourageant ainsi ceux qui avaient cru à la sincérité de leurs encouragements réitérés à la démocratisation. Or les grandes puissances et les organisations internationales influencent de façon déterminante la vie des États subsahariens, l'Afrique étant le continent le plus aidé de la planète, alors qu'il est en même temps le moins prisé des investisseurs. La démocratisation entamée au début des années 90 n'est cependant pas un échec complet. Certaines jeunes démocraties résistent bien, comme le confirme d'une manière assez paradoxale le retour à la présidence au Bénin, mais cette fois par la voie des urnes, du général Mathieu Kérékou. Cet ancien dictateur marxiste, devenu en quelques années un démocrate soucieux de concorde nationale, l'a emporté sur un adversaire qui, certes inspiré par la technocratie internationale, mais grisé par le pouvoir, avait manqué de sens démocratique.

Tensions ethniques et régionales. La démocratisation et la gestion économique et financière orthodoxe (ce que les bailleurs de fonds, à la suite de la Banque mondiale, appellent la « bonne gouvernance ») sont incapables de régler les cas les plus dramatiques du continent. Certaines tensions ethniques, régionales ou religieuses résistent aux trop rares ou trop irréalistes tentatives de conciliation. Le conflit des « grands lacs », au Rwanda, au Zaïre et au Burundi, est l'exemple le plus tragique de cette impuissance. Il n'est pas le seul. L'Angola, le Tchad ou le Soudan – pour ne pas parler du Nigeria, où la question centrale est de même nature, mais moins grave –, sont eux aussi coupés en deux, incapables de trouver des fondements solides pour une unité nationale illusoire. Lorsque la violence n'atteint pas le stade d'une guerre civile ouverte, comme au Liberia, la communauté internationale, impuissante devant la permanence de césures qu'elle pensait voir disparaître avec le temps et le développement socio-économique, préfère entretenir la fiction d'États unitaires représentés à l'ONU, tout en ignorant pudiquement les violations répétées des droits de l'homme, que seule Amnesty International a le courage de dénoncer.

L'exception sud-africaine. Les intégrations régionales sont en panne, victimes des rivalités entre États. Seule la zone franc progresse quelque peu dans ce domaine, avec l'adoption d'un système de droit des affaires commun, qui s'ajoute cette année à l'organisation des assurances, mise en place il y a quelques années. Au sein de la zone franc, de profondes césures continuent cependant de séparer l'Afrique de l'Ouest et l'Afrique centrale.

La région la mieux intégrée du point de vue économique est sans conteste celle de l'Afrique australe, à cause de la prédominance écrasante de l'Afrique du Sud sur ses voisins, encore renforcée par la fin de l'apartheid et l'adhésion de Pretoria à la SADC (Southern Africa Development Community). Il y aurait eu plus de 4 milliards de dollars d'investissements étrangers en Afrique du Sud depuis l'arrivée à la présidence de Nelson Mandela, ce qui est exceptionnel pour l'Afrique subsaharienne. Cela n'empêche pas le président de prendre ses distances par rapport à son allié américain (bonnes relations avec l'Iran, soutien à Boutros Boutros-Ghali). En voie de redressement économique, l'Afrique australe échappe donc de plus en plus au contrôle des puissances étrangères.

Sénégal

Le Sénégal, où la vie politique est relativement calme cette année (à l'exception d'une rébellion en Casamance), rétablit en janvier ses relations diplomatiques avec Taïwan, ce qui provoque une rupture immédiate avec Pékin. Le gouvernement sénégalais souhaite en effet attirer des capitaux taïwanais, mais aussi israéliens et sud-africains (le président Abdou Diouf effectue sa première visite officielle en Afrique du Sud en juillet). Le Sénégal n'entend plus se contenter des alignements politiques du passé et veut diversifier son économie, qui a retrouvé un certain souffle avec la dévaluation du franc CFA en janvier 1994. Il nourrit notamment des espoirs pétroliers, après la mise en exploitation d'un gisement de gaz près de Dakar.

Gambie

Après un référendum constitutionnel le 8 août, le colonel Yaya Jammeh, parvenu au pouvoir en juillet 1994 à la suite d'un coup d'État, est élu le 26 septembre à la présidence de la République, avec près de 56 % des suffrages, contre 36 % à Ousainu Darbo, de l'UDP (United Democratic Party), qui dénonçait la corruption du régime militaire ainsi que le mystère qui continue d'entourer la mort de l'ancien ministre des Finances Ousman Ceesay. M. Darbo conteste la valeur de la consultation, suivi en cela par les ministres du Groupe d'action du Commonwealth (CMAG) qui regrettent publiquement que leurs appels en faveur d'une véritable démocratie en Gambie n'aient pas été entendus : ils considèrent que la dissolution du Conseil militaire provisoire en septembre, après l'élection présidentielle et dans l'attente d'une nouvelle Assemblée nationale en décembre, est un pas encore insuffisant dans ce sens.

Mali

Le secrétaire d'État américain Warren Christopher entame début octobre à Bamako, la capitale du Mali, une tournée africaine qui confirme certains désaccords entre les États-Unis et la France sur leurs rôles respectifs dans la région. En contrepartie d'une aide américaine exceptionnellement importante pour un État francophone, le Mali est le premier pays africain à envisager officiellement une adhésion à la force interafricaine que veut créer Washington pour contenir les crises en Afrique.