Mode

Entrée des artistes

C'est le choc Dior-Galliano. Enfant terrible de la mode londonienne, John Galliano, trente-six ans, diplômé de la Saint Martin's Fashion School de Londres, a été nommé responsable de la création des collections de haute couture et de prêt-à-porter féminin chez Dior. Il succède ainsi à Gianfranco Ferré, qui tire sa révérence pour aller s'occuper de ses propres marques. Galliano est aussi célèbre pour ses créations de robes époustouflantes que pour son allure incroyablement surprenante et changeante. Portant tantôt de longues nattes, tantôt des cheveux décolorés platine ou affichant sous une chevelure rousse un look de corsaire vêtu comme un flibustier des mers du Sud, il cultive son excentricité (une qualité que partagent beaucoup de Britanniques, comme Alexander McQueen, qui, lui, entre chez Givenchy, confirmant ainsi la mainmise anglaise sur la mode parisienne). En intégrant la plus vénérable des institutions de la mode, ce créateur sulfureux, ce cyclone britannique, ce trublion provocateur bouleverse toutes les idées que l'on se fait sur l'élégance « à la française ». Galliano, qui affirme haut et fort que l'esprit Dior est proche de sa conception romantique de la mode, dérange. Mais ses défilés créent l'événement. Sa première collection haute couture, printemps-été 97, marquera le 50e anniversaire de la première collection New-Look, créée en février 1947 par Christian Dior. De l'avis de Richard Martin, chef du Costume Institute of the Metropolitan Museum of Art de New York, qui a organisé la rétrospective Dior pour le demi-siècle de la maison, Galliano est le seul styliste à en comprendre l'histoire, le seul capable de perpétuer l'esprit Dior en lui insufflant des idées modernes. Coup de jeune ou coup de pub ? Nous avons choisi pour Dior la jeunesse et le talent, explique-t-on dans la grande maison. Il a le talent de créer une mode féminine et sensuelle pour les jeunes femmes d'aujourd'hui, une mode moderne, élégante dans la lignée du fameux « tailleur-bar ».

Carven, la célèbre maison, née dans les années 50, joue le tout pour le tout et mise son futur sur Angelo Tarlazzi. Ce styliste – dont la postérité retiendra les exercices de style et d'asymétrie – fit ses premières armes chez Patou avant d'ouvrir sa maison. Puis il dessina la haute couture de Guy Laroche. Le voilà à nouveau en scène sur le petit théâtre de la mode.

En remplacement de Michel Klein chez Guy Laroche, on remarque l'arrivée d'Albert Elbaz, diplômé du Shemkar College School of Fashion and Textile de Tel-Aviv, comme directeur de la création. Né en Israël il y a trente-cinq ans, il est américain et a travaillé pendant quelques années auprès de Geoffrey Beene, dont il était le bras droit. Sa première collection de prêt-à-porter de luxe sera présentée en mars 97. Jusqu'à nouvel ordre, la haute couture chez Guy Laroche est mise entre parenthèses.

Nino Cerruti a, lui, fait appel pour sa nouvelle collection Arte (exercice de style, luxueux et haut de gamme) à Narcisco Rodriguez. Ce styliste américain, diplômé de la Parson's School of Design de New York, qui a fait ses classes chez Anna Klein, a longtemps travaillé aux côtés de Calvin Klein. Son style ? minimaliste.

Chronique d'un retour annoncé

Une allure longiligne avec des longs manteaux, des robes en maille fluide, des chemises près du corps, des tuniques et des pantalons évasés dans le bas, qui font la jambe longue, voilà cette silhouette en I qui minimise les formes et marque de son empreinte la mode de cette année 1996. Peu de révolution, à peine d'évolution en cette fin de siècle, la création piétine et se retourne sur son passé. Focus sur les années 60-70, qui nous renvoient des images déjà vues du temps où l'on vivait au rythme du Swinging London et nous offrent des visions d'un style dont les lignes vont à l'essentiel et qui réduit les formes à leurs plus strictes expressions.

À capter dans l'air du temps, un mot d'ordre : faire simple. Pas question d'en rajouter, d'en faire trop. Tout est lisse, dépouillé, épuré. Les tissus sont au diapason, crêpes souples, laines bouclettes, velours chenilles, doubles-faces légers, mousselines et dentelles de soie, de coton ou de laine glissent sur le corps. On exclut le trop-plein d'accessoires. Un seul à la fois, mais un qui se remarque. La panoplie, c'est fini. L'or gris l'emporte sur l'or jaune. L'acier sur le métal doré. Mais, en revanche, le cuir brille. Façon vernis ou faux bois. Si le beige est la couleur de l'été, on porte aussi un zeste de couleurs acidulées déclinées en des nuances douces comme des fruits exotiques, que l'on adopte en ville comme sous les tropiques. Les maquillages cultivent le genre « démaquillé », translucide et transparent. Le teint et les lèvres semblent nacrés. Côté beauté, exit les femmes pulpeuses. La tendance est à l'androgynie, au filiforme, à la maigreur. Le style « ficelle » fascine les couturiers, qui mettent sur le devant de la scène des égéries aux corps de garçons. Petites épaules et hanches fluides, l'allure « jeune éphèbe », c'est la nouvelle élégance. La taille disparaît ou se porte haut, dans la tradition Empire. Finie la tendance « poupée Barbie ». Les blondes font long feu. Les brunes ont à nouveau les faveurs de la mode. Chez les parfumeurs, la tendance est au coup double, et les nouveaux « jus » n'ont pas de sexe. Masculin, féminin, les parfums jouent l'ambivalence.