Europe balkanique

En 1996, la péninsule des Balkans est encore secouée par nombre de bouleversements. Les néocommunistes perdent le pouvoir en Roumanie et sont malmenés en Bulgarie et en Serbie. Les anticommunistes, au pouvoir en Albanie et en Croatie, sont eux aussi contestés. L'ensemble des anciens pays communistes est victime d'une grave crise économique, aiguë en Bulgarie et en Roumanie, et sur laquelle se greffe une mafia politico-économique de plus en plus tentaculaire. Cependant, l'ex-Yougoslavie est pour l'instant pacifiée, et la Grèce a tourné la page du populisme.

Albanie

Après quarante-sept ans de la dictature la plus féroce de l'ex-bloc de l'Est, le Parti démocratique d'Albanie (PDA) du président Sali Berisha a pris le pouvoir en 1992. Pays exsangue (le plus pauvre d'Europe), l'Albanie a bien du mal à s'ouvrir à la démocratie. Les nouveaux maîtres du pays n'ayant pas réellement changé de mentalité, les élections législatives de mai et les municipales d'octobre sont entachées d'irrégularité. De tous les anciens pays de l'Est, l'Albanie est le plus impitoyable avec les anciens communistes, la férocité du dictateur Enver Hodja et la mentalité nationale étant peu propices au pardon. Alors qu'un règlement de compte mafieux fait exploser l'entrée d'un supermarché le 26 février, le gouvernement accuse ainsi immédiatement le Parti socialiste (ex-communiste), dont le président, Fatos Nano, purge une peine de douze ans de prison. En application de la loi « antigénocide », 6 anciens dignitaires communistes sont jugés en avril. Parmi eux, en mai, 3 anciens cadres des organes de répression sont condamnés à mort.

Autoritaire, le président Berisha fait campagne pour le PDA pour les élections législatives du 26 mai. Le premier tour est l'occasion de graves irrégularités – dénoncées par les observateurs étrangers –, qui provoquent d'importantes manifestations de l'opposition, durement réprimées par la police. Six partis d'opposition décident alors de boycotter le second tour. Le PDA rafle 122 des 140 sièges, et, à quelques exceptions près, l'opposition (socialiste, centriste et grecque) refuse de siéger. En juillet, lors de la formation du nouveau gouvernement, le PDA investit tous les postes clés du gouvernement, son président, Tritan Shehu, devenant à la fois vice-Premier ministre et ministre des Affaires étrangères. Violemment critiqué par les États-Unis, l'Italie et les organisations des droits de l'homme, M. Berisha tente de redorer son blason aux élections municipales du 20 octobre, où, une fois de plus, le PDA rafle plus de 80 % des municipalités au cours d'un scrutin aux irrégularités, il est vrai, beaucoup moins flagrantes.

En politique étrangère, l'Albanie s'assagit. Lors de la visite du président grec Kostis Stephanopoulos, les 22 et 23 mars, le contentieux bilatéral est totalement apuré : de nombreux accords préparés à cette occasion sont entérinés, en septembre, lors de la visite du ministre grec des Affaires étrangères. Par ailleurs, Tirana évite de jeter de l'huile sur le feu dans le conflit qui oppose les Albanais du Kosovo aux autorités de Belgrade.

Tout en restant le pays le plus pauvre d'Europe, l'Albanie connaît une croissance non négligeable soutenue par l'aide occidentale, par les devises des expatriés (en Grèce, en Italie, en Allemagne) et par le développement du secteur privatisé (agriculture, commerce, services), qui reste cependant, en grande partie, aux mains des différentes mafias du pays.

Chrono. : 2/03, 26/05.

Bulgarie

Parmi toutes les anciennes démocraties populaires, la Bulgarie fait figure de parent pauvre. Après l'euphorie politique de 1992-1993 et une légère amélioration économique en 1994-1995, le pays s'enfonce dans une crise financière, économique et morale sans équivalent. Pour revenir au pouvoir en décembre 1994, sous les couleurs du Parti socialiste (PS), les anciens communistes avaient utilisé leur position dans l'économie parallèle, l'incompétence et la désunion de l'Union des forces démocratiques (UFD), ainsi que la crise sociale qui frappait durement les fonctionnaires et les retraités. Le PS avait annoncé qu'il mettrait en œuvre une politique sociale généreuse et combattrait le gangstérisme qui mine la société depuis 1994, bien que son histoire le lie très fortement à l'ancienne nomenklatura politico-mafieuse qui a mis le pays en coupe réglée dans les années 70-80. Au lieu de mettre en place les réformes économiques nécessaires au redémarrage du pays, le gouvernement de Jean Videnov (il n'a jamais renié le passé communiste de la Bulgarie) renoue en fait avec les anciennes méthodes de gouvernement : les fonctionnaires liés à l'équipe démocratique sont impitoyablement renvoyés ; le vieux dictateur Todor Jivkov, chassé du pouvoir en 1989, est acquitté en février et son petit-fils, libéré en juin ; le directeur de la télévision nationale est limogé, juste avant la mise en place d'un Conseil national de la radiotélévision, dominé par le PS. Les socialistes mettent ainsi leurs hommes à la tête de plusieurs organismes financiers, à commencer par le premier d'entre eux, la Banque nationale. Parallèlement à cette reprise en main intérieure, le cabinet Videnov mène, comme il se doit, une politique de rapprochement avec la Russie.