Journal de l'année Édition 1997 1997Éd. 1997

Publicité : au cœur de la décennie

Plébiscite

« Vous avez de la chance, ça aurait pu être la semaine du tricot. » C'est une série d'affiches du même ton qui a lancé, avec succès, la première « Semaine de la publicité ». Cet événement regroupait des manifestations aussi différentes que la Cité de la pub, qui retraçait de manière ludique l'aventure publicitaire des marques, ou le Forum des métiers. Cette initiative de l'Association des agences-conseils en communication, qui rassemble 250 entreprises du secteur, consacrait la popularité de cette activité. En effet, un sondage signé Sofres-BVP affirmait que nous étions 68 % à « apprécier » la publicité, alors qu'une autre enquête IPSOS-l'Expansion révélait que 60 % des Français trouvaient la publicité plus belle qu'il y a dix ans. En moins de trente ans, la communication, qui a connu son essor quand la télévision lui a ouvert ses écrans en 1968, aura réussi à s'imposer comme un acteur à part entière de la société.

L'année aura été ponctuée par bon nombre d'événements publicitaires qui marqueront de leur empreinte la sociologie de la décennie. Ainsi, la Sharan de Volkswagen fait un clin d'œil à l'inévitable « papy-boum ». Mais la voiture, qui se veut « machine à voyager dans le temps », projette en fait les jeunes dans ce que sera la vieillesse en 2040, où l'on fredonnera du rap avec nostalgie. Ce spot, réalisé par l'agence DDB, brouille admirablement les stéréotypes liés à l'âge. Symptomatique également, l'ouverture du premier magasin Crazy George's en France. Déjà massivement implanté en Grande-Bretagne, le principe de cette chaîne est de permettre à une population exclue du crédit d'avoir accès aux biens d'équipement de la maison. Avec la crise, les faibles revenus sont devenus un marché de masse, d'autant que la consommation est plus que jamais un facteur d'intégration.

La Chine à Cannes

La 43e édition du Festival international du film publicitaire de Cannes, présidée cette année par Michaël Conrad, du groupe Leo Burnett, commence sous le signe des records. Au total, 4 855 annonces presse et affiches, contre 4 338 l'an passé, et 4 391 films, contre 4 211 en 1995, sont présentés par 63 pays. On note pour la première fois une délégation, d'environ 150 personnes, venant de Chine.

Proximité affective

Rencontrer Germaine de chez Lustucru, se faire secouer par Orangina ou encore connaître son destin avec Avenir, ce sont quelques-uns des divertissements proposés par près de 40 marques au grand public convié à la Cité de la pub. L'objectif, comme le dit Sylvie Douce, l'organisatrice de l'événement, est de recréer un lien affectif entre le public et les marques.

Évolution

Les affiches des vêtements Kookaï, où une femme dominatrice succède à la gamine qui a fait le succès publicitaire de la marque, sont révélatrices d'une évolution certaine. « Ni tout à fait la même, ni tout à fait autre. Nous nous sommes référés aux premiers portraits des kookaïettes. Et nous avons essayé de reproduire le même discours publicitaire sans mots » explique Anne de Maupéou, la nouvelle directrice de création de l'agence CLM/BBDO. La campagne a fait l'unanimité au sein de la profession et a gagné le Grand Prix de l'affichage. Et cette récompense est tout un symbole. En effet, en 1993, l'agence avait déjà obtenu la première place du palmarès avec cette marque. Mais, peu de temps après, Philippe Michel disparaissait, et l'agence n'avait pas retrouvé le souffle créatif de son fondateur. La nouvelle direction mise en place en début d'année se trouve ainsi d'emblée dans la lignée de celui qui fit la réputation de CLM/BBDO.

Créativité et changement

« Dans un monde d'hyperconcurrence, on ne doit pas craindre le changement. Et savoir faire appel à la créativité. Plus précisément, il faut comprendre la relation entre les deux : la créativité est un moyen de gérer le changement » dit Jean-Marie Dru, patron de BDDP, qui prépare, pour 1997, un nouveau livre sur ce thème. Le Saut créatif, dont il était l'auteur, avait déjà fait date dans l'histoire publicitaire.

Sanguine

Pour le lancement de sa version rouge, à base d'oranges sanguines, Orangina se lance dans la parodie de film d'horreur. Le spot, réalisé par John Camitz, obéit au rythme du genre : quiétude, apparition du monstre, accalmie puis réapparition. Face à Coca-Cola, l'unique soft-drink rouge veut sortir du ghetto de l'enfance.

Bleu

Le numéro 2 des colas investit 2,5 milliards de francs pour se démarquer de son rival Coca-Cola. La boule rouge et bleue représentative des packagings de Pepsi devient verticale et seulement suggérée sur fond bleu... Un nouveau rebondissement dans la bataille des colas.

Émotion aussi

Le 11 avril, à l'annonce de la mort de Marcel Bleustein-Blanchet à l'âge de quatre-vingt-neuf ans. Il avait fondé Publicis en 1926 et était à l'origine de grandes sagas comme Dim, Boursin ou Renault. Il affirmait avoir choisi la publicité parce que « c'est un métier qui comporte une philosophie de l'optimisme ». Mais, depuis longtemps, il avait préparé sa succession de telle manière que sa disparition n'affecte pas l'empire qu'il avait créé. Quant à BDDP, l'autre brillant phénomène français, c'est un vendredi 13 que ses dirigeants ont cédé 100 % de leurs parts au réseau britannique GGT. Cette solution permet à BDDP d'éviter de tomber dans l'escarcelle de certains consortiums américains, plus orientés marketing que soucieux de créativité. Et c'est tant mieux, car cette agence a fortement contribué à ce que la France relève la tête au 43e Festival international du film publicitaire de Cannes. L'Hexagone a en effet repris la troisième place, derrière les États-Unis et la Grande-Bretagne.