Sous la présidence italienne de Lamberto Dini, puis de Romano Prodi, leader d'une coalition de centre gauche sortie des urnes en avril et qui mène le jeu au Conseil européen de Florence (juin), les débats de la Conférence intergouvernementale restent laborieux. Comme la négociation doit durer au moins un an, chacun reste sur ses positions. Au départ d'un marathon diplomatique, l'affirmation de positions divergentes n'est pas un drame, mais, à mesure que le temps passe, comme on le constate déjà avec la présidence irlandaise qui prend le relais des Italiens au début du mois de juillet, le piétinement commence à inquiéter. Chacun garde en effet à l'esprit que l'unanimité est requise pour modifier les domaines de compétence de l'Union. Le Conseil européen de Florence ne donne pas à la CIG l'impulsion politique souhaitée. Il se borne à un constat, à quelques encouragements et à des suggestions de caractère général. Selon les conclusions de la présidence, les travaux menés au sein de la CIG permettent surtout de « cerner les principaux enjeux » et de reprendre les pétitions de principe déjà affirmées de manière à peine différente dans les « conclusions » de Turin.

La crise de la « vache folle »

La présidence italienne ne souffre pas trop des changements gouvernementaux intervenus dans la péninsule (à la suite des élections législatives de mars, M. Prodi remplace M. Dini à la présidence du Conseil italien), mais elle pâtit des retombées de la crise de la « vache folle » et d'une période économiquement difficile, source majeure de difficultés pour l'emploi.

La grande négociation de la Conférence intergouvernementale qui doit réviser le traité de Maastricht s'ouvre, en effet, à Turin, fin mars, dix jours seulement après la mise en place d'un embargo communautaire contre les produits bovins britanniques. Tout au long de l'année 1996, l'Union européenne est perturbée par la communication faite le 20 mars par le ministre britannique de la Santé, Stephen Durrel, à la Chambre des communes. M. Durrel admet alors, pour la première fois publiquement, la possibilité d'un lien entre une forme de la maladie mortelle de Creutzfeldt-Jakob, qui atteint le cerveau humain, et l'encéphalopathie spongiforme bovine (ESB). Celle-ci sévit au sein du cheptel britannique, depuis qu'elle a été identifiée en 1986, au point qu'il a fallu abattre plus de 160 000 bêtes atteintes par la maladie. Cette déclaration est faite à la suite d'une étude, menée sur dix personnes frappées par la maladie en question (sept sont alors décédées), qui conclut à un lien possible avec l'ESB. C'est le 27 mars – le Comité vétérinaire de l'Union européenne ayant recommandé 48 heures plus tôt l'interdiction totale des exportations britanniques vers les pays européens – que la Commission européenne rend son verdict : interdiction totale du bœuf en provenance d'outre-Manche. Certes, cette interdiction est « temporaire », mais elle ne sera levée, dit le communiqué de la Commission, que « lorsqu'on sera sûr qu'il n'y a plus aucun danger pour les consommateurs ».

Malgré l'acuité des problèmes mondiaux qui auraient dû retenir l'attention prioritaire de l'Union européenne, c'est peu dire que la « vache folle » domine l'actualité communautaire comme elle a dominé une partie des débats du Conseil européen de Florence, après avoir provoqué la mobilisation des mouvements de consommateurs, la colère des éleveurs victimes de la chute des cours, un certain désarroi des autorités nationales et européennes, en même temps qu'un mouvement diffus d'inquiétude dans l'opinion publique. Du fait de l'exportation de farines infectées d'origine britannique, l'ESB se manifeste également en France, en Irlande, au Portugal et en Suisse, où le Conseil fédéral envisage d'abattre le tiers du cheptel bovin adulte. Le 20 mai, le Comité vétérinaire permanent de l'UE refuse de lever l'embargo sur les produits dérivés du bœuf d'outre-Manche, malgré les pressions accentuées des Britanniques. Deux jours plus tard, le Royaume-Uni décide d'interrompre la coopération normale avec l'Union européenne, en ces termes : « Des progrès ne seront possibles, ni sur la CIG, ni ailleurs, aussi longtemps qu'il n'y aura pas accord sur la levée de l'embargo dans son ensemble. »